La petite phrase du Premier ministre à l’issue de l’adoption par une partie du gouvernement de la loi dite «gap law» ressemble pourtant exactement à cela. Des promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent.
En réalité, c’est un numéro de prestidigitation cynique, voté par une partie du gouvernement libanais avec une légèreté criminelle : la loi dite du «trou financier». Un texte qui prétend régler la plus grande catastrophe économique de l’histoire du pays, mais qui, en vérité, organise méthodiquement l’effacement de la responsabilité de l’État et le pillage final des déposants.
Le premier acte est grossier. On promet aux «petits déposants» un remboursement vague, étalé sur quatre ou cinq ans, plafonné à 100 000 dollars. Comme si cette somme, en réalité de la poudre aux yeux, diluée dans le temps et rongée par l’inflation, constituait une réparation. C’est une aumône présentée comme un geste social, une opération de communication destinée à calmer la colère populaire, rien de plus. Le déposant devient un mendiant.
Le second acte est plus sophistiqué, et donc plus dangereux. Pour ceux qui ont plus de 100 000 dollars, autrement dit une grande partie de la classe moyenne, des investisseurs étrangers, des entrepreneurs, le gouvernement propose des bons du Trésor adossés à la Banque centrale. Adossés à quoi exactement ? À quel actif ? À quelle garantie ? À quelle crédibilité ? Personne ne le sait, et surtout personne ne le dit. C’est de la dette emballée dans du brouillard, un chèque sans provision émis par un État déjà en faillite morale et financière.
Ce texte n’est pas une solution, c’est une fuite. Une fuite organisée pour plaire au FMI, à coups de contorsions humiliantes, de danse du ventre technocratique et de jargon pseudo-réformiste. Le gouvernement ne négocie pas, il se soumet. Il vend la souveraineté financière du Liban pour acheter quelques lignes favorables dans un rapport international et prolonger artificiellement sa survie politique.
Mais le scandale majeur est ailleurs : dans l’effacement pur et simple de la responsabilité de l’État. Car qui a organisé ce désastre ? Qui a couvert les politiques suicidaires, les déficits chroniques, les budgets fictifs, les subventions clientélistes, la corruption systémique, la gabegie et la dilapidation de l’argent public ? Ce ne sont pas les déposants. Ce sont les gouvernements successifs, les ministres, les partis, l’État lui-même.
Or cette loi blanchit tout cela. Elle exonère l’État de ses fautes, transfère la perte sur les citoyens et transforme le vol en mécanisme légal. C’est une extorsion de l’argent des gens, imposée sans consentement, sans justice, sans vérité. Le déposant paye pour la corruption qu’il n’a pas commise. Il rembourse l’incompétence qu’il n’a pas choisie.
Dans les faits, cette loi ne comble pas un trou financier. Elle creuse un gouffre moral. Elle institutionnalise l’injustice, sacralise l’impunité et envoie un message clair: au Liban, l’État peut ruiner ses citoyens et les investisseurs, puis leur demander ensuite de dire merci.
Il faut désormais espérer, et exiger, que le Parlement, appelé à examiner ce projet de loi, fasse ce que le gouvernement n’a pas eu le courage de faire : dire non. Rejeter ce texte, non par obstruction, mais par responsabilité. Rejeter une loi injuste, opaque et indigne, pour ouvrir enfin la voie à une vraie reddition des comptes, où l’État assume ses fautes au lieu de les faire payer à ses citoyens.
Ce n’est pas une réforme. C’est une abdication. Et l’histoire jugera sévèrement ceux qui auront tenté de faire passer un tour de passe-passe pour une solution nationale.




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