
Les aberrations contenues dans le discours du chef du Hezbollah, Naïm Kassem, qui a lié l’existence même du Liban au sort des armes de son groupe et brandi la menace d’une discorde, ont rapidement suscité une série de réactions indignées dans les milieux officiels et politiques souverainistes.
Autant de réactions qui ont mis à nu les manœuvres pitoyables mais dangereuses d’une formation qui s’est pratiquement positionnée en hors-la-loi, lorsqu’elle s’est arrogée le droit de contester des décisions officielles allant dans le seul intérêt d’un Liban souverain.
Sur son compte X, le ministre de la Justice, Adel Nassar, s’est empressé d’écrire: «La menace de certains de détruire le Liban pour défendre leur arsenal déconstruit l’argument selon lequel ces armes sont destinées à protéger le pays.»
Lors d’une interview télévisée, M. Nassar a en outre confié que le gouvernement libanais avait commencé à plancher sur un plan de désarmement des groupes armés, bien avant que l’émissaire américain, Tom Barrack, remette aux autorités libanaises une feuille de route visant à aider le pays à se remettre sur pied à tous les niveaux.
Il a qualifié d’«incohérente» la position du Hezb «qui a lui-même signé les engagements pris dans la Déclaration ministérielle». Commentant les accusations d’atteinte au partenariat national adressées au gouvernement, M. Nassar a assuré que «les partenaires au pouvoir se doivent de contribuer à l’édification de l’État, et non pas de l’entraver».
Plus tard, dans une déclaration à la chaîne Al-Arabiya, M. Nassar, a rejeté catégoriquement les propos de Naïm Kassem, les qualifiant de «totalement inacceptables». Il a dénoncé «une menace directe pour le gouvernement et la paix civile», estimant que les déclarations du chef du Hezb «mettent en lumière les abus graves des forces illégitimes qui échappent au contrôle de l’État».
Il a accusé le Hezbollah de «saper les institutions libanaises», estimant que «le maintien de groupes armés en dehors du cadre de l’État porte atteinte aux fondements de celui-ci et menace la stabilité intérieure».
Le ministre a averti que la situation actuelle représente un grand danger pour l’unité du Liban et de ses institutions, appelant au respect de la Constitution et des lois.
Son collègue de l’Industrie, Joe Issa el-Khoury, a été tout aussi critique. Sur son compte X, il a relevé certaines aberrations dans le discours du chef du Hezbollah à qui il a rappelé que «la conformité à l’esprit du Pacte national (sur le partenariat islamo-chrétien) ne fait pas l’objet d’un article de la Constitution». «Il s’agit de l’esprit du Liban qu’elle protège contre d’éventuelles tentatives d’une communauté de dominer les autres», a-t-il écrit. «La conformité à l’esprit du Pacte national ne devrait pas, ainsi, se transformer en arme de blocage», a-t-il averti, estimant que celui qui en fait «un instrument de chantage la vide lui-même de tout sens».
Le Code pénal
À Naïm Kassem qui a déformé les textes de la Constitution à l’appui de son raisonnement saugrenu pour défendre le maintien de son arsenal, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a répondu en évoquant lui aussi des lois, mais celles du Code pénal, qui sanctionnent les individus qui, comme le chef du Hezb, multiplient les menaces et les atteintes à la paix civile.
Sur son compte X, M. Gemayel s’est contenté, sans commentaires, de publier le contenu des articles 329, 314 et 315 du Code pénal. Ce que les trois prévoient est d’ailleurs suffisamment éloquent, puisque les actes qu’ils citent et qui sont passibles de prison s’appliquent au comportement du chef du Hezb.
L’article 329 dispose: «Tout acte de nature à empêcher un Libanais d’exercer ses droits (…) ou ses devoirs civiques est puni d’un emprisonnement d’un mois à un an, s’il est commis par la voie de menaces, violence ou tout autre moyen de contrainte physique ou morale. Si l’infraction est commise par un groupe armé (…), la peine est portée à un emprisonnement de six mois à trois ans (…).»
L’article 314 précise ce qui suit: «Sont considérés comme actes terroristes tous les actes visant à semer la panique et commis au moyen de méthodes susceptibles de provoquer un danger public (…).»
Quant au 315, il porte sur la définition des actes terroristes, punis de «travaux forcés qui vont d’un emprisonnement pour une durée d’au moins cinq ans à la perpétuité».
«Un tournant dangereux»
Sur son compte X, le député Ragy el-Saad a stigmatisé «l’insistance du cheikh Naïm Kassem à placer les chiites libanais en opposition avec l’État libanais que nous voulons pour tous». Il a vivement dénoncé aussi ses menaces d’une discorde interne «face à la détermination des autorités constitutionnelles à limiter les armes aux seules forces étatiques».
Pour M. Saad, les propos du chef de la formation pro-iranienne «marquent un tournant dangereux, car ils reflètent un refus de l’édification d’un État et une volonté claire de maintenir le Liban, une scène manipulable au service des projets iraniens».
Réagissant à son tour aux propos de Naïm Kassem sur l’existence du Liban, le député Nadim Gemayel a assuré sur son compte X que c’est «à l’ombre du maintien (de son arsenal) que le pays ne pourra pas vivre». «Le gouvernement se doit de trancher», a-t-il encore écrit.
Le député Achraf Rifi s’est également déchaîné contre le parti de Naïm Kassem «à qui le Liban doit une occupation israélienne ainsi qu’une catastrophe humanitaire et économique». «Après sa défaite (contre Israël), le voilà qui menace le Liban et les Libanais, prétend être une victime et accuse de trahison la majorité des Libanais», a indiqué M. Rifi dans un communiqué.
Le parlementaire a accusé le Hezbollah d’effectuer «une fuite en avant» et l’a mis en garde contre les menaces de guerre civile. «Ce serait une catastrophe pour tous et plus particulièrement pour votre groupe qui s’est mis à dos toutes les composantes libanaises», a-t-il affirmé, en invitant le Hezb à «opérer un retour au Liban et à se libérer de son assujettissement à l’Iran qui commence à s’effondrer».
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