Le Liban, en quête désespérée de solutions à ses crises, tant économique qu’énergétique, pensait voir ses eaux territoriales se transformer en levier stratégique grâce à de supposées riches réserves gazières au large de ses côtes. Mais l’espoir d’une exploitation rapide du Bloc 9, en partenariat avec le consortium mené par TotalEnergies, se heurte à des tensions de plus en plus vives. La relation entre le ministère libanais de l’Énergie et le géant pétrolier français semble se détériorer. Une situation qui, au lieu de faire couler du gaz, noie les espoirs de relance économique.
La relation entre le ministère libanais de l’Énergie et le géant pétrolier français TotalEnergies semble être au bord de la rupture. En cause, un rapport sur le forage du bloc 9 qui n’a pas été remis aux autorités libanaises.
En 2023, TotalEnergies a annoncé le début du forage dans le Bloc 9, au large des côtes libanaises, dans le cadre de son engagement à explorer cette zone potentiellement riche en gaz naturel.
Le Liban avait, comme on le sait, délimité plusieurs blocs d'exploration dans ses eaux territoriales, dont le Bloc 9, une zone stratégique qui s'étend sur environ 1.000 kilomètres carrés. Ce bloc était particulièrement intéressant en raison d’un éventuel potentiel en ressources gazières qui aurait pu représenter une manne pour le Liban qui cherche à exploiter ses ressources énergétiques pour sécuriser son approvisionnement en énergie et relancer son économie.
En 2018, TotalEnergies a signé un contrat avec le Liban pour explorer le Bloc 9, en partenariat avec d’autres entreprises. TotalEnergies, en tant qu'opérateur principal du consortium, a pour rôle de mener les travaux de recherche, notamment le forage, les études géologiques nécessaires pour déterminer les réserves de gaz et l’élaboration des rapports.
Or, depuis quelques jours, le ministre sortant de l’Énergie, Walid Fayad, est monté au créneau, accusant TotalEnergies de “négligence concernant ses obligations contractuelles”.
Interrogé par Ici Beyrouth, Wissam Chbat, membre du conseil d'administration de la Lebanese Petroleum Administration (LPA), a affirmé “que le problème entre le ministère de l’Énergie et TotalEnergies porte sur le rapport que la société pétrolière n’a pas remis à la fin du forage du Bloc 9”.
L'accord signé entre les deux parties est structuré en deux phases, a-t-il expliqué. La première s’étend sur trois ans et la seconde sur deux ans. La première phase, correspondant au Bloc 9, a été prorogée par décision parlementaire jusqu’au 21 mars 2025 à cause de la pandémie du Covid-19. TotalEnergies doit donc décider, avant cette date, s’il va poursuivre la seconde phase ou rendre le bloc. Or, le Parlement a décidé, avant les fêtes de fin d’année, de prolonger toutes les périodes de travaux contractuels à cause de la guerre. Cette décision s’applique également à TotalEnergies qui a suspendu ses travaux le 8 octobre 2023. Par conséquent, cette première phase s’étend désormais jusqu’au 13 novembre 2026, soit 540 jours au-delà de la fin règlementaire. “Si TotalEnergies laisse les choses telles qu’elles sont, sans études ni rapport, cela signifie que nous perdrons 540 jours. Nous voulons juste savoir si TotalEnergies veut poursuivre les études ou nous remettre le bloc 9”, a indiqué M. Chbat.
Il a rappelé que le rapport aurait dû être présenté en avril 2024. Que répond le géant pétrolier français? À la délégation libanaise envoyée en France à cet effet, il a été dit que “le rapport n’a pas été fourni par le management et que celui-ci ne changerait rien puisque le gaz est inexistant”. Le ministère certifie de son côté qu’il a besoin de ce rapport, d’autant que ce document est mentionné dans le contrat.
Dossier soumis au Conseil des ministres
M. Chbat affirme que les clauses de l’accord doivent être respectées, comme l’article de la loi de 2010 concernant la suppression des informations. La non-application de cet article peut conduire à la révocation du contrat. Surtout que la LPA “se sent responsable” de l’exécution du travail. Celle-ci a donc soumis deux recommandations au ministre de l’Énergie: réclamer une rupture du contrat avec une période de 90 jours pour “réparer l’erreur” ou soumettre à l’approbation du Conseil des ministres cette révocation avec la même période de grâce. Le ministre Fayad a choisi la seconde option, “étant donné qu’il s’agit d’une décision stratégique ayant un grand impact”. Il a donc envoyé une lettre dans ce sens au Conseil des ministres. Ce dossier devrait normalement être traité par l’Exécutif une fois le nouveau gouvernement formé.
M. Chbat a toutefois espéré qu’avec l’amélioration de la situation au Liban, le géant pétrolier fera un pas positif en remettant le rapport, en effectuant des études ou en proposant une offre pour les blocs 8 et 10.
TotalEnergies, de son côté, ne veut absolument pas communiquer à ce propos.
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