Baux résidentiels: une réforme qui se fait attendre 
©shutterstock

Le dossier des anciens locataires de logements résidentiels reste bloqué. En attendant une issue, ce sont les propriétaires qui font les frais de cette paralysie, pénalisés par une loi sur les loyers anciens, mal définie.

Face à l’échéance de la libéralisation des baux résidentiels, de nombreux anciens locataires saisissent la justice pour retarder la restitution des biens. Certains réclament même des indemnités de départ auxquelles ils ne sont plus légalement éligibles.

Résultat: des propriétaires se retrouvent impuissants, contraints de subir la dévalorisation progressive de leurs biens immobiliers, sans pouvoir les récupérer ou les rentabiliser.

Promulguée le 28 décembre 2014, puis amendée en 2017, la loi sur la libéralisation progressive des baux résidentiels conclus avant 1999 prévoyait une période de transition de neuf ans, au cours de laquelle les loyers sont augmentés, pour atteindre une pleine libération des contrats. Elle incluait également la création d’un fonds d’aide destiné aux anciens locataires en situation de précarité, financé par l’État.

Mais dix ans après, les blocages persistent. Et le flou juridique continue de nourrir les tensions entre propriétaires et anciens occupants.

Le litige entre propriétaires et locataires

Le conflit entre propriétaires et locataires a commencé à faire des étincelles fin 2023. Le différend porte sur la date de calcul du délai de grâce de neuf ans accordés par la loi. Les propriétaires considèrent que ce délai a commencé à courir à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi, le 28 décembre 2014, alors que les locataires l’ont repoussé à la date de modification de la loi, en 2017. Le litige sur les trois ans d'occupation a débuté lorsque la loi a été modifiée, il y a huit ans, mais il a commencé à se traduire judiciairement à partir de fin 2023 “après l'expiration des contrats et l'occupation devenue sans aucune justification légale”, selon une source judiciaire qui a requis l’anonymat.

Cerise sur le gâteau, le simple fait d’obtenir un numéro de demande d’inscription, même sans remplir les conditions requises, permet au locataire d’être traité comme un bénéficiaire du fonds, et donc de profiter de trois années supplémentaires d’occupation.

Un fonds de soutien aux anciens locataires

Se présentant comme économiquement fragiles, de nombreux anciens locataires ont rapidement fait valoir devant les tribunaux leur incapacité à libérer les logements, arguant que les conditions d'application de la loi du 28 décembre 2014 ne sont pas réunies.

En cause: le fonds de soutien censé venir en aide aux locataires à faibles revenus n’a jamais été opérationnel. Comme il n’a pas été alimenté, aucun postulant n’a pu profiter de l’aide prévue, ce qui a aggravé la précarité des intéressés et bloqué davantage le processus d’évacuation.

Plus encore, la loi leur accorde un délai de trois ans supplémentaires au terme de la période de prorogation, portant à douze ans la durée totale de maintien dans les lieux, contre neuf initialement prévus.

Rien que des alibis

Selon une étude réalisée en 2019 par le Collectif des propriétaires de bâtiments loués, sur la base des chiffres du ministère des Finances, seulement 13.000 locataires se sont inscrits au fonds, sur un total estimé à 64.000.

Mais comme le simple fait d’obtenir un numéro de demande d’inscription, sans même remplir les critères d’éligibilité, suffit pour être traité comme bénéficiaire, le locataire peut automatiquement prolonger son occupation de trois années supplémentaires, au grand dam des propriétaires, qui dénoncent une faille juridique exploitée pour retarder les évacuations.

Que dit la jurisprudence?

Un avocat interrogé par Ici Beyrouth a précisé qu'une jurisprudence pourrait commencer à se dégager une fois que la Cour de cassation se sera prononcée sur la question. À ce moment-là, le verdict aurait force obligatoire, bénéficiant ainsi de l’autorité de la chose jugée. En attendant, les décisions rendues par la Cour d’appel de Beyrouth et le juge unique de Beyrouth vont dans des directions divergentes.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire