
C’est une image que l’on n’avait pas vue depuis plusieurs années: un président libanais accueilli en grande pompe à Riyad.
La visite du président Joseph Aoun en Arabie saoudite, avant de se diriger au Caire pour participer au sommet de la Ligue arabe, était certes courte, mais d’une importance symbolique au vu de la froideur des relations entre les deux pays depuis près de dix ans. M. Aoun a par ailleurs indiqué que sa visite à Riyad constituait “une occasion pour confirmer la solidité des relations libano-saoudiennes et exprimer la reconnaissance du Liban pour le rôle joué par le Royaume dans le soutien au pays et à sa stabilité”.
On le disait dans les couloirs de Baabda depuis plusieurs semaines: le premier voyage de Joseph Aoun se fera en Arabie saoudite. Chose faite, malgré les aléas du calendrier de la Ligue arabe qui ont poussé l’équipe du président à organiser cette rencontre à Riyad dans les plus brefs délais.
Ce n’était pas la visite d’État en réponse à l’invitation du Royaume portée par le ministre des Affaires étrangères saoudien, Fayçal ben Farhane, le 23 janvier dernier. Mais cette visite officielle du chef de l’État, la première d’un président de la République depuis 2017, est un acte politique clair qui montre aux Libanais, aux Arabes et au reste de la communauté internationale que le mandat de Joseph Aoun sera celui du retour à une diplomatie libanaise pro-arabe. Son discours au Sommet arabe du Caire ne peut être plus clair et direct: "Je suis 100% libanais et 100% arabe et je suis fier de ces deux appartenances." Et de poursuivre: "Le Liban retourne aujourd’hui à la légitimité arabe […]. Le Liban a appris à ne pas être un terrain pour les guerres des autres, ni la base de politique ou d’influence étrangères."
Selon plusieurs sources proches des milieux de la présidence, "il est toujours bon de reprendre lien avec nos amis". Ces mêmes personnes l’affirment: "La présence du Liban dans son environnement arabe va être, cette fois-ci, différente." Le président Aoun l’a affirmé à sa descente de l’avion: "J'espère et j'attends de l'Arabie saoudite [...] que nous puissions rectifier les relations dans l'intérêt des deux pays et surmonter tous les obstacles du passé récent."
Nous sommes bien loin de l’époque où le président Aoun, l’ancien, accompagné de son gendre ministre des Affaires étrangères, promettait au roi Salmane que le Liban allait revenir dans le giron arabe, tout en refusant de soutenir le Royaume en guerre contre la milice houthie soutenue par l’Iran, ou en ne condamnant jamais les attaques du Hezbollah contre les monarchies du Golfe. Preuve en est: Joseph Aoun s’est entretenu, en marge du Sommet arabe du Caire, avec le président légitime du Yémen, Rachad al-Alimi, qui lui aussi souffre du soutien iranien à des groupes miliciens.
Le président de la République, Joseph Aoun, accueillant le président yéménite, Rachad el-Alimi, en marge du Sommet arabe du Caire le 4 mars 2025. © Palais présidentiel
Les Saoudiens l’ont également compris: au cours de sa visite en janvier, le ministre des Affaires étrangères avait réaffirmé devant Joseph Aoun l’engagement du Royaume envers le Liban, qualifié de "second pays pour les Saoudiens" par Fayçal ben Farhane. Il faut également rappeler que, malgré tous les différends politiques, surtout avec le camp Michel Aoun-Hezbollah, le Royaume n’a jamais arrêté de soutenir la population libanaise et a pleinement participé à sortir le pays de la vacance présidentielle.
Bien que court, le voyage présidentiel à Riyad a eu des effets concrets: mardi, les deux pays ont affirmé dans un communiqué conjoint qu'ils allaient étudier les moyens de lever les restrictions sur les exportations agricoles libanaises vers le Royaume et les voyages des Saoudiens au Liban.
La prochaine étape devrait être une visite, d’État cette fois-ci, du président Aoun en Arabie saoudite pour signer 22 accords bilatéraux entre les deux pays. Un nouveau chapitre dans les relations libano-arabes débute et ne peut que profiter au Liban.
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