
L'implication des Houthis dans la guerre de Gaza ne se résume pas à un simple acte de solidarité avec le Hamas. Derrière leurs attaques contre des navires en mer Rouge et leurs déclarations de soutien à la cause palestinienne, se cache une stratégie bien plus ambitieuse: renforcer leur position dans le chaos régional et affirmer leur influence sur la scène géopolitique du Moyen-Orient.
Dès le début du conflit entre Israël et le Hamas en octobre 2023, les Houthis du Yémen ont cherché à s’imposer comme un acteur clé du front anti-israélien. Présentant leurs actions comme un acte de solidarité avec la cause palestinienne, ils ont mené une série d’attaques contre des navires transitant par la mer Rouge et le golfe d’Aden, affirmant cibler des intérêts israéliens et occidentaux. Ces attaques, bien que justifiées par un discours de soutien à Gaza, s’inscrivaient également dans une stratégie plus large visant à renforcer leur position régionale et à affirmer leur rôle au sein de “l’axe de la résistance” soutenu par l’Iran.
Un levier stratégique au-delà de la Palestine
Les Houthis ont habilement utilisé leur soutien affiché à la Palestine pour renforcer leur position géopolitique au-delà de la cause palestinienne elle-même. Bien que leur discours semble celui de défenseurs de Gaza, leur implication dans le conflit s’inscrit dans un calcul plus large visant à consolider leur influence au Yémen et à redéfinir les équilibres régionaux. Certains experts en géopolitique soulignent que les Houthis, loin d’être de simples instruments de la politique iranienne, ont réussi à jouer un rôle autonome sur la scène politique du Yémen. Leur engagement en faveur de la Palestine sert avant tout à asseoir leur légitimité en tant que mouvement de “résistance” face au gouvernement yéménite soutenu par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite.
Cet engagement a également été facilité par le soutien militaire crucial de l'Iran, qui leur a fourni des missiles balistiques, des drones et des technologies avancées pour améliorer leurs capacités militaires. Selon une étude de l'International Crisis Group, l'Iran aurait fourni aux Houthis des armes, dont des missiles capables de frapper à longue distance, ce qui leur a permis d'étendre leurs attaques au-delà du Yémen, y compris contre des cibles dans la mer Rouge. Ces nouvelles capacités ont transformé les Houthis en un acteur plus menaçant et ont renforcé leur position au sein de l'axe de la résistance soutenu par l’Iran. L’attaque contre des navires transitant par la mer Rouge a illustré la portée stratégique de ces armes et leur capacité à perturber la navigation internationale, renforçant ainsi leur influence au-delà du Yémen.
Riposte occidentale et impact sur le commerce mondial
L'escalade des attaques maritimes menées par les Houthis a rapidement provoqué une réponse militaire des États-Unis et de leurs alliés, dans le cadre de l'opération “Prosperity Guardian”. Ce programme visait à protéger les voies commerciales stratégiques dans la mer Rouge, un passage clé pour le commerce mondial. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), environ 12% du commerce mondial et 30% du fret conteneurisé transitent par la mer Rouge. Toute perturbation dans cette zone entraîne des répercussions économiques significatives à l’échelle mondiale. Les frappes ciblées menées par les États-Unis et le Royaume-Uni ont visé les infrastructures militaires houthies au Yémen, dans le but de neutraliser leurs capacités offensives. Ces attaques ont inclus des frappes aériennes contre des sites liés à la production de missiles et de drones, mais les Houthis ont réussi à maintenir une pression sur les routes commerciales malgré ces ripostes.
Les tensions ont entraîné des conséquences économiques immédiates, en perturbant les flux commerciaux mondiaux. De nombreuses entreprises ont été contraintes de contourner la mer Rouge, optant pour des trajets plus longs passant par le cap de Bonne-Espérance, situé au sud de l'Afrique. Cette diversion a considérablement rallongé les trajets, augmentant ainsi les coûts d’expédition et entraînant des hausses de prix sur les marchés mondiaux, notamment pour les produits énergétiques.
L'arrêt des frappes
Le 15 janvier 2025, Israël et le Hamas ont conclu un cessez-le-feu, entré en vigueur le 19 janvier. Dans la foulée de cet accord, les Houthis ont annoncé la suspension de leurs frappes en mer Rouge, affirmant que leurs actions étaient directement liées à la guerre à Gaza et qu’ils mettaient fin à leurs opérations en l’absence d’hostilités. Cette décision a été accueillie diversement: si certains y voient un signe que les Houthis restent fidèles à leur discours de soutien à la Palestine, d’autres estiment qu’ils ont surtout cherché à éviter une escalade militaire prolongée avec les puissances occidentales.
Quelle suite?
L’arrêt des attaques houthies ne signifie pas pour autant un effacement du groupe sur la scène régionale. Leur capacité à perturber les échanges commerciaux mondiaux leur a offert une visibilité inédite, tout en leur permettant de tester la réponse militaire occidentale.
En fin de compte, l’intervention des Houthis dans la guerre de Gaza leur a permis de se repositionner comme un acteur clé des conflits régionaux. Bien que leur engagement se soit interrompu avec le cessez-le-feu, leur influence et leur capacité de nuisance demeurent des éléments majeurs à surveiller dans les équilibres stratégiques du Moyen-Orient.
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