Et si les baleines nous parlaient? L’intelligence artificielle tend l’oreille
Une baleine à bosse nageant gracieusement sous l'eau au fond de l'océan. ©Shutterstock

Et si les baleines essayaient de nous parler? Grâce à l’intelligence artificielle, des chercheurs décryptent les sons complexes de ces géants marins. Leurs réponses à des appels humains et leurs gestes troublants suggèrent une forme de communication inter-espèces.

Pendant longtemps, on pensait que les baleines chantaient seulement pour se repérer, séduire ou maintenir le lien entre congénères. Or, des travaux récents menés par le SETI Institute et l’Université de Californie à Davis remettent cette idée en question. À l’aide de l’intelligence artificielle, des chercheurs ont identifié des motifs sonores étonnamment structurés, et des comportements troublants, laissant penser que certains cétacés pourraient chercher à entrer en contact avec les humains.

Le cas le plus significatif est celui d’une baleine à bosse baptisée Twain. En 2021, des scientifiques lui ont diffusé un contact call – un appel utilisé par les baleines pour signaler leur présence. La réponse de Twain a stupéfié les chercheurs: non seulement elle a répondu à 33 reprises, mais elle a ajusté l’intervalle entre ses appels pour imiter le rythme humain, comme si elle engageait une forme de dialogue.

Dans une étude publiée en 2023 dans PeerJ, l’équipe menée par Brenda McCowan (UC Davis et SETI Institute) décrit ainsi l’échange: «La baleine, que nous avons ensuite identifiée comme une femelle de 38 ans nommée Twain, a répondu à notre appel sonore enregistré à 33 reprises, engageant un véritable tour de parole… Tout au long de l’échange de 20 minutes, Twain a ajusté l’intervalle entre chaque appel pour correspondre à nos variations.»

McCowan précise dans la même publication: «Nous pensons qu’il s’agit du tout premier échange communicatif de ce type entre des humains et une baleine à bosse, dans le “langage” propre aux baleines à bosse.» (PeerJ, 2023)

Cette avancée a été rendue possible par l’intelligence artificielle, capable d’analyser des milliers d’heures d’enregistrements sous-marins. Le projet CETI (Cetacean Translation Initiative), mené par une équipe multidisciplinaire, travaille à décrypter les codas des cachalots: des clics brefs, émis en séquences, qui varient selon les groupes et les contextes sociaux.

Dans un entretien accordé au Guardian en 2025, David Gruber, fondateur du CETI Project, explique: «Nous essayons de faire avec les cachalots ce que l’on ferait si l’on rencontrait une espèce intelligente sur une autre planète et qu’on voulait communiquer: on essaie de décrypter leur communication à partir de rien.»

Quand la baleine répond

Mais le langage des baleines n’est pas seulement sonore. Des observations récentes montrent que certaines utilisent aussi le geste et la visualité. Dans une étude parue en juin 2025 dans Marine Mammal Science, des chercheurs ont recensé 39 bulles en forme d’anneaux soufflées par 11 baleines à bosse exclusivement en présence d’humains, un comportement jamais observé dans un contexte de chasse, de jeu ou de reproduction.

Selon le Dr Fred Sharpe, coauteur de l’étude: «Nous montrons qu’elles soufflent des anneaux de bulles dans notre direction, apparemment pour interagir de manière ludique, observer notre réaction et/ou initier une forme de communication.»

Jodi Frediani, également coauteure, précise: «Nous avons repéré une douzaine de baleines dans différentes régions du monde, dont la majorité a volontairement approché des bateaux ou des nageurs en soufflant ces anneaux de bulles durant des épisodes de comportement curieux.» (Marine Mammal Science, juin 2025)

Pour les chercheurs du SETI Institute, cette volonté d’entrer en contact est comparable à celle qu’ils espèrent détecter un jour chez une forme de vie extraterrestre. Selon eux, les baleines pourraient bien représenter la première intelligence non humaine avec laquelle nous ayons une chance de dialoguer.

Laurance Doyle, astrophysicien au SETI, explique dans un communiqué de juin 2025: «Une hypothèse fondamentale dans la recherche d’intelligence extraterrestre est que cette intelligence souhaite établir un contact. Cette hypothèse semble bel et bien validée par l’évolution indépendante d’un comportement curieux chez les baleines à bosse.»

Ce constat soulève des questions fondamentales: si une espèce intelligente essaie de nous parler, avons-nous le devoir de lui répondre? Avons-nous même les moyens de le faire? Et que signifie «parler» dans une langue que nous ne connaissons pas, faite de clics, de sons, d’eau et… d’ondes?

Face à l’effondrement écologique et au remous du monde marin, cette écoute nouvelle constitue une lueur d’espoir inattendue. Les baleines nous parlent peut-être depuis toujours. Nous n’avons simplement pas su entendre. Avec l’intelligence artificielle et une attention renouvelée, nous pourrions bien être à l’aube du premier dialogue entre espèces conscientes.

 

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