
Les élections municipales du 24 mai au Liban-Sud marquent une étape clé dans une région marquée par les stigmates de la guerre de 2024 contre Israël.
Alors que le pays cherche à renouer avec ses processus démocratiques, ce scrutin s’annonce comme un défi logistique et politique, notamment dans les zones frontalières dévastées.
Plus de 90.000 habitants ont été déplacés du sud depuis octobre 2023, et des dizaines de localités ont subi des destructions massives, rendant incertaines l’organisation logistique du vote, en dépit des efforts menés par les autorités.
Le sud est sous tension, avec des violations israéliennes du cessez-le-feu, qui compliquent la préparation des bureaux de vote et la mobilisation des électeurs. La série de raids menés par l’armée israélienne, jeudi soir, contre plusieurs secteurs du Liban-Sud, pourraient décourager plusieurs électeurs installés ailleurs.
Le scrutin de samedi s’annonce comme un test démocratique sous tension, puisqu’il intervient dans un contexte particulier: celui d’une pression internationale renforcée sur le dossier du désarmement du Hezbollah, et d’un climat institutionnel encore marqué par la lenteur des réformes.
Intervention des partis et instrumentalisation politique
Le tandem Hezbollah-Amal devrait sans surprise remporter la majorité des voix dans de nombreux conseils municipaux de Nabatiyé, Tyr, Bint Jbeil et ailleurs où il bénéficie d’une forte base populaire.
Pour lui, ce scrutin est perçu comme un test de loyauté politique. Pour d’autres, un baromètre du mécontentement populaire et un indicateur de la capacité des partis à mobiliser une population exsangue.
Sur le terrain, les deux partis ont mis en place des comités électoraux conjoints concentrant leurs efforts sur la mobilisation des électeurs. Dans les zones acquises à Amal, le parti a consulté familles influentes, groupes politiques et figures locales pour sélectionner ses candidats, tandis que le Hezbollah a adopté une démarche similaire dans ses propres zones d’influence.
Dans des zones comme Kfar Kila, Odaisseh, Taybeh, durement frappées par les bombardements israéliens, l’enjeu dépasse la simple gestion des services publics; Il s’agit de reconstruire et de rétablir la confiance envers des figures dont la légitimité est de plus en plus questionnée.
À quelques jours des élections, le taux de participation reste la grande inconnue.
Toujours à l’œuvre?
Le Hezbollah et Amal continuent d’assurer des services sociaux, éducatifs et sanitaires essentiels, comblant l’absence d’un État qui commence tout juste de s’imposer comme la seule autorité de référence.
Mais nombreux sont ceux qui restent méfiants, voire sceptiques. «Les élections ne changent pas grand-chose. Les mêmes partis reviennent toujours au pouvoir et les promesses ne sont jamais tenues», commente un commerçant de Blat, village du caza de Marjeyoun.
Des dizaines de conseils municipaux ont été élus d’office dans le caza de Marjeyoun tels que Mays el-Jabal, Taybeh, Khiam et Mhaybib.
Municipales à Nabatiyé
Avec une liste incomplète de 14 candidats nommée «Nabatiyé mérite le meilleur», l’opposition à Nabatiyé a décidé d’entrer dans la bataille contre le tandem Amal-Hezbollah qui a échoué à favoriser un développement économique et culturel de la ville historique. «Si le développement devait avoir lieu, il aurait eu lieu il y a 18 ans», selon Fakhereddine, un candidat opposé au duo chiite.
«La bataille est menée contre l’absence de développement, rien de plus», commente un autre opposant.
La fermeture de l’usine de tri des déchets, de la station d’épuration des eaux usées, la baisse de l’approvisionnement en eau, la mauvaise gestion routière sont toutes le résultat d’une gestion catastrophique de la ville.
Le ras-le-bol à Nabatiyé est palpable. La liste «Développement et fidélité» conduite par Abbas Fakhreddine mène la bataille sous le slogan «Renforcer le développement local, répondre à toutes les crises et trouver des solutions radicales» aux problèmes de la ville.
Une autre bataille fait rage dans la localité de Kfour, où coexistent musulmans et chrétiens. Le duo fait face à une liste de familles de «martyrs» du Hezbollah et de chrétiens qui s’opposent à la politique de développement de la municipalité et rejettent la performance du président du conseil municipal actuel, Khoder Saad, qui est affilié au Hezbollah.
La liste est dirigée par une dame de la famille Hanjoul.
Même scénario dans la localité d’Ansar où les affiches de candidats couvrent les rues. La liste la plus importante qui se présente aux élections est celle, incomplète, baptisée «Jeunesse». Elle est composée de cinq jeunes hommes qui ont décidé de se présenter aux élections face à la liste soutenue par la municipalité actuelle, proche du Hezb.
Pour les jeunes, Ansar représente un pilier dans le développement. Ils aspirent à en faire une porte d’entrée pour le tourisme, le commerce et la culture, après des années de négligence.
Les jeunes hommes savent qu’ils n’ont aucune chance de gagner face à la machine rodée du Hezbollah, mais ils estiment que leur candidature est un moyen de faire entendre une voix différente.
Ils encouragent les habitants du village à choisir le candidat le plus approprié avec un programme réalisable.
Défis et pistes de réponse
Dans le caza de Marjeyoun, notamment à Jdeidet-Marjeyoun (chef-lieu du caza), Klayaa, et Deir Mimes, l’ambiance varie selon les enjeux, politiques ou familiaux.
À Jdeidet-Marjeyoun, qui compte 6.000 électeurs, 27 candidats repartis dans deux listes dont une seule est complète, se disputent les 15 sièges du conseil municipal. Le général Sleiman Abou Rizk dans la liste «Li Nanhad Maan» (Développons-nous ensemble) promet de «travailler sur des projets qui répondent aux besoins de notre communauté, comme l’accès à l’eau potable, la réhabilitation de l’hôpital gouvernemental de Marjeyoun et le soutien aux jeunes qui sont l’avenir de cette région». «Ces élections sont un moment décisif pour nous», insiste-t-il, en soulignant l’importance des élections dans la mise en place de politiques locales efficaces.
Nahida, une mère de famille à Marjeyoun, mise sur le changement: «Les élections sont une chance pour nous de choisir des dirigeants qui se soucient de notre avenir.»
À Deir Mimes, sept femmes sont impliquées dans le processus électoral et révèlent une volonté de changement et une aspiration à une représentation plus équitable dans la liste «Al-Daramissa» incluant une mokhtara. Elles expriment une volonté de changement et aspirent à une représentation plus équitable. «En tant que femme, je peux apporter une nouvelle perspective. Nous sommes l’avenir de ce pays et de cette région qui a tant souffert, et il est temps que nous prenions notre place», confie Tania, candidate.
Il en est de même à Klayaa, dans la liste «Kermelik ya Klayaa», où jeunes femmes et hommes s’impliquent pour renforcer la démocratie locale et promouvoir un développement inclusif.
Les initiatives mises en place montrent un potentiel prometteur, mais il reste encore beaucoup à faire pour surmonter les obstacles culturels et sociaux dans une région où les besoins sont énormes.
Commentaires