Cinquante ans après sa disparition, Oum Kalthoum demeure une icône incontournable, célébrée à travers le monde arabe et au-delà.
Dans les ruelles de Khan al-Khalili, l’immense marché du centre du Caire, la voix traînante et suave de la diva de la chanson arabe, Oum Kalthoum, s’échappe d’un estaminet où des amis, attablés autour d’un thé et de narguilés, savourent l’instant.
Mais dès que résonne Enta Omri, les conversations s’interrompent. Puis, à mi-voix, les clients du café reprennent cette complainte mythique, composée en 1964 par Mohammed Abdel Wahab.
“Elle est la voix de la nation”, déclare sans ambages Aya Khamis, 36 ans. Sur les murs du café, des photographies sépia de la chanteuse légendaire côtoient des affiches de ses concerts mythiques.
Abou Ahmad, le gérant, ajuste soigneusement le volume de l’antique magnétophone. “Tant que les gens écouteront de la musique, Oum Kalthoum sera présente. Elle n’est jamais partie”, assure-t-il à l’AFP.
Cinquante ans après sa mort, le 3 février 1975, Oum Kalthoum demeure omniprésente. De Bagdad à Damas, de Tunis à Beyrouth, sa voix continue à chanter l’amour, le désir et la perte du bien-aimé.
Un jour sans elle
À l’extérieur du café, des figurines d’Oum Kalthoum en foulard et lunettes de soleil emblématiques trônent sur un stand en bois. “Ce sont mes meilleures ventes”, affirme Shady Saïd, 37 ans.
Dans le quartier huppé de Zamalek se dresse une statue en bronze de l’icône, tandis que de l’autre côté du Nil, son musée expose ses robes emblématiques, ses lettres manuscrites, ses enregistrements originaux et ses célèbres lunettes incrustées de diamants.
Étonnamment, les visiteurs sont en majorité des adolescents. Rodina Mohamed, 15 ans, loue son talent: “Elle ne se démode pas, car elle était perfectionniste dans les paroles, les mélodies et l’interprétation.”
Un héritage intemporel
Son aura a conquis tout le monde arabe. Youssef Hamad, ingénieur à la retraite de 77 ans, retrouve chaque jour ses amis au café Oum Kalthoum de Bagdad, ouvert en 1970. “Elle a chanté Bagdad, le château des lions, et c’est ici que je me sens le plus proche d’elle”, confie-t-il.
Son voisin, Khazaal Abou Ali, 83 ans, est un inconditionnel: “Elle a chanté Si un jour passe sans te voir, il ne compte pas dans ma vie, et moi, je peux dire qu’un jour sans sa voix est un jour perdu.”
La vie d’une légende
Née en 1898 dans une famille modeste du delta du Nil, Oum Kalthoum est devenue la voix la plus célèbre de la musique arabe. Son père, un imam, a rapidement reconnu son talent. Mais, sachant qu’il était impensable qu’une jeune fille chante en public, il la déguisait en garçon et l’enveloppait dans une coiffe bédouine.
Sa voix grave et sa présence magnétique ont captivé le public. Dans les années 1930, elle s’est installée au Caire, où elle a révolutionné la musique en mêlant poésie classique et grandes compositions orchestrales. Ses concerts étaient légendaires et pouvaient durer cinq heures, rythmés par des improvisations et des reprises de strophes.
Les musiciens occidentaux étaient aussi fascinés. Shakira et Beyoncé ont incorporé sa musique dans leurs œuvres, tandis que Maria Callas, Robert Plant et Bob Dylan ont salué sa voix unique.
Une icône culturelle
Ses chansons sont devenues la bande-son d’une Égypte en pleine mutation, notamment après la révolution de 1952. Considérée comme une icône culturelle, elle a interprété des chants patriotiques et, en 1967, a reversé les recettes de son concert à Paris à l’armée égyptienne.
Un biopic attendu
L’histoire d’Oum Kalthoum revient sous les projecteurs avec un biopic intitulé El-Set, qui mettra en lumière les moments clés de sa vie. Malgré un secteur dominé par les hommes, elle contrôlait chaque détail de son œuvre et de son image, comme le souligne Fayza Hendawi, critique d’art.
Avec AFP
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