Agriculture: des champs fertiles, des frontières stériles
©Shutterstock

L’agriculture libanaise, ce trésor de la terre, vacille. Malgré la qualité reconnue de ses fruits et légumes, le Liban peine à écouler ses récoltes. Fermeture des routes terrestres vers le Golfe, concurrence étrangère féroce, coûts d’exportation en hausse: les obstacles s’accumulent et menacent un secteur déjà fragilisé. Face à l’urgence, le ministre de l’Agriculture, Nizar Hani, tire la sonnette d’alarme et appelle à des mesures concrètes pour sauver ce pilier de l’économie rurale.

Au Liban, la terre donne, mais le marché ne suit plus.

Lors du dernier Conseil des ministres, le ministre de l’Agriculture, Nizar Hani, a tiré la sonnette d’alarme: l’agriculture libanaise est en danger, étouffée par une crise d’écoulement de la production, une fermeture persistante des routes d’exportation terrestres, en particulier vers les pays du Golfe, et une conjoncture économique asphyxiante.

«Le coût du transport maritime est élevé, les délais longs, et cela nuit à la compétitivité de nos produits frais», a expliqué M. Hani à Ici Beyrouth, appelant à rouvrir la voie terrestre via l’Arabie saoudite, qualifiée de «passage vital» pour la survie du secteur. «En période de récolte, cette route n’est pas un luxe; c’est une urgence», poursuit-il.

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les données du ministère de l’Agriculture, en 2019, le Liban exportait pour 25,6 millions de dollars de produits agricoles vers l’Arabie saoudite. Depuis 2022: zéro. Plus un seul dollar. Une fermeture brutale qui a asséché ce marché stratégique. Pour l’ensemble des pays du Golfe, les exportations libanaises agricoles sont passées de 21,5 millions de dollars en 2019 à seulement 9,2 millions en 2025 – une chute vertigineuse, aux conséquences économiques désastreuses.

Des produits de qualité… sans débouchés

Le Liban est mondialement reconnu pour la qualité de ses fruits: pommes, agrumes, bananes, raisins, cerises, pêches, abricots et, plus récemment, avocats – un produit en pleine ascension.

Les pommes libanaises, par exemple, s’exportent principalement vers l’Égypte, avec des volumes allant jusqu’à 100.000 tonnes par an, selon les récoltes. Les agrumes partent vers l’Irak, la Jordanie ou la Syrie, tandis que le raisin libanais séduit jusqu’en Europe, en Afrique et en Asie de l’Est.

Même la fameuse pomme de terre libanaise trouve désormais sa place sur les étals européens, grâce à un accord respectant les normes phytosanitaires avec l’Union européenne. Mais ce succès reste fragile: il dépend de la saisonnalité, de l’absence de production européenne… et surtout des prix.

Une concurrence féroce, des règles du jeu inéquitables

En effet, la concurrence est rude: Turquie, Europe, Égypte, tout le monde produit, souvent à des coûts plus bas. Les accords de libre-échange européens, qui suppriment les droits de douane entre pays membres, exposent les produits libanais à une concurrence déséquilibrée, notamment sur les marchés arabes et du Golfe.

Face à cela, deux leviers sont à activer, selon le ministre: la qualité et le prix. Cela signifie produire mieux avec moins de maladies, diminuer les coûts logistiques, utiliser des techniques agricoles modernes et économes en eau, garantir des pratiques sans résidus de pesticides, suivre un système de traçabilité, aujourd’hui exigé par nombre de pays importateurs.

Le ministre de l’Industrie et celui de l’Économie ont d’ailleurs soutenu la démarche de M. Hani: revoir les accords commerciaux, protéger la production locale et réactiver les circuits d’exportation. Le Conseil des ministres s’est engagé à donner à ce dossier une priorité absolue, en lançant des initiatives législatives et diplomatiques pour rouvrir les marchés et sauver les récoltes.

Parce que derrière chaque caisse de pommes invendues, de patates ou de cerises, il y a une famille, un village, une économie locale qui souffre.

Et si rien n’est fait, c’est toute la ruralité libanaise qui risque de flétrir.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire