Quand la Vierge «tourne», le monde entier se retourne!
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Le mois de mai est le mois de Marie depuis des siècles. La fête de Notre-Dame du Liban, elle, est fixée au premier dimanche de mai. C’est le 13 mai 1917 que la Sainte Vierge est apparue à trois jeunes enfants de Fatima et qu’elle leur a confié des «secrets» qui n’en sont plus, mais qui continuent de faire réfléchir le monde. Blessé par balles place Saint-Pierre, le 13 mai 1981, Jean-Paul II en sut quelque chose.  Après de grandes tribulations dont l’avant-goût nous est servi au Liban depuis plus de 50 ans, «la paix», le plus grand bien imaginable, sera rendue aux hommes «pour un temps», y révèle en particulier la Mère de Dieu.

Il n’y a pas de fatalité dans la vie chrétienne. Les révélations de Marie aux enfants ont commencé par un «si». «Si on ne m’écoute…». Si le pape François n’avait rien fait d’autre que nous apprendre à être une Église en écoute, ce qu’il a tenté de faire au cours des trois dernières années de sa vie, il aurait déjà accompli une très grande chose. En Dieu, tout est conditionnel; en d’autres termes, tout est liberté. Liberté de se donner ou de se refuser à Dieu.

Des érudits, des poètes, des historiens assurent que le village biblique de Cana, où Jésus opéra son premier miracle public, sur l’insistance de sa mère, est localisé au Liban, non loin de Tyr. Quelle que soit l’authenticité de cette localisation, il reste que les chrétiens du Liban se sont «appropriés» la Vierge comme peu de peuples l’ont fait. Et qu’en retour, celle-ci a étendu sur le Liban son voile protecteur, comme on ne le fait que pour sa propre patrie. Nous avons eu l’occasion de dire comment l’une de ses grandes visites, au temps de Pâques de l’année 1970, échappa à l’attention des Églises apostoliques orientales. Seule la basilique des Saints-Pierre-et-Paul des syriaques orthodoxes, à Mousseitbé, garde mémoire de son illustre venue nocturne, en tous points aussi spectaculaire et digne d’attention que ses apparitions à Zeitoun, en Égypte, en 1968. Son souvenir est commémoré tous les ans, le premier dimanche après Pâques, celui que les Églises orientales consacrent à saint Thomas, l’apôtre qui n’a cru que lorsqu’il a vu, et que l’Église latine, après Jean-Paul II, appelle dimanche de la Miséricorde.

Les merveilles accomplies par la Vierge Marie au Liban sont impossibles à dénombrer.  Qui peut douter une seconde du rôle qu’elle a joué, par exemple, auprès de saint Charbel et d’autres géants de la sainteté, luminaires qui éclairent la nuit de notre foi. Les Églises ont encore à découvrir l’une des figures les plus frappantes de notre temps en la personne de Mathilde Riachi. Cette femme illettrée déchiffra la structure trinitaire des lettres de l’alphabet arabe et sut inspirer au philosophe chrétien libanais Kamal Youssef el-Hage certaines de ses pages les plus profondes. «Descends de croix que nous te croyons», lança-t-on au Christ en croix pour se moquer de lui. C’est aussi par des railleries que l’on accueillit d’abord l’apostolat de prière mis en œuvre par cette visionnaire dont les monitions et avertissements contre la guerre du Liban furent pris à la légère et restèrent en partie inopérants.

Du levant au couchant, la Sainte Vierge n’épargna aucun effort, durant la guerre civile, pour se rendre présente à des dizaines de milliers de Libanais en la personne de Mathilde Riachi dont l’accueil, la mémoire, les prières et les sacrifices attendent toujours l’effort d’enquête de l’Église grecque-catholique. Comment oublier, à l’heure où nos frontières sont exposées au danger, qu’un formidable barrage de petites croix d’étain, enfouies en terre par Mathilde Riachi tout autour du Liban, dans les années 70, continue de le préserver invisiblement, par des voies aussi bien humaines que mystérieuses.

«Le Liban m’appartient!», est même allé jusqu’à dire, au nom de la Sainte Vierge, cette visionnaire. Ce n’est pas autre chose que dit sa statue installée à Harissa, le sanctuaire fondé en 1908 en l’honneur du dogme de l’Immaculée Conception. Et il n’est rien de trop grand que la Vierge Marie ne fit pour sauver sa patrie de la disparition. Que les Carmélites cloîtrées de Harissa vous livrent l’étonnant récit de la maternelle visite qu’elle leur fit en pleine «guerre de libération», quand des obus tirés par l’armée syrienne, en position à Ouyoun el-Simane, passaient au-dessus de leurs têtes.

C’était le 6 mai 1989. Vers 14h, des tirs nourris de mitraillettes s’entendent à Jounieh, et les moniales, confinées dans leur couvent et n’osant monter sur les terrasses, de penser: C’est un mariage ou un enterrement (*). Mais vers 16h, le téléphone sonne inopinément. À l’autre bout du fil, la supérieure du Carmel entend une dame lui dire: «Ma mère, vous ne voyez pas que la Vierge est en train de tourner?», un arabisme voulant dire que la statue de la Vierge de Harissa s’anime et se tourne par moments dans différentes directions.

À la réponse incertaine, mais charitable, de la supérieure du monastère, l'espagnole Térésa de Jésus, la femme reprend, avec de l’exaltation dans sa voix: «Oui, oui, ma mère, je vous assure, allez voir, la Vierge est en train de tourner depuis deux heures. Vous n’avez pas entendu les mitraillettes qui l’annonçaient?». Mère Térésa ne savait pas, non, qu’au Liban, c’est à la mitraillette qu’on annonce ces choses.

Par pure charité, la supérieure décide d’aller regarder par elle-même en se faisant la remarque: «La Vierge tourne! Vraiment, quelle souffrance!» Ne constatant rien de remarquable, et ce jour-là étant le premier samedi du mois, elle propose aux religieuses de s’installer à l’une fenêtre du monastère d’où la statue de la Vierge est visible, et de réciter le rosaire à l’intention de la paix.

Elles étaient là depuis quelques instants, récitant calmement leur chapelet quand, à leur surprise totale, les moniales voient la statue de la Vierge de Harissa s’animer, se tourner vers elles comme une personne vivante et avancer vers le monastère. La visite éveilla un concert indescriptible de prières, de supplications, de chants et d’exclamations. La vision resta là, souriante, quelques minutes, avant de les quitter et de rejoindre sa place au sommet de la tour de Harissa. 

«C’était quelque chose qu’on ne peut pas exprimer, qui flottait, vivant, souria», devait expliquer au narrateur mère Térésa de Jésus. «Nous l’avons vue seulement en buste, comme dans un médaillon. Elle était à quelque quatre mètres de la fenêtre. Elle était là. Rien de la pierre. Son voile bougeait. C’était Elle, pas un nuage. Quelque chose de vivant, et ce qui nous a surtout attirées, c’est le sourire qu’elle avait. Et nous chantions. Elle n’a rien dit, mais ce que nous avons ressenti au fond du cœur, c’est: «Ne craignez pas, je suis là! Elle souriait, elle était à l’aise, et nous encore plus. Mais on ne peut pas expliquer». Oui, évitons les explications inutiles, et sachons une fois pour toutes qu'au Liban, quand la Vierge «tourne», le monde entier se retourne, que son intercession est toute-puissante et qu'elle tient dans ses mains la clé de la paix, pourvu que l'on accède à ses demandes.

 (*) Le récit entier de cet épisode de la guerre est rapporté dans l’ouvrage Dévastation et rédemption, récit des apparitions de la Vierge en temps de guerre. Publications de l’Institut d’études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph, avec une préface de René Laurentin (épuisé, en cours de réimpression).

 

 

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