Liban: entre feu et flammes, une économie sur la corde raide
L'économie sous haute tension ©Ici Beyrouth

Pris dans les feux croisés de la guerre entre Israël et l’Iran, le Liban tente tant bien que mal de limiter la casse économique. Une mission quasi impossible pour un pays encore sonné par les séquelles du conflit Israël-Hezbollah, qui l’a laissé exsangue sur les plans humain, financier et institutionnel.

Dans ce climat de tension régionale, deux périls majeurs menacent une économie déjà à genoux: l’aggravation du déficit de la balance des paiements et une inflation galopante, nourrie à la fois de facteurs internes et d’une dépendance massive aux importations. En effet, 80% des besoins alimentaires, de l’énergie et des matières premières sont achetés par le Liban à l’étranger.

Menace sur les finances publiques

Dès lors, une question cruciale s’impose: comment l’État libanais peut-il encore financer ses dépenses alors que la région s’embrase? Jusqu’à quand les fonds du compte 36 du Trésor, véritable trésor de guerre de l’État, permettront-ils de faire tourner les administrations publiques, d’assurer les salaires, d’acheter du blé et du fuel?

Le flux de devises étrangères vers le pays du Cèdre risquerait d’être gravement perturbé si la guerre entre Israël et l’Iran venait à s’inscrire dans la durée. Le plus inquiétant reste l’incertitude totale quant à la longévité de ce conflit.

Aggravation du déficit de la balance des paiements

Le compte courant de la balance des paiements libanaise est sur une pente dangereuse. Si les transferts stables de la diaspora – autour de 7 milliards de dollars depuis 2019, hors envois en cash – restent un soutien essentiel, les autres sources de devises s’avèrent précaires, notamment le tourisme, pilier de l’économie. Mohammad Choucair, président des organismes économiques, prévient qu’une saison estivale ratée à cause de la guerre Israël-Iran mettrait en péril 41% du PIB. Parallèlement, le Trésor devra dépenser davantage en devises pour importer blé et carburants indispensables à l’électricité, alors que les prix mondiaux flambent.

Face à cette situation, Nicolas Chammas, secrétaire général des organismes économiques, appelle les Libanais à privilégier le tourisme local, dynamisé par les initiatives municipales, pour préserver les devises. Le vrai risque: un déficit croissant de la balance des paiements, signe que le Liban dépense plus qu’il ne gagne, ce qui fragilise des finances publiques déjà sur la corde raide.

Double peine inflationniste

L’inflation au Liban avance à double vitesse. D’un côté, une poussée locale contenue par une demande en berne; de l’autre, une flambée importée que rien ne semble pouvoir freiner. Selon M. Chammas, l’inflation interne pourrait encore être maîtrisée: autour de 15,2% – un taux avancé par la Banque mondiale dans son rapport du printemps 2025, publié avant l’embrasement régional.

Mais sur le terrain, les prix s’emballent sous l’effet d’un cocktail explosif: la mise en place de nouvelles taxes sur les carburants – deux dollars sur le diesel, un dollar sur l’essence – combinée à la flambée des cours du pétrole, attisée par la guerre Israël-Iran. «La taxe, déjà lourde, a été suivie d’un choc pétrolier... Résultat: c’est l’automobiliste qui trinque», commente Dorine, croisée dans une station-service à Gemmayzé.

Deux barèmes hebdomadaires pour les carburants rythment désormais les hausses. Cette semaine, le prix du bidon d’essence a grimpé de près de 37.000 livres libanaises. Une spirale qui menace d’entraîner à sa suite l’ensemble des produits et services liés au transport et à l’énergie.

Assurances: une couverture sous tension

Comme si cela ne suffisait pas, les primes d’assurance maritime connaissent, elles aussi, une hausse vertigineuse. Tous les navires acheminant des marchandises vers le Liban doivent désormais s’acquitter de surcoûts imposés par les assureurs et réassureurs, en raison des risques dans le détroit d’Ormuz et la mer Rouge. Certaines polices sont même refusées pour les zones classées rouges ou oranges.

Le Liban est ainsi étiqueté «zone orange», mais toute la région au sud de Saïda passe en «zone rouge», exclue de toute possibilité de réassurance. Cette classification fait grimper les frais de transport et, par ricochet, les prix sur le marché local.

En résumé, dans un pays à bout de souffle, chaque hausse agit comme une étincelle de plus sur un baril de poudre économique.

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