FMI: l’augmentation de la quote-part du Liban, une condition clé pour débloquer les aides?
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La commission des Finances et du Budget, présidée par le député Ibrahim Kanaan, a donné son accord de principe pour une augmentation de la souscription du Liban au Fonds monétaire international (FMI). Toutefois, la commission a exigé du ministre des Finances, Yassine Jaber, une étude détaillée sur la faisabilité de cette augmentation estimée à 423 millions de dollars.

Selon Ibrahim Kanaan, une telle démarche permettrait au Liban d’améliorer ses capacités d’emprunt auprès du FMI et d'accéder à davantage de financements, tout en précisant que ces fonds ne seraient pas destinés à couvrir des dépenses budgétaires.

La réunion, à laquelle a participé le ministre des Finances, a été marquée par de vifs échanges concernant le montant de l’augmentation envisagée, notamment dans un contexte économique particulièrement fragile pour le Liban. La commission a souligné l’importance d’obtenir des éclaircissements sur le mécanisme de financement et les modalités de paiement, en tenant compte des capacités financières réelles de l’État. Si le Trésor ne peut garantir qu’une contribution à hauteur de 100 millions de dollars, la contribution devra être ajustée à cette limite. Mais si les données fournies par le ministère permettent une marge plus large, le montant pourra être révisé à la hausse.

Le ministre des Finances s’est engagé à fournir les informations demandées avant la prochaine séance décisive, au terme de laquelle le Parlement devra trancher sur l’approbation finale, qui nécessitera l’ouverture d’un crédit additionnel.

Le débat porte désormais sur la capacité réelle du Liban à mobiliser les 423 millions de dollars et sur les sources de financement disponibles. À noter que cette proposition trouve son origine dans le gouvernement précédent de Najib Mikati, qui l’avait approuvée en novembre 2024, en application d’une décision du Conseil des gouverneurs du FMI datant de décembre 2023. Cette dernière validait une augmentation de 50% des quotes-parts des pays membres, faisant passer le capital du FMI de 238,6 à environ 320 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) – soit quelque 960 milliards de dollars.

Le texte transmis au Parlement autorise le ministre des Finances à régler 25% de la contribution en droits de tirage spéciaux ou en devises étrangères approuvées par le FMI. Les 75% restants pourraient être versés en livres libanaises à leur équivalent monétaire, soit sous forme de liquidités, de billets à ordre remboursables sur demande du FMI, sans intérêts, ou encore selon toute autre modalité convenue entre les deux parties.

Conformément au règlement intérieur du FMI, l’acceptation par le Liban de cette augmentation aura des répercussions majeures sur ses capacités futures à obtenir des financements, ainsi que sur le montant des DTS qui lui sont périodiquement attribués. En effet, une diminution de la part d’un pays au sein du capital du FMI entraîne mécaniquement une réduction de son poids de vote et de son influence dans les processus décisionnels, limitant par conséquent ses chances d’accéder à un soutien financier international.

Pour les programmes futurs, la quote-part du Liban est un élément déterminant: elle sert de base au calcul du montant de financement auquel le pays peut prétendre. Lors de leur dernière rencontre à Beyrouth, la délégation du FMI a clairement indiqué au président de la commission des Finances et du Budget, le député Ibrahim Kanaan, que l’augmentation de la souscription du Liban constitue une condition essentielle pour l’approbation d’un éventuel programme de financement, ainsi que pour en déterminer le volume.

À défaut d’une telle augmentation, le Liban risque non seulement de perdre de son poids décisionnel au sein du FMI, mais aussi de voir ses perspectives de soutien futur s’amenuiser, qu’il s’agisse de nouveaux programmes d’aide ou de l’attribution de DTS.

Le mécanisme proposé prévoit un remboursement de cette augmentation sur une période de dix ans à compter de la date de décision, effectué en monnaies nationales. Dans le cas libanais, cela signifie que la majeure partie de la contribution sera réglée en livres libanaises. Le nombre d’unités de DTS attribuées au Liban sera ainsi calculé sur la base du taux de change entre la livre libanaise et les devises du panier de référence du FMI.

Cette augmentation aurait pour effet d’accroître le solde des DTS du Liban, ces derniers représentant des actifs de réserve créés par le FMI afin de renforcer les réserves officielles des pays membres. Leur répartition s’effectue en proportion de la part de chaque pays dans le capital du Fonds. Ainsi, plus la quote-part d’un pays est élevée, plus il bénéficie d’un volume important de DTS.

La valeur d’une unité de DTS varie en fonction des fluctuations des monnaies composant son panier de référence, à savoir le dollar américain, l’euro, le yuan chinois, le yen japonais et la livre sterling. Pour le Liban, la valeur du DTS est passée de 1,42 dollar à environ 0,73 dollar, sous l’effet de ces variations.

À titre de rappel, en septembre 2021, le Liban avait reçu une allocation exceptionnelle de 1,139 milliard de dollars du FMI, déposée à la Banque du Liban. Ce montant incluait les allocations issues des deux dernières répartitions mondiales de DTS: 275 millions de dollars en 2009 et 860 millions en 2021. Une fois versés sur le compte du Liban auprès du FMI, ces fonds ont été convertis en DTS et intégrés aux réserves officielles de la Banque centrale, avec une possibilité de retrait conditionnée à une coordination préalable avec le Fonds.

Cependant, le financement de l’augmentation de la souscription du Liban au capital du FMI ne peut pas être assuré à partir du compte n°36 de la Banque du Liban, un compte appartenant à l’État et dont le solde est estimé à 700 millions de dollars, répartis entre devises et livres libanaises. De plus, ce compte étant un compte courant, il ne permet pas l’immobilisation de fonds, et encore moins le gel des 100 millions de dollars requis pour couvrir une partie de cette souscription.

Pour contourner cette contrainte, le projet de loi en cours d’examen prévoit l’ouverture d’un crédit supplémentaire dans le budget 2025, à hauteur de 316,75 millions d’unités de DTS, soit environ 423 millions de dollars. Le texte autorise également le ministre des Finances à émettre des bons du Trésor en livres libanaises pour financer cette participation.

Ce mécanisme entraînerait l'émission de bons du Trésor en livres libanaises pour couvrir la somme, avec l'inscription de 100 millions de dollars comme dette de l'État. Une mesure qui soulève de vives interrogations quant à sa faisabilité dans un contexte de grave crise financière et de confiance érodée sur les marchés.

Les débats en commission se sont ainsi focalisés sur les modalités de mise en circulation de ces bons. Le député Ali Hassan Khalil a notamment suggéré de remplacer la notion de «bons du Trésor» par celle de «revenus du Trésor et du budget», soulignant la difficulté, voire l’impossibilité de commercialiser de tels instruments dans la situation actuelle. Selon lui, il ne serait pas réaliste de compter sur cette voie pour financer des dépenses supplémentaires, étant donné l’état du marché et les doutes persistants autour de la capacité de l’État à honorer ses engagements financiers.

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