Les dirigeants libanais sauront-ils saisir les messages américains?
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Selon des sources informées, Donald Trump revoit actuellement la composition de son administration, à l’approche du délai qu’il s’est lui-même fixé en juin pour trancher sur le dossier iranien. Cette restructuration interne intervient sur fond de tensions entre son vice-président et son fils, Donald Trump Jr. En effet, deux courants s’opposent: l’un favorable à une offensive israélienne contre l’Iran, quitte à entraîner les États-Unis dans une escalade militaire; l’autre, porté par Trump lui-même, privilégie une approche pacifique, fidèle au credo «America First».

Dans ce contexte, Trump a récemment nommé Marco Rubio au poste de conseiller à la sécurité nationale pour succéder à Michael Waltz qui a été transféré à la mission américaine à New York après son limogeage et celui de son adjoint. Rubio a pour mission de réorganiser en profondeur le Conseil national de sécurité et de réduire de moitié les effectifs, actuellement composés de 350 personnes.

Des cercles bien informés à Washington fixent désormais les priorités suivantes pour le Liban:

Premièrement, rester à l’écart de la guerre en cours entre Israël et le Hezbollah, s’en tenir strictement aux termes du cessez-le-feu proposé par les États-Unis et la France et appliquer la résolution 1701.

Deuxièmement, s’affranchir de l’axe iranien et adopter une neutralité positive, principe proclamé depuis l’indépendance, et ce, malgré les pressions de l’Iran – illustrées par la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Abbas Arakji – pour réaffirmer son emprise via l’axe de la Moumanaa, en totale contradiction avec ses déclarations officielles.

Troisièmement, désarmer le Hezbollah et les groupes palestiniens, et rétablir le monopole de l’État sur les camps et dépôts d’armes, sous l’autorité exclusive de l’armée et des services de sécurité.

Quatrièmement, lancer des réformes économiques et financières afin de permettre au Liban de réintégrer le système bancaire officiel et mettre fin à l’économie parallèle, basée sur le cash, qui finance notamment le Hezbollah par l’entremise de l’association non agréée Al-Qard al-Hassan.

Cinquièmement, assurer l’intégration régionale dans le processus de paix en appliquant les accords d’Abraham, à l’instar du président syrien Ahmad el-Chareh qui aurait entamé des négociations directes avec Israël en Azerbaïdjan.

Par ailleurs, d’après ces sources américaines, les récents événements au Liban constituent un signal clair de la part de Washington, face à l’inaction prolongée de dirigeants libanais et l’absence de mesures concrètes. Pour l’administration Trump, le temps presse et le Liban ne doit pas rater ce train de la dernière chance.

Des reproches ont d’ailleurs été adressés à certains responsables libanais, notamment après le dernier raid israélien. L’un d’eux, se disant ciblé, a déclaré: «Nous ne nous rendrons pas».

Washington s’étonne également du déploiement tardif de l’armée dans la banlieue sud de Beyrouth, survenu juste avant l’ultimatum israélien visant des sites militaires souterrains supposés abriter entrepôts, dépôts et usines de drones. L’armée israélienne, via la commission de coordination, avait formellement notifié l’armée libanaise de son intention de bombarder la zone et exigé son évacuation. L’armée libanaise aurait dû intervenir bien plus tôt.

Certains observateurs relèvent également l’échec persistant du Liban à contrôler les armes du Hezbollah au nord du Litani, une zone que le tandem chiite considère exclue du champ de l’application de la résolution 1701. Un haut responsable sécuritaire reconnaît que le Hezbollah rejette toute coopération avec l’État concernant ses armes, refusant notamment de transmettre à l’armée les données concernant ses entrepôts, usines ou tunnels, arguant d’une directive transmise par Arakji selon laquelle l’équilibre des forces finira par pencher en faveur de la résistance et les armes resteront en fin de compte.

Alors que l’attention internationale se tourne désormais vers la Syrie, désormais engagée publiquement dans le processus de paix et mettant ses intérêts nationaux au premier plan – certains diplomates occidentaux avancent que Donald Trump pourrait bientôt recevoir le président Ahmad el-Chareh à la Maison Blanche. Une poignée de main dans le Bureau ovale serait alors hautement symbolique, marquant un geste d’encouragement à l’égard de cette nouvelle orientation syrienne.

Cependant, à en croire ces mêmes sources, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, fragilisé par de profondes tensions politiques internes, pourrait tenter de détourner l’attention en déclenchant une guerre contre le Liban sous prétexte d’en finir avec les armes du Hezbollah.

En réalité, tandis que Gaza bénéficie désormais du parapluie américain et que la Syrie jouit d’une immunité internationale, le Liban demeure, lui, le maillon faible de l’équation régionale.

Partant, le Liban accompagnera-t-il l’élan de paix impulsé par Trump et se joindra-t-il aux accords d’Abraham? Ou restera-t-il planté sur le quai, incapable de rétablir le monopole de l’État sur les armes, au risque de voir le train de l’histoire s’éloigner … et d’en payer, seul, le prix fort?

 

 

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