Vingt-deux jours après la désignation de Nawaf Salam pour former un nouveau gouvernement, le 13 janvier, l'issue de ce processus laborieux semble désormais proche.
Le Premier ministre désigné aurait réussi à surmonter les nombreux obstacles liés aux exigences et aux prétendus privilèges de certaines parties et devrait prochainement annoncer la composition du premier gouvernement sous le mandat du président Joseph Aoun.
Idéalement, Nawaf Salam aurait dû présenter rapidement la mouture de son équipe au président Aoun, profitant de la sorte de l’élan local et international favorable à l’élection de ce dernier à la tête de l’État. Cependant, le retard qui a suivi les consultations parlementaires non contraignantes a ouvert l’appétit des forces politiques en présence qui se sont employées à imposer leurs revendications, pour reprendre les propos d’un ancien responsable.
Le Premier ministre désigné s’est aussitôt heurté aux exigences du tandem Amal-Hezbollah, soucieux de préserver les privilèges dont il bénéficiait lorsqu’il exerçait sa mainmise sur l’État, grâce à un excès de force et au soutien d’un président et d’un Premier ministre acquis à sa cause.
Actuellement, ce tandem vit dans une sorte de déni, feignant d’ignorer les bouleversements majeurs survenus aux niveaux local, régional et international. Il s’accroche à ce qu’il considère comme ses acquis: le portefeuille des Finances, des postes stratégiques au sein de l’État et notamment des institutions sécuritaires, ainsi que la reconnaissance de la “résistance” et du triptyque “peuple-armée-résistance” dans la déclaration ministérielle.
Le tandem campe sur une position intransigeante dans les négociations, redoutant que la moindre concession ne compromette son influence sur la rédaction de la déclaration ministérielle et sa position dominante au sein du pouvoir.
De son côté, Nawaf Salam continue de défendre une approche novatrice en refusant que les partis politiques monopolisent la représentation des différentes confessions. Selon lui, les portefeuilles ministériels doivent être représentatifs des confessions et non pas des formations politiques. En collaboration avec le président Aoun, il souhaite nommer des ministres sunnites, chiites, maronites et grecs-orthodoxes capables d’assurer le maintien du gouvernement jusqu’aux prochaines élections législatives, tout en excluant la possibilité d’un tiers de blocage.
Lors de sa dernière réunion avec le président, jeudi dernier, M. Salam a défini quatre critères pour la formation du gouvernement: séparer les fonctions ministérielles et parlementaires, privilégier la compétence, exclure les ministres candidats aux élections et éviter la nomination de ministres affiliés à des partis politiques.
Ce dernier critère a suscité de vives inquiétudes au sein des partis politiques. M. Salam a alors entamé une nouvelle phase de consultations sur la base de ces principes, mais le retard dans la formation a engendré de nouvelles tensions. Walid Baarini, député du Akkar, est monté au créneau, appelant le président Aoun à rectifier le tir, menaçant d’une mobilisation contre ce qu’il a appelé la marginalisation des sunnites.
Le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, pour sa part, a réitéré son soutien à une formation rapide du gouvernement, tout en exprimant des réserves sur les critères de M. Salam, soulignant que “la politique repose sur les partis” et que les FL ne pouvaient pas être traitées de la même manière que des formations ayant nui à l’État.
Face à ces blocages, plusieurs acteurs internationaux ont fait part de leurs inquiétudes, notamment après l'insistance du tandem Amal-Hezbollah à conserver le portefeuille des Finances, qu’il entend confier à l’ancien député Yassine Jaber, ainsi que d’autres ministères stratégiques.
Le Hezbollah cherche principalement à consolider sa position dans un contexte de changements régionaux, marqué par le déclin de l’influence iranienne, des pertes humaines dans ses rangs et la chute du régime syrien de Bachar el-Assad.
D’après des sources diplomatiques occidentales, la communauté internationale continue de s'opposer fermement à l'attribution du portefeuille des Finances au tandem, estimant que cela compromettrait les chances du Liban d'obtenir les aides financières nécessaires.
En signe de riposte, le Hezbollah a organisé des manifestations de motards dans les régions chrétiennes et sunnites, et envoyé un drone de surveillance en direction d’Israël, dans une tentative de fragiliser le mandat présidentiel et d’amener Nawaf Salam à céder ou à se retirer.
Selon des sources bien informées, ce dernier cherche à constituer un bloc ministériel diversifié, capable de soutenir l’État. Malgré l’intransigeance du tandem, qui réclamait des concessions totales, Nawaf Salam a réussi à obtenir des compromis significatifs de sa part.
Simultanément, les FL ont plaidé en faveur d’une distinction entre les partis alignés sur des agendas régionaux et ceux qui œuvrent dans un cadre strictement national, rejetant ainsi toute tentative de mettre tous les partis sur un pied d’égalité.
La question demeure: Nawaf Salam parviendra-t-il à établir de nouvelles bases pour la formation des gouvernements? Il affirme qu’il continue de négocier en respectant la Constitution et les accords de Taëf. Pendant ce temps, le Hezbollah maintient ses exigences, cherchant à imposer ses conditions dans la déclaration ministérielle, notamment l’introduction du triptyque “peuple-armée-résistance”, et à préserver son arsenal militaire sous le prétexte de la “résistance”.
Selon un ancien responsable, si le tandem n’arrive pas à imposer ses conditions dans la formation du gouvernement, il perdra également du terrain dans la rédaction de la déclaration ministérielle.
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