
Au Liban, les étés se suivent... et se ressemblent. Chaque année, à l’approche de la saison touristique, les Libanais, devenus experts en espoirs avortés, ressortent leur valise d’optimisme, leur crème solaire économique et... voient tout s’évaporer au premier coup de vent géopolitique. C’est devenu une tradition non écrite: quand le tourisme veut décoller, ce sont les avions qui restent cloués au sol.
Depuis le 13 juin, le secteur du voyage au Moyen-Orient traverse de fortes turbulences, dans le sillage des affrontements entre l’Iran et Israël. Et, comme d’habitude, le Liban, fidèle à son rôle de figurant malchanceux, en paie le prix en se trouvant, une fois de plus, au cœur du drame.
«Le secteur a subi de lourdes pertes à cause des événements récents», indique Jean Abboud, président du Syndicat des agences de voyage au Liban. «On s’attendait à une saison estivale exceptionnelle, mais les derniers développements l’ont complètement ruinée», confie-t-il à la chaine de télévision MTV.
Chute libre sur les pistes d’atterrissage
Avant le 14 juin (début de la guerre entre Israël et l’Iran), l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) accueillait chaque jour environ 85 vols transportant près de 13.000 passagers. Depuis le début des tensions irano-israéliennes, ce chiffre s’est effondré: seulement 36 vols quotidiens, avec 4.000 passagers à bord, soit une chute de plus de 60%, selon le Syndicat des agences de voyages.
Les compagnies aériennes, dans un souci de sécurité, ont annulé, suspendu ou replanifié leurs vols vers Beyrouth. Résultat: chaos à l’AIB, valises perdues, passagers déboussolés, plans chamboulés.
L’été rêvé... devenu mirage
«Les expatriés maintiendront peut-être leurs vacances au Liban, mais nous comptions surtout sur la clientèle du Golfe», ajoute M. Abboud. En mai et début juin, les touristes du Golfe ont afflué, laissant espérer le meilleur pour l’été. Mais avec la crise actuelle, ils se sont évaporés. Et avec eux s’envolent les espoirs de relancer l’économie locale par le tourisme. «Nous espérions que la contribution du secteur au PIB serait significative cet été, mais cela ne se produira pas», regrette M. Abboud.
Une occasion envolée, un avenir flou
Quant aux Libanais bloqués à l’étranger, M. Abboud rassure: «La majorité est rentrée, la situation s’est améliorée, seuls quelques-uns sont encore à l’étranger.»
Mais l’heure est au deuil touristique. «Nous avons perdu l’opportunité d’une vie», conclut-il. Le Liban espérait revivre les heures glorieuses de 2009-2010, lorsque le tourisme avait injecté 11 milliards de dollars dans l’économie. Cette année, on en est loin, très loin.
Dans un pays où l’humour reste un mécanisme de défense collectif, on entend déjà dire: «Heureusement, nous avons la mer et le soleil. Au moins pourrons-nous pleurer en lézardant au bord de l’eau.»
En attendant, les Libanais s’habituent à ce rituel estival inversé: plus la température monte, plus l’économie gèle.
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