La Syrie: une opportunité d'influence et de contrats juteux
La reconstruction de la Syrie. ©Ici Beyrouth

La communauté internationale semble résolue à réintégrer la Syrie sur les plans économique et politique, après des décennies d'isolement. Cette dynamique contraste fortement avec la situation du Liban, qui redoute que la reconstruction syrienne ne capte toute l'attention internationale, reléguant ses propres enjeux géopolitiques et économiques au second plan.

Le Liban, simple relais logistique?

Bien que le Liban dispose d'atouts comme ses ports, son expertise et sa main-d'œuvre qualifiée, il semble cantonné à un rôle de plateforme logistique au service de la reconstruction syrienne. Affaibli par une crise multidimensionnelle et un blocage institutionnel chronique, il peine à attirer les investisseurs. À l'inverse, la Syrie, avec un pouvoir centralisé jugé plus stable, apparaît comme un terrain plus lisible et prometteur. Sa population, trois fois plus nombreuse que celle du Liban, représente un marché plus vaste, propice aux grands chantiers d'infrastructures, d'énergie et de logement.

Un afflux rapide de contrats

Huit mois après la chute du régime de Bachar el-Assad, le président intérimaire Ahmad el-Chareh a rapidement mobilisé des consortiums internationaux autour de projets stratégiques dans les domaines aéroportuaire, portuaire, énergétique, agricole et touristique.

Selon la Chambre de commerce de Damas, les opportunités d'investissement en Syrie atteignent 400 milliards de dollars, dont 250 milliards réservés à la reconstruction, selon les estimations de la Banque mondiale.

7 milliards de dollars pour l'électricité

Un protocole d'accord a été signé avec le consortium international UCC Concession Investments pour moderniser le réseau électrique syrien. Le projet, estimé à 7 milliards de dollars, prévoit la construction de quatre centrales thermiques (Deir ez-Zor, Mhardeh, Zeyzoun, Trifaoui) et d'une centrale solaire de 1.000 MW à Wadi al-Rabi. Il est mené par la société qatarienne UCC Concession, en partenariat avec des firmes turques et américaines.

Ports stratégiques: la France et les Émirats en tête

En mai, la Syrie a signé un contrat de concession de 30 ans avec CMA-CGM pour gérer le port de Lattaquié. L'investissement prévu de 262 millions d'euros vise à moderniser les infrastructures selon les normes internationales. Les revenus seront partagés entre l'État syrien (60%) et CMA-CGM (40%).

Ce contrat symbolise un tournant géopolitique, marquant la fin de la présence militaire russe à Tartous, une condition posée par l'Union européenne pour son soutien, comme rappelé par Kaja Kallas en décembre 2024.

Damas a aussi conclu un accord avec le groupe émirati DP World pour développer un terminal polyvalent à Tartous, avec un investissement de 800 millions de dollars – le plus important à ce jour en Syrie. L'annonce est intervenue juste après la levée des sanctions américaines, remplaçant un acteur russe écarté après la chute d'Assad.

Zones franches et retour de Swift

Le gouvernement syrien estime à 100 milliards de dollars les investissements encore disponibles dans les secteurs pétrolier, agricole et touristique. Un protocole d'entente a été signé avec la société chinoise Fidi pour développer des zones franches sur plus d'un million de mètres carrés. Depuis le début de l'année, plus de 500 entreprises étrangères ont déposé des demandes d'implantation.

Dernier développement majeur: la Syrie sera reconnectée au réseau Swift «dans les prochaines semaines», selon le gouverneur de la Banque centrale. Cette réintégration au système bancaire mondial facilitera les transactions internationales, renforcera la transparence financière et permettra de relancer les échanges extérieurs. Elle réduira surtout la dépendance aux réseaux financiers informels pour les échanges transfrontaliers.

Un coup de pouce du Golfe

En mai, l'Arabie saoudite et le Qatar ont réglé la dette de 15,5 millions de dollars de la Syrie envers la Banque mondiale, tout en annonçant leur volonté de financer les salaires du secteur public. Un signal fort de réengagement régional. Un vrai coup de pouce.

Tandis que le Liban stagne, la Syrie avance à grands pas vers sa réintégration économique. Une dynamique qui pourrait redessiner les équilibres géopolitiques du Levant pour les décennies à venir.

 

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