
Dès qu’il est question d’un accord, ne serait-ce que d’ordre purement technique entre le Liban et Israël, la confusion s’installe, suivie parfois d’accusations et de spéculations excessives. Certains Libanais ont souvent tendance à mélanger et à confondre les termes “armistice”, “normalisation” et “paix”. D’où la nécessité de faire le point sur la différence entre ces trois types d’accords, tant de manière générale que dans le contexte spécifique du Moyen-Orient, dans le cadre d’un éventuel règlement du conflit israélo-arabe et israélo-palestinien.
Initialement, un armistice est un accord formel entre belligérants visant à suspendre les hostilités, dans l’attente d’un règlement global et durable d’un conflit militaire. Ce n'est donc pas un traité de paix définitif, mais un engagement des deux parties à respecter les clauses de l’accord conclu. Contrairement à l’accord de paix, qui est d’ordre politique, l’armistice relève du domaine militaire et technique. Il est souvent supervisé par une mission de maintien de la paix ou une commission internationale, comme ce fut le cas pour l'armistice entre les deux Corées en 1953, supervisé par les Nations unies.
La normalisation désigne le processus par lequel deux ou plusieurs États ou parties en conflit rétablissent des relations diplomatiques normales après une période de guerre, de tensions ou de rupture des liens. Cela implique la réouverture des ambassades, l'établissement de relations et la coopération dans différents domaines: financier, commercial, culturel, sanitaire, scientifique, technologique, etc.
Un accord de paix est un traité formel qui met fin à un conflit armé et qui établit les bases d'un règlement durable des différends entre les parties en guerre. Cela peut inclure des aspects militaires, politiques, économiques et sociaux. L'accord de paix est souvent le résultat de négociations multipartites et peut aussi être supervisé par des organismes internationaux tels que l'ONU pour garantir son respect et sa mise en œuvre.
L’armistice du 11 novembre 1918 entre la France et l'Allemagne a permis de mettre fin provisoirement aux combats de la Première Guerre mondiale, jetant les bases des négociations de paix futures. Le traité de Versailles, en 1919, a mis officiellement fin à la Première Guerre mondiale et instauré une paix, mais qui s’est vite avérée fragile, entre les pays qui étaient en guerre. Berlin, qui perçoit le traité comme une humiliation, se voit amputée de près d'un sixième de son territoire et perd ses colonies en Afrique. En outre, elle doit payer toutes les réparations avec ses alliés, considérés comme seuls responsables de la guerre, et son armée est réduite à 100.000 hommes sans équipement lourd.
L’armistice prépare la paix
“Plus qu’un cessez-le-feu ou une simple trêve, l’armistice prépare les bases d’une éventuelle paix. Il vise à obtenir un changement de conduite, mais n’implique pas de changement d’attitude”, souligne Salim Sayegh, député du parti Kataëb et docteur en droit international. “Le changement de conduite signifie le respect mutuel de l’engagement, tandis que la résolution ou la transformation des conflits implique un changement profond et durable”, explique-t-il.
Après l’armistice de 1949 entre Israël et les pays arabes, dont le Liban, rappelle M. Sayegh, “il n’y a pas eu de reconnaissance réciproque (de l’État hébreu) ni une reprise des relations diplomatiques”. “En revanche, un mécanisme a été mis en place pour le respect de l’accord. Il s’agit d’un ensemble de mesures visant à renforcer cet état de cessez-le-feu, parmi lesquelles, le rétablissement des moyens de communication entre les deux parties ou encore la mise au point d’un système d'alerte précoce en cas de problème à travers les frontières”, précise-t-il.
La normalisation, un concept politique
Quant à la normalisation, M. Sayegh souligne qu’il s’agit d’un “concept politique”, qui implique une “entrée réelle dans des relations pacifiques, comme précisé dans les chartes des conventions internationales. Il appartient à tout État, reconnu par l’ONU, de conduire des relations pacifiques avec les autres”.
Par ailleurs, M. Sayegh souligne que “le concept de normalisation est essentiellement utilisé au Moyen-Orient en référence aux rapports avec Israël pour dire que l’état de non-belligérance n’est pas encore arrivé au niveau des relations pacifiques”. Il estime que “ni l’armistice de 1949 ni les accords d’Abraham (signés en août 2020 entre Israël et les Émirats arabes unis, d’un côté, et le Bahreïn, de l’autre) ne peuvent être considérés comme des accords de paix”.
“La normalisation est une zone intermédiaire entre l’état de non-belligérance et les relations pacifiques”, précise-t-il, soulignant que “la normalisation devrait être une situation définie au cas par cas et qui accompagne la transition de la non-belligérance vers la paix”.
Accord de paix implique justice
Toujours dans le contexte moyen-oriental, le député Kataëb estime qu’un véritable accord de paix requiert “une feuille de route et une décision politique qui repose sur un ensemble de principes, à la tête desquels un sentiment de justice et d’équité en ce qui concerne les parties prenantes au conflit israélo-palestinien, et donc un changement profond des attitudes des gouvernements les uns vers les autres”.
Dans cet ordre d’idées, M. Sayegh souligne qu'”en exerçant actuellement une pression maximale sur Gaza et le Liban, Israël est en train de faire un amalgame très dangereux entre une cause juste, qui est la cause palestinienne, et une cause injuste. Celle-ci se traduit par l’usage du terrorisme et de l’extrémisme sous l’égide d’une certaine vision religieuse apocalyptique des règlements des conflits dans la région”. Il faisait référence au Hamas et au Hezbollah, soutenus par l’Iran. “Ce faisant, ajoute-t-il, Israël est en train de pousser ses adversaires vers les extrêmes au lieu de les amener vers la modération. Et dans ce cas, c’est le rapport de forces qui prévaut et non plus le rapport de valeurs. Or, la paix ne peut aboutir via le rapport de forces.”
La légitimité, incontournable
M. Sayegh fait valoir que “pour construire une véritable paix, il faut que l’accord soit considéré comme légitime par les deux parties”. “Or, sans légitimité, pas de pérennité dans l’accord”, commente-t-il, en relevant que “les exemples à ce niveau, sont nombreux”.
Il convient de rappeler que les accords d’Oslo, signés en 1993 entre le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, et le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, sous le parrainage du président américain, Bill Clinton, ont mis fin aux conflits armés entre les deux parties. Israël a reconnu l'OLP comme représentant des Palestiniens. L'organisation a à son tour renoncé aux activités terroristes et a reconnu le droit d'Israël à exister. Les deux parties étaient convenus qu'une Autorité palestinienne serait établie et assumerait les responsabilités de gouvernance en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sur une période de cinq ans.
Hélas, deux ans plus tard, Yitzhak Rabin a été assassiné par un terroriste ultranationaliste juif israélien. Depuis, cet accord, l’une des seules issues vers la paix, est pratiquement malmené. Le groupe islamiste Hamas a pris le pouvoir par la force dans la bande de Gaza en 2007, reléguant l’Autorité palestinienne au second plan. Avec la suite qu’on connaît...
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