Après l’accord de Jeddah, le Liban délimitera-t-il ses frontières avec la Syrie?
©Ici Beyrouth

La question des frontières entre le Liban et la Syrie demeure l’un des dossiers les plus épineux des relations entre les deux pays. Aujourd’hui, ce sujet refait surface, notamment après l’intervention de l’Arabie saoudite, qui s’impose de plus en plus comme médiateur incontournable dans la région. De fait, une étape significative a été franchie dans ce sens vendredi dernier.

Réunis à Jeddah, sous l’égide du Royaume, le Liban et la Syrie signent un accord de principe portant sur la délimitation de leur frontière commune. Cet engagement vise à tracer les contours d’une frontière longtemps marquée par l’ambiguïté et les tensions, surtout que, depuis l’indépendance du Liban en 1943, aucune démarcation officielle et exhaustive n’a été établie, laissant place à des zones grises, notamment dans la région de la Bekaa, le Akkar et certaines zones montagneuses. Ces ambiguïtés ont, en effet, favorisé des litiges fonciers, des trafics transfrontaliers incontrôlés et, à plusieurs reprises, des tensions sécuritaires.

Si le sujet a été évoqué maintes fois au cours des dernières décennies, les conflits internes libanais, la mainmise syrienne au Liban jusqu’en 2005 et les bouleversements géopolitiques dans la région ont constamment retardé sa résolution.

L’Arabie, vecteur de paix?

L’annonce de cet accord intervient dans un contexte de redéfinition des relations entre Damas et plusieurs acteurs régionaux, notamment les États du Golfe et l’Iran. “Nous assistons aujourd’hui à un changement de la donne”, signale-t-on de source sûre. “L’Arabie saoudite, hôte des négociations, joue depuis plusieurs mois un rôle central dans le règlement de plusieurs dossiers au Moyen-Orient. Elle œuvre aussi pour mettre fin à l’ingérence iranienne et faciliter le rapprochement entre le Liban et la Syrie, dans un souci de stabilisation régionale”, poursuit-on, avant de rappeler que la première visite officielle du président de la République, Joseph Aoun, au lendemain de son élection, a été en Arabie. Pareil pour Ahmad el-Chareh, qui a succédé à Bachar el-Assad après la chute du régime de ce dernier, le 8 décembre 2024. “Cela confirme le rôle prépondérant de Riyad qui se lance dans une mission diplomatique pour instaurer la paix dans la région”, indique-t-on de source susmentionnée.

Les contours de l’accord et ses implications

L’accord de Jeddah établit un cadre général pour la future démarcation de la frontière, sans toutefois en fixer les détails définitifs. D’autres réunions sont prévues dans les semaines qui suivent pour finaliser la question. Il n’en demeure pas moins que l’un des éléments majeurs de cette entente est que “pour la première fois, la Syrie pourrait effectivement accepter de délimiter définitivement les frontières avec le Liban, ce qui marquerait un tournant historique”, estime-t-on de même source. 

On rappelle, dans ce sens, qu’au mois d’août de l’année 2008, et dans le cadre d’un sommet arabe qui s’était tenu à Damas, les anciens présidents libanais Michel Sleiman et syrien Bachar el-Assad avaient mentionné la nécessité de délimiter les frontières, annonçant la réactivation de comités mixtes pour ce faire. Ils avaient alors évoqué le problème des fermes de Chebaa, un secteur controversé aux confins du Liban, de la Syrie et d'Israël, lié à l’occupation israélienne et considéré, par la partie syrienne à l’époque, comme libanais. Le projet était toutefois tombé à l’eau, les autorités syriennes ayant interrompu le processus.  

Interrogé sur les contours de l’entente actuelle, notre interlocuteur suggère que celle-ci “devrait normalement prévoir la mise en place d’une commission conjointe chargée d’étudier les points litigieux et de proposer une ligne de démarcation, un engagement mutuel à respecter la souveraineté territoriale de chacun et à lutter contre les trafics transfrontaliers et une coopération sécuritaire renforcée pour éviter les incursions non autorisées et prévenir les tensions locales”.

Reste à savoir si cet accord de principe sera suivi d’actions concrètes ou s’il rejoindra la longue liste des engagements diplomatiques sans lendemain.

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