Municipales: les quelques leçons préliminaires à tirer
©Ici Beyrouth

L’enjeu de ce scrutin du dimanche 18 mai, comme celui des précédents scrutins tenus au début du mois, était certes essentiellement municipal, revêtant dans les petits villages un caractère plutôt personnel, familial ou clanique. Dans les grandes villes, toutefois, une claire tournure partisane (et non pas macro-politique) était perceptible, à l’instar de Zahlé, Baalbeck ainsi qu’au Hermel. Dans la capitale, l’enjeu était, parallèlement au volet fondamental en rapport avec la gestion de la vie quotidienne, d’assurer une parité islamo-chrétienne et une représentativité véritable, légitime et surtout efficace, innovante, au sein du conseil municipal.

Bien au-delà des résultats enregistrés ici et là, un flot de leçons préliminaires devra être tiré de ces consultations populaires, avec en filigrane une réalité indéniable qui devrait rester présente à l’esprit: l’ensemble de la région du Moyen-Orient paraît s’engager sur la voie d’une stabilité soutenue, d’une prospérité que l’on espère solide et, à plus ou moins moyen terme, d’une paix que l’on souhaite durable, avec comme stimulus de poids une forte dynamique de commerce extérieur à grande échelle avec à la pelle de très gros investissements, comme l’a illustré l’importante tournée que le président Donald Trump vient d’effectuer dans le Golfe.

Dans un tel contexte régional en pleine mutation, le Liban ne peut pas – ne doit pas – être le dernier pays à prendre le train en marche. Et c’est précisément à ce niveau que se situent les leçons qu’il convient de tirer de ces scrutins, dans la perspective des législatives de l’an prochain. Il ne s’agit évidemment pas de faire preuve d’angélisme primaire, mais de moderniser loin de tout dogmatisme obtus le système électoral en vigueur, tant au niveau des municipales que des législatives, de manière à aboutir à une représentativité véritable du tissu social libanais, en réduisant les crispations et les frustrations communautaires, sources le plus souvent de graves incidents sécuritaires.

Concrètement, sur le plan des municipales d’abord, l’expérience a clairement montré que la législation actuelle devrait être amendée afin d’éviter à l’avenir le dérapage enregistré le 11 mai à Tripoli – qui n’est pas le premier du genre, d’ailleurs –, où l’élection a abouti à la composition d’un conseil municipal totalement monochrome, aucun candidat chrétien n’ayant pu se frayer un chemin du fait d’un vote manifestement sectaire.

À Beyrouth, le problème de l’équilibre sociocommunautaire se pose avec encore plus d’acuité à chaque scrutin municipal. En juin 1998, Rafic Hariri, soucieux d’assurer la parité au sein du conseil municipal de la capitale, avait demandé à l’ancien ministre Fouad Boutros de mettre à profit son prestige pour entreprendre des concertations avec les partis et pôles d’influence chrétiens (de Beyrouth-Est, notamment) afin de désigner les candidats chrétiens véritablement représentatifs de leur milieu social et qui seraient aptes, de ce fait, à être inclus sur une liste consensuelle. Grâce à son autorité et son charisme, Rafic Hariri avait alors réussi à faire élire les candidats de cette liste, préservant ainsi le principe de la parité. À la suite de ce scrutin, Fouad Boutros avait appelé l’État à trouver une fois pour toutes une solution à la question de la représentation chrétienne au conseil municipal de Beyrouth. En vain…  

Il avait donc fallu l’apport de personnalités de la trempe de Rafic Hariri et Fouad Boutros pour garantir en 1998 la parité à Beyrouth. Depuis, rien n’a été entrepris dans le sens de l’appel qu’avait lancé l’ancien ministre. Aujourd’hui, et dans la perspective de l’ère de stabilité et de prospérité qui pourrait peut-être poindre à l’horizon à l’échelle régionale, il devient plus que jamais impératif d’assainir le climat politique dans le pays et, pour ce faire, de régler le problème de la juste représentation des diverses composantes sociocommunautaires, tant sur le plan municipal que législatif. Cela devrait impliquer notamment la création dans la capitale de deux ou trois «arrondissements» plus ou moins homogènes, dotés chacun de son conseil municipal, et aussi une plus grande rationalisation de la loi électorale de manière à éviter que dans certaines circonscriptions législatives une composante communautaire (minoritaire) puisse imposer son diktat électoral aux autres, comme c’est le cas, notamment, à Zahlé, où les électeurs chiites se conforment généralement en un seul bloc aux consignes de vote.

Plus important encore que l’éternel problème épineux et sensible du découpage électoral, un très gros effort s’impose désormais, notamment de la part des grands partis, en vue d’assainir les pratiques démocratiques et de développer un minimum de culture politique au niveau de l’électorat. Il est grand temps de se départir des comportements miliciens et mafieux auxquels nous avons assisté lors des scrutins de Tripoli, du Hermel et de Baalbeck, où un grand nombre d’accréditations qui devaient être remises aux délégués électoraux des listes opposées au Hezbollah se sont évaporées dans la nature (près de 500 accréditations «perdues» dans le Hermel et des dizaines à Baalbeck, preuve que le parti pro-iranien craignait de possibles percées des listes adverses!).

Ce n’est certainement pas à l’ombre de telles pratiques miliciennes d’un autre âge qu’il sera possible de créer le climat propice permettant d’organiser en 2026 des élections législatives dans des conditions saines et d’engager le pays sur la voie du redressement, d’une stabilité interne et d’une paix réelle qui se font un peu trop attendre.

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