Les étapes du deuil de Naïm Qassem
©Ici Beyrouth

Une nette séparation se dessine entre Naïm Qassem et le Hezbollah, voire entre plusieurs factions au sein du parti et sa base élargie de partisans, après la disparition d’une figure centrale comme Hassan Nasrallah. Disparition qui a affaibli la prise de décision et l’autorité centralisée.

Historiquement, Qassem jouait un rôle secondaire au sein du Hezbollah, servant principalement de messager lorsque Nasrallah préférait ne pas intervenir directement dans certaines décisions clés ou déclarations publiques.

Mais l’assassinat de Nasrallah, suivi de celui de Hachem Safieddine, pressenti pour lui succéder, a placé Qassem dans une position peu enviable: celle du designated survivor (survivant désigné). Ce terme, emprunté au gouvernement américain, désigne une personne tenue à l’écart des grands rassemblements afin d’assumer la direction si toute la haute hiérarchie venait à disparaître. En général, cette personne occupe un rang relativement bas, les figures les plus importantes étant censées assister aux rassemblements majeurs.

Naïm Qassem se retrouve aujourd’hui dans une posture profondément inconfortable, que l’on peut décrire comme un état de deuil psychologique intense, tel que défini par la psychiatre américano-suisse Elisabeth Kübler-Ross dans son modèle du deuil en cinq étapes.

Ni le Hezbollah ni Qassem ne sont immunisés contre les réactions humaines face à la perte. L’état de deuil, depuis la récente guerre au Liban – depuis l’attaque des bipeurs jusqu’à aujourd’hui – perdure, sous diverses formes et selon des méthodes parfois inédites, souvent via des parades à moto.

La première étape du deuil est le déni: celui-ci s’est manifesté dans les rassemblements de partisans du Hezbollah qui, au départ, ont refusé de croire à l’assassinat de Nasrallah, et continué à l’attendre comme s’il devait réapparaître un jour, tout en étant convaincus qu’ils n’avaient pas perdu la guerre et qu’ils étaient toujours en route pour libérer Jérusalem.

La décision du gouvernement, la semaine dernière, de confiner toutes les armes aux mains de l’État a brisé ce déni et fait passer les partisans du Hezbollah à la deuxième étape: la colère: celle-ci se traduit aujourd’hui par des parades à moto et des propos extrêmement virulents: menaces, insultes et vulgarités visant le président de la République, le Premier ministre et tout ministre soutenant cette décision.

Les récents propos de Kassem confirment cette dynamique. Dans son discours, il présente la mort en martyr comme la seule issue possible, semblant dire: «Plutôt tomber au combat que trahir ma cause.»

La troisième étape, qui coïncidera avec les prochaines élections législatives, sera celle de la victimisation. Le Hezbollah se présentera comme lésé et abandonné, déplorant que la réalité ne corresponde pas à ses aspirations et affirmant avoir été laissé seul face à des crises sans fin. Ce sentiment de persécution servira de campagne électorale, érigée sur les décombres de la dernière guerre.

La quatrième étape, celle de la dépression, surviendra lorsque le Liban négociera une trêve – voire une paix – avec Israël. Cette issue est désormais inéluctable, même si le Hezbollah tente de la rejeter ou de l’adoucir sous des formules comme «le respect du cessez-le-feu».

La cinquième et dernière étape sera l’acceptation. Elle ne viendra que lorsque le Hezbollah, et la communauté chiite qui le soutient, reconnaîtront que le train de l’État est déjà en marche et qu’il faut à tout prix le rattraper, en admettant que seul l’État peut protéger sa communauté et son peuple.

 

 

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