
Le ministre des Télécoms, Charles Hajj, a retiré mercredi de l’ordre du jour du Conseil des ministres le projet de loi encadrant l’arrivée de Starlink au Liban. Officiellement, il s’agit de mener des études supplémentaires. Officieusement, le dossier attise déjà tensions politiques et débats enflammés: menace pour la souveraineté numérique ou opportunité pour révolutionner l’accès à Internet?
Un Internet venu de l’espace
Le projet vise à introduire dans le pays le service Internet haut débit développé par SpaceX, la société spatiale d’Elon Musk. Contrairement aux réseaux filaires d’Ogero, Starlink repose sur une constellation de satellites en orbite basse, offrant «une connexion directe», sans passer par l’infrastructure nationale. Une antenne motorisée et un routeur Wi-Fi suffisent pour capter le signal, y compris dans les villages isolés où la fibre reste un mirage.
Atout stratégique… mais dépendance technologique
Starlink pourrait réduire le risque de black-out numérique, ces coupures totales qui, en temps de crise, isolent le Liban du reste du monde. Mais l’accès resterait tributaire d’un acteur étranger: pannes, saturation du réseau ou coupures volontaires du service ne sont pas à exclure, avertit un consultant en solutions informatiques interrogé par Ici Beyrouth.
Quand le marché s’invite dans la bataille
Le projet Starlink, initialement pensé comme plan B face à une panne générale, menace désormais de bouleverser tout le marché libanais des télécoms. Entre autres objectifs: connecter les zones rurales et les entreprises privées de fibre… quitte à marcher sur les plates-bandes d’Ogero et des fournisseurs locaux. Résultat: ces derniers redoutent une chute de 25% de leurs revenus.
Les coulisses des négociations
Le ministre des Télécoms discute avec Starlink mais aussi avec Arabsat et Eutelsat. Beyrouth pose ses conditions: pas de particuliers, uniquement des grandes entreprises, et surtout pas de prix inférieurs à Ogero. Une règle qui pourrait être difficile à faire respecter. Un temps discuté, il apparaît que les lois libanaises n’ont pas besoin d’être adaptées pour permettre à Starlink de proposer ses services dans le pays.
Écart de prix
Aujourd’hui, une entreprise paie 450 dollars/mois pour 30 Mb/s via Ogero. Avec Starlink? Entre 150 et 200 dollars. La faute à deux freins: l’interdiction d’étendre la fibre dans certaines zones… et un tarif local de 15 dollars par mégabit, contre seulement quelques centimes sur le marché international.
La souveraineté numérique en question
Pour les opposants, confier une part du réseau à Starlink reviendrait à céder le contrôle des données, de leur stockage et des technologies utilisées à une entité étrangère échappant à la régulation libanaise. Un accord provisoire évoqué dans les coulisses prévoirait que les serveurs soient installés en Allemagne, pays doté d’une législation stricte sur la protection des données.
Tout est encore en négociations et en discussions. Quelle sera la mouture finale de l’accord, si accord il y a? Seul l’avenir nous le dira.
Reste à savoir si cette garantie suffira à calmer les craintes… ou si le débat autour de Starlink ne fera que confirmer qu’au Liban, même Internet est une affaire hautement politique.
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