La santé dans la tourmente: bras de fer entre les hôpitaux et les assurances
©Shutterstock

Le conflit entre le syndicat des propriétaires d’hôpitaux et les compagnies d’assurance continue de s’intensifier. Face à une crise de plus en plus profonde, le syndicat reste inflexible, exigeant une augmentation de 15% des tarifs hospitaliers, ce que les compagnies d’assurance refusent catégoriquement. Cette situation met en lumière les graves dysfonctionnements d’un système de santé déjà fragilisé, soulignant l’urgence de réformes pour réparer les failles du secteur.

Le conflit ne semble pas se régler entre le syndicat des propriétaires d’hôpitaux et les compagnies d’assurance. En effet, les hôpitaux assurent être confrontés à une inflation galopante et à des coûts de fonctionnement en constante augmentation. Ils ont donc pris la décision d’exiger une hausse de 15% des tarifs hospitaliers. Cette mesure, selon les dirigeants hospitaliers, vise à compenser la hausse des prix des médicaments, des fournitures médicales et des salaires du personnel, qui se sont considérablement alourdis.  De plus, toujours selon le syndicat, de nombreux hôpitaux peinent à se maintenir à flot, parce qu’ils doivent faire face à une situation financière de plus en plus insoutenable, aggravée par des délais de paiements de l’État et des assurances.

Cependant, cette demande a provoqué une vive opposition de la part des compagnies d’assurance, qui “craignent que cette augmentation ne pèse encore davantage sur les assurés”, affirme le président de l'Association des compagnies d'assurance, Assaad Mirza à Ici Beyrouth. Pour les assureurs, une telle hausse pourrait entraîner une sérieuse augmentation des primes d’assurance qui ont déjà bondi de 10 à 15%, ce qui représenterait une charge supplémentaire pour les Libanais déjà lourdement affectés par la crise. Leurs arguments reposent sur l'idée que l’augmentation des tarifs ne résoudra pas les problèmes sous-jacents du système de santé et pourrait, au contraire, aggraver la situation financière des assurés et augmenter la pression sur un secteur déjà fragilisé. Après avoir “refusé catégoriquement” cette augmentation, et afin de ne pas envenimer la situation, les compagnies d’assurance ont décidé d’aller vers un compromis afin que les patients qui “souffrent déjà assez de la cherté de la vie” n’aient pas à subir les conséquences des problèmes qui se posent avec les hôpitaux.    

“Les compagnies d’assurance ont donc demandé aux hôpitaux d’essayer de contrôler les honoraires des médecins, les factures des prothèses et tout ce qui se rapporte aux chirurgies”, poursuit M. Mirza, faisant allusion à des abus à ce niveau. “Une fois que cela sera passé au crible, des pourparlers pour augmenter les factures d’hospitalisation pourront être lancés”, assure-t-il.

M. Mirza indique que les compagnies d’assurance sont prêtes à avaliser une augmentation de 4%. Or le syndicat des propriétaires des hôpitaux se défend en assurant que sur les 15% réclamés, 7,5% vont dans les caisses des hôpitaux et l’autre moitié aux médecins, au matériel et aux médicaments.

Dans ce cadre, le syndicat des propriétaires d’hôpitaux estime que “le coût réel des services ne suit plus le rythme de la hausse des prix des produits, notamment des biens de consommation inclus dans le coût des services hospitaliers (articles non facturables), en particulier après la levée de la subvention sur certains d'entre eux”.

Selon des sources proches du syndicat des propriétaires d’hôpitaux, le président du syndicat, Sleiman Haroun, aurait proposé aux compagnies d’assurance de répartir l’augmentation des tarifs en trois phases: 5% à partir du 1er avril, 5% supplémentaires au 1er juin, pour atteindre un total de 15% à la fin de l'année. Cependant, cette proposition a été catégoriquement rejetée par les compagnies d’assurance. M. Mirza explique que le secteur des assurances médicales est incapable de supporter une telle surcharge financière, surtout compte tenu des pertes de 140% enregistrées l’année dernière, comme le confirment des études menées par le ministère de l’Économie. Il précise que l’augmentation déjà appliquée vise justement à combler une partie de cette perte. Il rappelle également que plus de 200.000 personnes ont quitté le secteur des assurances en raison de la crise économique et que la prise en charge des traitements contre le cancer, qui ont augmenté de 80% entre 2011 et 2020, a contribué de manière significative à ces pertes.

Les mutuelles: un système mal réglementé

Dans ce contexte, la situation des mutuelles, qui jouent un rôle essentiel dans la couverture des frais médicaux pour une partie de la population libanaise, nécessite une régulation urgente. Contrairement à de nombreux pays, les mutuelles au Liban ne sont pas encadrées de manière adéquate, et aussi étrange que cela puisse paraître, elles sont placées sous la tutelle du ministère de l'Agriculture. Cette absence de régulation engendre des inégalités dans les conditions de couverture, laissant de nombreux assurés dans l'incertitude concernant leurs remboursements et la qualité des soins qu'ils peuvent recevoir. Selon des sources bien informées, environ 90% des mutuelles ne fournissent pas de contrats formels, mais seulement des cartes, ce qui leur permet de modifier les conditions à leur convenance. De plus, elles ne disposent d'aucune réserve financière et échappent à toute forme de taxation par l'État.

Les mutuelles, qui sont des assurances collectives souvent souscrites par des groupes de personnes liés par la religion ou la famille, sont unanimement considérées par les compagnies d’assurance et les hôpitaux comme insuffisamment régulées. Cela engendre des conflits fréquents concernant les montants des remboursements et les délais de paiement.

Il est indéniable que pour de nombreux Libanais, l'accès à des soins de qualité devient de plus en plus difficile, en raison de l'augmentation tant des tarifs hospitaliers que des primes d'assurance. Cette situation précaire met en lumière l'incapacité du gouvernement libanais à réformer un secteur de la santé de plus en plus décentralisé et en proie à des tensions financières considérables.

Il est urgent que les autorités libanaises trouvent des solutions durables pour restructurer le système de santé. Cela inclut la mise en place d'une régulation stricte des mutuelles, une clarification des rôles et responsabilités des compagnies d’assurance, ainsi qu'une révision des tarifs hospitaliers en fonction de la réalité économique du pays. En l'absence de telles réformes, le système de santé libanais continuera de se débattre pour rester opérationnel, laissant les Libanais confrontés à un avenir incertain en matière de soins de santé.

 

 

Commentaires
  • Aucun commentaire