
Trois… deux… un… Contact!
Chaque semaine, la piste du «Cap Carnaval» Rafic-Hariri vibre au son des réacteurs diplomatiques: la navette française de l’émissaire spécial pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, s’est posée ce lundi. Celles des Américains Tom Barrack et Massaad Boulos sont attendues dans les prochaines semaines. Jusqu’à présent, tout repartait en orbite avant que la tour de contrôle libanaise n’ait trouvé le manuel des procédures… notamment par l’élection d’un président porteur d’espoirs.
Une authentique rotation spatiale, sauf que la destination n’est ni Saturne, ni Mars, mais les profondeurs d’un pays en apesanteur.
Chaque mission comprend la tournée des trois présidents (de la République, du gouvernement et du Parlement), avec parfois un crochet par le commandant en chef de l’armée. Depuis quelques mois, le scénario se répète. Il commence par l’inévitable première séquence, «Rendez vos armes», adressée au Hezbollah. Réponse invariable du secrétaire général de la milice pro-iranienne Naïm Qassem: «Nous ne permettrons à personne de nous désarmer.»
Traduction pour ceux qui débarqueraient fraîchement sur la planète: soit on reste un État dans l’État, hors la loi, soit c’est la guerre civile.
Les puissances occidentales demandent un calendrier de remise des armes aux forces légales avec une insistance croissante. Cela n’émeut guère les hommes en noir de Téhéran.
La deuxième séquence est le corollaire de la première.
Après la visite très médiatisée du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, un accord a été conclu: le désarmement des camps doit commencer à Beyrouth ce dimanche 15 juin, pour s’étendre au reste du pays, «selon un calendrier précis».
Sauf que, depuis, le radar est muet: ni fumée blanche, ni même un micro-tweet de «contrôle mission». Le compte à rebours s’est figé quelque part entre T-10 jours et l’éternité.
La troisième séquence concerne la Finul.
Les Américains et les Israéliens se demandent désormais ouvertement à quoi sert cette force: elle coûte cher d’une part, et elle n’a pas empêché le Hezbollah de «gruyériser» le Sud-Liban, d’autre part. Et pour couronner le tout, des «sympathisants» de la milice pro-iranienne agressent désormais quotidiennement les Casques bleus, histoire de compliquer encore un peu plus leur tâche. Il n’est pas du tout certain qu’au mois d’août, le mandat de la Finul soit reconduit sans obstacles majeurs.
La quatrième séquence, ce sont les réformes.
Pour l’instant, elles tournent en orbite elliptique: toujours visibles au télescope, jamais à portée de main. Mis à part les plans très douteux du Fonds monétaire international, qui ne feraient qu’aggraver la crise, rien de nouveau au firmament.
Ah si! Le gouvernement vient d’imposer des taxes sur les carburants. Une brillante idée… qui va énerver encore un peu plus les Libanais. Parce que, dans le fond, personne, aucun pays, aucune organisation sérieuse, n’est prêt à donner le moindre centime pour la reconstruction du Liban ou de son économie, tant que la première séquence n’est pas réglée. C’est-à-dire, tant que le Hezbollah tient le pays en otage.
Au final, le Liban ressemble à une station spatiale en pleine dérive, où les lois politiques sont renversées: plus on pousse au désarmement, plus les armes s’enracinent, comme aspirées par un trou noir de cynisme et d’égoïsme.
Pourtant, il va bien falloir reprendre les commandes, débrancher le pilotage automatique et appuyer sur le bouton «arrêt». Sinon, d’autres s’en chargeront.
La cinquième séquence, qui nous fait entrer dans une autre dimension, lunaire celle-là, concerne la Syrie.
Pendant que le Liban patauge entre menaces, tergiversations et perte de crédibilité, Damas est au firmament: 400 milliards de dollars d’investissements dans les ports, l’électricité, les infrastructures… On refuse du monde et on calcule à guichets fermés. Si ça continue comme ça, dans quelques années, des millions de Libanais pourraient se téléporter comme main-d’œuvre bon marché dans les villes syriennes.
À ce moment-là, nous aurons confirmé la réalité de la théorie des univers parallèles!
Houston, nous avons un problème: il est purement terrestre.
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