Ukraine: pour le Vatican, la perspective d'un retour en première ligne dans le jeu diplomatique
Cette photo prise et distribuée le 18 mai 2025 par les médias du Vatican montre le pape Léon XIV lors d'une audience privée avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son épouse Olena Zelenska au Vatican. ©AFP PHOTO / VATICAN MEDIA

«Qu’elle se concrétise ou non, la considération du Vatican comme possible hôte de prochaines négociations entre Kiev et Moscou replace la diplomatie du Saint-Siège sur le devant de la scène, portée par un vent nouveau depuis l’élection de Léon XIV.»

La semaine dernière, le premier pape américain de l’histoire avait proposé sa médiation aux belligérants du monde entier, et la Première ministre italienne Giorgia Meloni a assuré mardi qu’il lui avait confirmé la disponibilité du Vatican à accueillir des négociations de paix sur l’Ukraine.

Une initiative vue d’un bon œil par Washington, Kiev et l’Union européenne, quelques jours après l’échec, en Turquie, des premiers pourparlers entre les deux pays depuis 2022.

Selon une source proche du dossier, Kiev «discute» avec trois pays qui pourraient théoriquement accepter de nouvelles négociations : la Turquie, le Vatican et la Suisse.

Si «tout est encore à un stade très précoce», le Vatican «pourrait être une bonne plateforme, car c’est un centre moral compréhensible pour tous», a-t-elle ajouté.

Sollicité par l’AFP, le Vatican n’a pas commenté. Mais la presse italienne et internationale y voit un nouveau chapitre pour les diplomates de l’Église, le Wall Street Journal évoquant une session de négociations à la mi-juin.

«Le Saint-Siège le voudrait car cela le remettrait en selle sur l’échiquier diplomatique mondial après une période, sous François, où il est apparu hors jeu sur la Terre sainte et l’Ukraine», confie à l’AFP une source diplomatique européenne à Rome.

Ces dernières semaines, la cité-État a d’ailleurs été le théâtre d’un ballet de chefs d’État, à l’image de la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky sous les ors de la basilique Saint-Pierre le 26 avril en marge des funérailles du pape François.

«Loin d’un accord»

Pour François Mabille, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux et auteur du livre Le Vatican : La papauté face à un monde en crise, la perspective est «crédible» mais soumise à des réserves.

Demeure, surtout, une condition de taille : la participation de Moscou, pour l’instant loin d’être acquise.

Mercredi, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré qu’«aucune décision» n’avait été «prise quant au futur lieu des négociations», répondant que Moscou n’avait «pas encore» reçu de propositions concrètes du Vatican.

Pour Vladimir Poutine, «la question est de savoir quels avantages symboliques il pourrait en tirer», souligne François Mabille.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine début 2022, le Saint-Siège est en froid avec le patriarche orthodoxe russe Kirill, proche soutien de Poutine dont les positions se sont radicalisées jusqu’à évoquer une «guerre sainte», aux antipodes des multiples appels à la paix lancés par l’Église catholique.

Depuis les années 2010, le plus petit État du monde a accueilli deux fois des dirigeants en conflit sur son sol : en 2014, lorsque les présidents israélien et palestinien, Shimon Peres et Mahmoud Abbas, avaient planté un olivier dans les jardins du Vatican aux côtés du pape François, puis en 2019, lorsque le jésuite argentin avait reçu les responsables ennemis du Soudan du Sud.

Mais selon plusieurs experts, le contexte est cette fois très différent tant la perspective d’un accord de paix semble lointaine, du moins à court terme.

Canal officiel

Même si le palais apostolique n’accueille pas les belligérants à sa table, cette perspective donne un nouvel élan au travail diplomatique mené en coulisses par le Saint-Siège sous la houlette de son Secrétaire d’État et n°2, le cardinal italien Pietro Parolin.

Samedi à Rome, le secrétaire d’État américain Marco Rubio s’est d’ailleurs dit «reconnaissant» à l’égard du Vatican pour son rôle dans les échanges de prisonniers en Ukraine au lendemain d’un accord conclu à Istanbul, et son implication pour favoriser le retour d’enfants ukrainiens dans leurs foyers.

Ces dernières années, François s’était affranchi du protocole en multipliant les sorties, parfois très critiquées. Il avait ainsi froissé les Ukrainiens en invitant Kiev à avoir le «courage de hisser le drapeau blanc».

Quelques jours à peine après son élection le 8 mai, Léon XIV, connu comme un homme d’équilibre, a marqué une rupture nette en évoquant une «paix juste et durable», un vocabulaire plus proche de la position européenne.

Surtout, ses déclarations ont remis en valeur la diplomatie officielle du Saint-Siège et son réseau mondial, là où son prédécesseur multipliait les initiatives personnelles, parfois à rebours de la Secrétairerie d’État.

«Il y a à la fois une inflexion sur le contenu et une inflexion sur la forme. On passe d’un pape pacifiste militant à un pape diplomate», note M. Mabille.

 

Par Clément MELKI, AFP

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