
Depuis Riyad, le président américain Donald Trump a annoncé, mardi, à la demande du prince héritier saoudien, la levée totale – et non une simple suspension – des sanctions économiques et diplomatiques imposées à la Syrie. Une nuance de taille relevée par de nombreux observateurs présents au Forum américano-saoudien sur l’investissement, où chaque mot du président américain était scruté à la loupe.
Dans la foulée, le président intérimaire syrien Ahmad el-Chareh a lancé un appel aux États-Unis, les invitant à investir dans les secteurs clés du pays, notamment le pétrole, le gaz et les ressources minières, en particulier le phosphate. Pour les nouvelles autorités syriennes, cette décision représente une victoire politique majeure, quelques mois après la chute retentissante du régime Assad, le 8 décembre dernier.
Mais cette volte-face américaine pourrait être perçue comme un revers diplomatique pour Israël, qui avait profité de l’effondrement du régime pour intensifier ses opérations militaires et territoriales en Syrie, soulignent certains analystes.
Des concessions en coulisses?
Selon le quotidien britannique The Times, Damas serait prêt à offrir à Washington un accord sur les métaux, à l’image de celui signé par l’Ukraine, ainsi que des concessions politiques ou économiques en contrepartie de la levée des sanctions.
Mais la reprise économique de la Syrie s’annonce titanesque. La Banque mondiale estime les besoins de reconstruction à 250 milliards de dollars, sans compter la rénovation complète d’un appareil d’État obsolète, rongé par des décennies de sanctions. L’ONU, elle, évalue le coût total à plus de 400 milliards de dollars.
Plusieurs sources s’accordent à dire que la Syrie ne pourra tirer parti de cette ouverture sans un plan de relance cohérent, piloté par une élite technocratique incluant des hommes d’affaires de la diaspora. Le constat est sans appel: «Tout est à reconstruire en Syrie.»
Swift, l'isolement financier mondial
La Syrie est soumise à un régime de sanctions internationales depuis 1979, renforcé après la répression sanglante des manifestations de 2011. En 2019, la mise en œuvre de la loi César par les États-Unis a conduit à l’exclusion du pays du réseau Swift, l’infrastructure clé des échanges bancaires mondiaux. Une sanction lourde, qui a coupé la Syrie du système financier international, entravant toute transaction en devises étrangères.
Selon Jihad Yazigi, directeur du site économique The Syria Report, les sanctions américaines étaient les plus contraignantes de toutes. Leur levée envoie donc un signal politique fort: «Cela signifie que la Syrie peut à nouveau commercer, attirer des capitaux, repartir de zéro.» Il ajoute que les premiers effets visibles concerneront les transferts de fonds depuis les pays du Golfe et les flux d’aide au développement.
Un processus de longue haleine
Mais M. Yazigi prévient: la levée des sanctions, si symbolique soit-elle, ne suffit pas. Elle doit s’accompagner d’une mobilisation financière massive, notamment en provenance des pays du Golfe et de l’Europe. Karam Shaar, économiste politique, rappelle de son côté que le processus juridique de levée des sanctions est complexe et long, surtout lorsqu’il s’agit de législations punitives votées par le Congrès. Certaines mesures ne peuvent être annulées que par des textes de loi, et non par décret présidentiel.
Rebond de la livre syrienne
Sur les marchés, la livre syrienne a fortement rebondi dès l’annonce de Trump. Mercredi, le dollar chutait de 5,62% à l’achat, atteignant 8.100 livres syriennes, et de 10% par rapport à la veille. À la vente, le billet vert se négociait à 8.400 livres.
Dans les rues syriennes, cette bouffée d’air a provoqué des scènes de joie spontanées. À Alep, Zain al-Jabali, 54 ans, propriétaire d'une fabrique de savon, s’est réjouie: «Cela va relancer l’économie et encourager les gens à revenir.»
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