Karim Souhaid : La loi sur la réforme du secteur bancaire porte atteinte à l’indépendance de la BDL
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Portant un document de 33 pages comportant des remarques substantielles sur le projet de réforme bancaire transmis par le gouvernement, le gouverneur de la Banque du Liban, Karim Souhaid, a participé à la réunion de la commission des Finances et du Budget, tenue en milieu de semaine sous la présidence du député Ibrahim Kanaan, en présence de 40 parlementaires ainsi que des ministres des Finances, de l’Économie et de la Justice. Il s’agissait de la deuxième séance consacrée à ce projet, au cours de laquelle le gouverneur a présenté ses observations et sa lecture de la crise financière ainsi que des réformes législatives en cours.

Karim Souhaid est intervenu pour proposer une vision globale de la crise, en mettant particulièrement l’accent sur le projet de loi. Plusieurs développements importants ont marqué cette réunion, notamment l’affirmation par le gouverneur que la crise que traverse le Liban depuis 2019 est de nature systémique. Selon lui, toute réforme du secteur bancaire doit clairement identifier les responsabilités et les capacités de chacun. Ce n’est qu’à travers une loi-cadre que les parts de responsabilité pourront être réparties équitablement entre l’État, les banques et la Banque du Liban.

La Banque du Liban, la Commission des Finances et le ministère des Finances s’accordent sur le fait qu’il est indispensable d’adopter des lois exceptionnelles, le projet actuel n’étant qu’un cadre de réforme. Celui-ci vise à moderniser la loi sur la monnaie et le crédit afin de garantir, à l’avenir, un mécanisme de reddition des comptes.

Au cours de la réunion, le gouverneur a présenté une étude juridique portant sur l’indépendance de la BDL et sur la nécessité de préserver la cohérence du cadre législatif bancaire. Cette étude vise à démontrer que le principe d’indépendance est un fondement de la Banque du Liban, conformément aux dispositions de la loi sur la monnaie et le crédit (décret n° 13513 du 1er août 1963). Le gouverneur y souligne que, depuis 62 ans, le cadre législatif libanais garantit l’indépendance de la banque centrale tout en assurant l’unité du système bancaire.

Cependant, le projet de loi sur la réforme et la réorganisation du secteur bancaire — le Bank Resolution Law — adopté par le Conseil des ministres le 12 avril 2025, porterait, selon Souhaid, atteinte directement à cette indépendance et à la cohérence de la législation bancaire. Il élargit son analyse pour examiner la compatibilité des projets de loi et des amendements proposés avec le principe d’indépendance de la Banque centrale. Il met également en garde contre les risques juridiques qu’impliquerait leur adoption, notamment une fragmentation de la structure organisationnelle de la Banque du Liban, en contradiction avec les principes constitutionnels, administratifs et législatifs.

L’étude de Karim Souhaid est divisée en deux volets. Le premier traite du principe d’indépendance de la Banque du Liban, de son lien avec l’unité et l’autonomie de ses organes internes, et de la nécessité pour la banque centrale d’opérer sans interférence du pouvoir exécutif. Il y aborde également le principe de cohérence de la législation bancaire.

Le second volet met en lumière les risques de fragmentation législative présents dans le projet de loi tel qu’adopté le 12 avril 2025, soulignant ses contradictions avec le principe d’indépendance de la Banque du Liban.

Dans sa présentation devant la commission parlementaire, Souhaid a affirmé que l’indépendance du gouverneur et de la Banque centrale constitue un pilier fondamental du système législatif, notamment dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit. Par conséquent, toute réforme ou modification du système légal doit viser à renforcer cette indépendance, et non à l’affaiblir ou la diluer.

Karim Souhaid dispose de pouvoirs administratifs et exécutifs propres, fondés sur une hiérarchie décisionnelle indépendante. Toute tentative de transférer ces prérogatives à une autre entité, à l’intérieur ou à l’extérieur de la structure actuelle, exposerait l’ensemble du secteur bancaire à une instabilité grave.

L’étude souligne également que le gouverneur est soutenu par des organes internes de contrôle et d’investigation, sous forme de comités au sein de la Banque du Liban, qui lui permettent de fonctionner en toute indépendance et protègent l’institution de toute ingérence politique. Toute remise en cause des attributions de ces comités ou leur détachement du gouverneur constitueraient une atteinte illégale à la structure hiérarchique de la Banque du Liban.

Enfin, toute modification du cadre juridique bancaire ou des règlements issus du Code de la monnaie et du crédit doit s’harmoniser avec l’architecture actuelle. Aucune réforme ne peut ignorer les principes fondamentaux, en particulier ceux de la hiérarchie institutionnelle et de l’indépendance, qui sont les garants de la stabilité et de la crédibilité du système bancaire libanais.

Karim Souhaid a conclu son intervention en rappelant que l’indépendance a été intentionnellement octroyée au gouverneur et au Conseil central pour protéger l’institution de toute ingérence politique ou étrangère, dans le but de préserver la stabilité monétaire et l’intégrité du système bancaire.

 

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