Washington suspend l’importation d’électricité iranienne en Irak: quelles répercussions?
©Ici Beyrouth

Nouveau coup de massue pour l’Iran. Le 8 mars, les États-Unis ont décidé de ne pas renouveler la dérogation qui permettait à l’Irak d’importer de l’électricité d’Iran, malgré les sanctions imposées à Téhéran. Depuis 2018, Bagdad bénéficiait de cette exemption, qui couvrait près d’un tiers de ses besoins énergétiques, malgré le potentiel pétrolier important de ce pays ravagé par des décennies de conflits. 

Cette mesure s’inscrit dans la politique de “pression maximale” de l’administration Trump, visant à forcer l’Iran à abandonner ses ambitions nucléaires, son programme de missiles balistiques et son soutien à ses milices dans la région. La décision “garantit que l'Iran ne bénéficie d'aucun degré de soulagement économique ou financier”, selon l’ambassade américaine à Bagdad. Cette mesure a été “condamnée” par le ministère iranien des Affaires étrangères, qui l’a qualifiée d’”absolument illégale”.  

L’électricité, un des derniers leviers de l’Iran  

Le but principal de cette décision est “d’amener un Iran extrêmement faible à la table des négociations, sans aucun atout en main”, estime Fouad Zmokhol, doyen de la faculté de gestion et de management à l’Université Saint-Joseph (USJ) et président du Mouvement international des chefs d’entreprises libanais (Midel). Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, il considère cela comme une “pression américaine supplémentaire après la mise à bas des alliés de Téhéran, à savoir le Hamas, le Hezbollah et le régime syrien, accompagnée d’une accentuation de la pression économique et monétaire via l’augmentation des sanctions”. “L’électricité était encore l’un des derniers leviers dont bénéficiait Téhéran”, fait valoir M. Zmokhol.  

Quant à l’Irak, pris en étau entre l’allié stratégique américain et le  parrain iranien, M. Zmokhol estime que "les Américains veulent les rappeler à rester à l’ordre (autrement dit s’eloigner des Iraniens) pour avoir un support économique et ne pas risquer de faire tomber le régime comme ils le souhaitent en Iran".

“L’Irak, qui dépend fortement de l’Iran pour son gaz et son électricité, pourrait faire face à une crise énergétique à court terme”, estime de son côté Nassib Ghobril, économiste en chef de la Byblos Bank, également interrogé par Ici Beyrouth. "Bagdad devra probablement chercher de nouveaux fournisseurs”, ajoute-t-il, soulignant toutefois que “cette décision pourrait être suspendue si un accord nucléaire était signé entre les États-Unis et l’Iran”. 

En vertu de cette dérogation, Washington permettait à l’Iran d’accéder à des milliards de dollars détenus dans des comptes gelés en Irak. Ces fonds sont destinés à être utilisés à des fins strictement humanitaires. M. Ghobril explique que “les réserves en devise de l’Irak, qui s’élèvent à près de 85 milliards de dollars, sont placés à la Federal Reserve à New York sous supervision stricte des États-Unis. Washington avait imposé à l’Irak d’établir une plateforme électronique pour savoir qui achète des dollars et essayer d’endiguer les flux vers l’Iran”. Ainsi, Téhéran va perdre ses rentrées en devises et l’Irak devra trouver d’autres fournisseurs.

Régime sous pression

Dans ce contexte, M. Zmokhol souligne que l’Iran “payait déjà un prix énorme avec des coupures de courant et une dévaluation de sa monnaie locale”. Ainsi, plusieurs scénarios sont envisageables, parmi lesquels “une accentuation des tensions sociale et politique internes qui mèneraient à un renversement du régime en place, ou encore une acceptation par l’Iran d’un accord qui lui est défavorable”, explique M. Zmohkol.

Mais cette dernière option semble peu probable. Le guide suprême, Ali Khamenei, avait fustigé une politique d'"intimidation" des États-Unis, après que le président américain Donald Trump a menacé de s'en prendre “militairement” à l'Iran si le pays ne négociait pas son programme nucléaire. Téhéran a par ailleurs réitéré lundi son refus de négocier “sous la pression et l'intimidation”. Il a aussi assuré que le programme nucléaire iranien "ne peut pas être détruit" par une attaque militaire et averti qu'une attaque israélienne contre l'Iran déclencherait un "embrasement généralisé" au Moyen-Orient.

Parallèlement, et de manière plus globale, le bras de fer persiste entre les Occidentaux et leurs alliées régionaux d’une part, et l’Iran, la Russie et la Chine de l’autre. Les trois pays, qui partagent une volonté commune de contrer ce qu'ils présentent comme l'hégémonie américaine, avaient déjà organisé ces dernières années des exercices similaires dans la région. 

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