
La Syrie, berceau de civilisations millénaires, est également une terre où l'art de la distillation et de la vinification s'est transmis à travers les âges. L'arak et le vin syriens ne sont pas seulement des boissons, ils sont le reflet d'une culture, d'un savoir-faire ancestral et d'une résilience face aux défis contemporains.
La Syrie, berceau historique de la distillation et de la fermentation, est une terre où l’arak et le vin reflètent l’âme du terroir, la résilience des populations et la richesse des communautés locales. Les communautés alawites et chrétiennes jouent un rôle clé dans cette tradition, contribuant activement à la production d’arak et de vin. Les alawites, notamment dans des régions comme Deir Mama, sont reconnus pour leur savoir-faire dans la fabrication de l’arak, tandis que les chrétiens sont particulièrement présents à Homs, où ils participent à la production d’arak et à la gestion de caves viticoles. Malgré les épreuves liées à la guerre et aux sanctions économiques, ces communautés ont réussi à préserver et à transmettre leurs techniques ancestrales de génération en génération.
Avant le début de la guerre en 2011, la production d’arak était dominée par deux grandes entreprises: Al-Rayan, située à Sweida dans la région druze, et Al-Mimas, près de Homs, dans une localité chrétienne. Ensemble, elles détenaient environ 85% du marché syrien de l’arak, selon des données sur l’économie syrienne relayées par The New Arab. Cependant, la guerre a entraîné une baisse significative de la production, avec une prolifération de contrefaçons de moindre qualité, utilisant de l’alcool pur et des substituts à l’anis.
Même si les données précises restent difficiles à établir, on estime qu’environ une trentaine d’unités de production d’arak opèrent en Syrie, principalement concentrées dans les régions de Sweida et de Homs. Avant le conflit, la production annuelle combinée des deux principaux producteurs atteignait plusieurs millions de litres. Aujourd’hui, cette production a fortement diminué, mais des efforts de relance sont en cours pour redynamiser ce secteur traditionnel.
Le vin syrien: une renaissance en marche
La viticulture en Syrie remonte à plus de 8.000 ans, comme en témoigne la découverte d’un pressoir à raisins près de Damas. Cependant, la production moderne de vin est largement dominée par le Domaine de Bargylus, situé dans les montagnes côtières près de Lattaquié, dans une région historiquement connue sous le nom de Mont Bargylus, un terroir déjà réputé pour ses vins à l’époque hellénistique et romaine, bien avant l’ère islamique.
Aujourd’hui, ce domaine représente l’unique exploitation viticole privée en activité en Syrie. C’est en 2003 que la famille Saadé, originaire de Lattaquié, décide de planter ses premières vignes sur ce sol chargé d’histoire. Leur premier millésime voit le jour en 2006. Malgré des bombardements ayant touché les vignes à plusieurs reprises, la production continue, preuve d’une résilience remarquable.
Le Domaine de Bargylus n’a pas tardé à se faire remarquer sur la scène internationale. La célèbre critique de vin Jancis Robinson l’a même qualifié de «sans doute le meilleur vin de la Méditerranée orientale». Le domaine produit environ 45.000 bouteilles par an, principalement des vins rouges issus de cépages tels que le Cabernet Sauvignon, le Syrah et le Merlot.
À noter que la famille Saadé possède aussi le Château Marsyas, situé dans la vallée de la Békaa, au Liban.
En 2022, la Syrie a exporté environ 42.140 kg de vin, d’une valeur de 229.000 $, contre 26.520 kg exportés, d’une valeur de 181.000 $ en 2021, selon la base de données Faostat de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Bien que ces chiffres concernent principalement le vin, ils reflètent également une tendance générale à la reprise des exportations de boissons alcoolisées syriennes.
Cette progression des exportations témoigne d’un redémarrage progressif du secteur viticole syrien, en dépit des nombreux défis encore présents.
Impact de la levée des sanctions sur les exportations
La récente levée des sanctions américaines sur la Syrie offre un potentiel de développement pour les exportations syriennes, y compris celles de l’arak et du vin. Bien que le processus soit complexe et graduel, cette décision pourrait faciliter l’accès des producteurs syriens aux marchés internationaux, stimuler la production et améliorer la qualité des produits exportés.
La Syrie, malgré les épreuves, continue de produire des boissons qui racontent son histoire, sa culture et sa résilience.
Défis sociaux et politiques
Cependant, malgré cette renaissance, des tensions subsistent. Des manifestations ont eu lieu en Syrie, notamment dans les quartiers chrétiens de Damas, réclamant la fermeture des bars servant de l’alcool. Ces protestations soulignent les défis sociaux et politiques auxquels sont confrontées les industries de l’alcool et de la distillation dans le pays, alors même que des efforts sont déployés pour revitaliser ces secteurs.
Ainsi, la Syrie se trouve à un carrefour: entre la préservation de son patrimoine culturel lié à l’arak et au vin, et les pressions sociales et politiques qui pourraient redéfinir l’avenir de ces traditions.
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