L’habit ne fait pas nécessairement le moine
©Al Markazia

Mobilisation et exploitation à outrance des masses populaires… sur le terrain libanais. Objectif: tenter de compenser les gigantesques pertes stratégiques subies en quelques mois. Tel semble être le trait marquant du comportement des Gardiens de la révolution iranienne, et donc du Hezbollah – leur tête de pont – au cours de la prochaine étape. Aussi bien le directoire du “parti de Dieu” que ses maîtres à penser n’ont, en réalité, d’autre choix. Wafic Safa, principale cheville ouvrière de l’appareil sécuritaire du parti pro-iranien, a été très explicite à cet égard, dans une récente interview télévisée: “Nous nous focaliserons dès à présent sur la scène interne” (libanaise), ajoutant que “la flamme régionale” ne s’est pas “encore” éteinte…

Dans le contexte présent, le Hezbollah est confronté à un cumul de réalités amères qu’il tente, tant bien que mal, d’occulter. Elles sont pourtant, malgré le déni, bien réelles. Le parti chiite a du mal à le reconnaître, mais les faits sont là, et il n’est pas sans intérêt de les rappeler: ainsi, le Hezb a bel et bien subi une cuisante défaite militaire face à l’armée israélienne; son commandement, aux plus hauts échelons, a été décapité; son infrastructure a été largement annihilée; une grande partie des villages et des localités qu’il contrôlait a été rasée; ses moyens de financement sont devenus problématiques; sa base populaire se retrouve sans logement et sans ressources, et s’interroge, souvent publiquement, sur le bien-fondé de cette “guerre de soutien” déclenchée le 8 octobre 2023 à la demande de la République islamique.

Sur le plan régional, les tuteurs iraniens du Hezbollah ne sont pas mieux lotis. Ils ont perdu leur espace vital stratégique que constituait la Syrie du clan Assad; de ce fait, le “croissant chiite” qu’ils avaient mis en place pour relier Téhéran à la banlieue-sud a été brisé; leurs proxys irakiens et yéménites sont pour l’instant pratiquement muselés; la République islamique est confrontée à la “politique de pression maximale” relancée par le président Donald Trump, ce qui aggrave davantage la crise sociale et économique interne, déjà aiguë; l’Iran risque fortement de perdre le seul possible allié de poids qui lui restait, Moscou, à la suite de l’entente qui se dessine entre la nouvelle administration américaine et le président Vladimir Poutine.

Face à un tel effondrement généralisé, le Hezbollah se retrouve pratiquement impuissant face à Israël, et sa prétendue “résistance” (chimérique) n’est plus qu’une simple vue de l’esprit. Incapable désormais d’agir sur le terrain, malgré le maintien d’une présence de l’armée de l’État hébreu dans cinq positions stratégiques au Liban-Sud, et en dépit de la poursuite des raids aériens israéliens, dont les derniers en date ont été menés pendant les funérailles qui se déroulaient dimanche à la Cité sportive Camille Chamoun, le parti pro-iranien n’a plus qu’une seule carte à jouer: la mobilisation et la manipulation de la masse, en espérant un éventuel renversement de la vapeur à l’échelle régionale.

Cette dernière carte que le “parti de Dieu” s’emploie à brandir a pour fonction, à ses yeux, d’entretenir, politiquement et médiatiquement, une illusion de puissance. Sauf que l’habit ne fait pas toujours le moine.  La manière dont les funérailles de Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine ont été planifiées pourrait dénoter un signe de faiblesse plutôt qu’une manifestation de force. Organiser pendant plusieurs jours une campagne médiatique assidue afin de stimuler une présence massive à la Cité Camille Chamoun; orchestrer des “invitations” officielles à ces funérailles (une première sans doute, des “invitations” à des obsèques!); et surtout battre le rappel des Pasdaran et de tous les proxys pro-iraniens en Irak, au Yémen et dans d’autres pays… tout cela reflète chez le Hezbollah un double indice de faiblese. Celui-ci se manifeste à deux niveaux: d’une part, la nécessité de gonfler autant que possible la foule présente pour rétablir une légitimité perdue et compenser, moralement et politiquement, les lourdes pertes subies; et, d’autre part, la crainte que la mobilisation partisane ne soit pas à la hauteur de l’événement, ce qui aurait reflété une vague de désillusion non pas au niveau du cercle des partisans inconditionnels, mais plutôt dans les rangs plus larges des coreligionnaires. L’immense foule qui était descendue dans la rue pour s’associer aux funérailles de Rafic Hariri ou de Bachir Gemayel, pour ne citer que ces deux exemples, n’avait pas été “invitée” et incitée fortement à se mobiliser; elle l’avait fait sur base d’un élan instinctif et nullement “télécommandé”…

Les membres de haut rang de la délégation officielle iranienne qui ont fait le déplacement jusqu’à Beyrouth pour assister aux funérailles ont été reçus par le président Joseph Aoun qui leur a lancé pour l’occasion une petite phrase particulièrement significative: “Le Liban a suffisamment enduré du fait de la guerre des autres et a payé un lourd tribut pour la cause palestinienne”. Un sentiment largement partagé, à n’en point douter, par une écrasante majorité de Libanais et très vraisemblablement par une faction non négligeable de l’opinion chiite. À bon entendeur…   

          

 

 

  

    

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