«Promis le ciel» à Cannes: femmes ivoiriennes migrantes entre espoir et survie
L’actrice ivoirienne Deborah Christelle Lobe Naney, l’actrice française Aïssa Maïga, l’actrice Laetitia Ky et la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri arrivent à la projection du film «Promis le ciel» lors de la 78e édition du Festival de Cannes, le 14 mai 2025. ©Antonin THUILLIER / AFP

Présenté à l’ouverture d’Un certain regard à Cannes, «Promis le ciel» met en lumière des trajectoires de femmes ivoiriennes migrantes en Tunisie. Erige Sehiri signe un film fort sur les migrations intra-africaines, rarement explorées au cinéma.

Présenté à l’ouverture d’Un certain regard à Cannes, Promis le ciel met en lumière des trajectoires de femmes ivoiriennes migrantes en Tunisie. Erige Sehiri signe un film fort sur les migrations intra-africaines, rarement explorées au cinéma.

Dans Promis le ciel, en ouverture d'Un certain regard à Cannes mercredi, Erige Sehiri pose un regard rare sur les migrations intra-africaines avec ses portraits d’Ivoiriennes installées en Tunisie, dont Aïssa Maïga en pasteure évangélique.

«On parle beaucoup de la migration de l’Afrique vers l’Europe. Mais (...) 80 % de cette migration reste à l’intérieur de l’Afrique. Je trouvais que ça posait un contexte très fort pour inverser un peu la narration», explique la réalisatrice franco-tunisienne à l’AFP.

«Cette migration, on la voit beaucoup par le prisme des hommes», ajoute-t-elle. Avec ces portraits de femmes, «ce n’était pas l’idée de faire un archétype de la migrante mais, au contraire, d’explorer des parcours assez exceptionnels.»

Dans Promis le ciel, Marie, pasteure évangélique, Naney, jeune mère hésitant à franchir la Méditerranée (Debora Lobe Naney, rencontrée lors d’un casting sauvage, qui s’apprêtait elle-même à traverser), et Jolie, étudiante tiraillée entre les espoirs de sa famille et son désir d’indépendance (Laetitia Ky, artiste ivoirienne connue pour ses sculptures capillaires) partagent la même maison.

«L’idée, c’était de faire un tableau. Parce que j’avais l’impression que si je prenais une seule de ces histoires, il manquait quelque chose. J’avais envie que, peut-être, l’une apporte de la lumière sur le parcours de l’autre», développe la réalisatrice, révélée à la Quinzaine des cinéastes en 2022 avec son premier long-métrage de fiction Sous les figues, sur la jeunesse rurale tunisienne.

Sur le tard, un quatrième personnage a rejoint ce trio: Kenza, 4 ans, rescapée d’un naufrage.

Erige Sehiri s’est inspirée d’une fillette rencontrée pendant la préparation du film, en immersion dans une église évangélique de Tunis, et qui a perdu la vie pendant la traversée.

«Bouleversée», la réalisatrice a voulu «lui rendre hommage» et «questionner» le sort des enfants rescapés dont on ne retrouve pas les familles.

Le film montre aussi la difficulté pour ces migrantes, en situation précaire, de nouer entre elles «solidarité» et «sororité», ainsi que le «flottement» dans leur rapport à leur pays d’accueil et à ses habitants, alors que la politique migratoire s’y durcit.

La peur de perdre son logement, les contrôles policiers abusifs, les nuits en garde à vue et les retours dans les pays d’origine des migrants sont ainsi mis en avant.

«Je trouve que c’est à la fois un bijou esthétique, un film important politiquement, un film de femmes, un film émouvant, drôle, très grave aussi», résume Aïssa Maïga, séduite par son personnage «qui tient à bout de bras une communauté qui vit en milieu hostile» et «le regard de la réalisatrice, journaliste d’investigation à la base, qui travaille ses sujets très en profondeur.»

«C’était très important d’humaniser la figure des migrants», ajoute l’actrice française née au Sénégal. «On criminalise des gens qui cherchent une seule chose: la résilience, s’en sortir, aider leurs proches, avoir un avenir meilleur. Je pense qu’on serait nombreux à leur place à faire la même chose.»

Dans un monde troublé par les guerres et la montée de régimes autoritaires, le Festival de Cannes a-t-il donc une vocation politique? La question fait débat cette année encore. «Ce n’est pas le festival qui est politique, ce sont les artistes», répond son délégué général Thierry Frémaux. «Quand on entend parfois des gens dire: on fait du cinéma, on ne fait pas de la politique, je ne comprends pas. On raconte le monde, donc c’est politique.»

Par Raphaëlle PELTIER / AFP

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