À Gaza, une trêve fragile et incertaine
Des Palestiniens marchent dans une rue de Jabalia, le long des décombres de bâtiments détruits, alors que les déplacés se dirigent vers les zones nord de la bande de Gaza, au troisième jour d'un accord de cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hamas, le 21 janvier 2025. ©Omar AL-QATTAA / AFP

La trêve entre Israël et le Hamas entrée en vigueur dimanche dans la bande de Gaza reste fragile et pourrait s'effondrer à tout moment en raison d'un processus long et opaque, avertissent des experts.

Annoncé par les pays médiateurs – Qatar, Égypte et États-Unis – , l'objectif de l'accord de cessez-le-feu est la "fin définitive" des hostilités, selon Doha, après 15 mois d'une guerre dévastatrice dans le territoire palestinien.

Dès lundi, le nouveau président américain, Donald Trump, disait n'être "pas sûr" que la trêve tienne, et mardi, le Premier ministre du Qatar appelait Israël et le Hamas à faire preuve de "bonne foi" pour instaurer une paix durable dans le territoire palestinien.

L'accord prévoit la cessation des hostilités durant une première phase de six semaines pour libérer 33 otages israéliens en échange de 1.900 prisonniers palestiniens.

La suite reste incertaine. La deuxième phase, censée mener à la fin définitive de la guerre et à la libération de tous les otages en échange du retrait complet des troupes israéliennes de Gaza, sera négociée au cours des six prochaines semaines.

"Il y a un fort risque que la trêve déraille" et que le Premier ministre israélien, Benjamin "Netanyahou reprenne sa campagne militaire à Gaza", affirme à l'AFP Anna Jacobs, du Arabe Gulf States Institute.

"Netanyahou n'a atteint aucun de ses objectifs stratégiques dans cette guerre, notamment l'élimination du Hamas", ce qui risque de le pousser à "trouver un prétexte pour saboter la trêve et poursuivre la guerre", explique-t-elle.

"Pression constante" 

Et les exigences d'Israël pour un désarmement du Hamas sont peu susceptibles d'être acceptées par le mouvement islamiste palestinien, qui de son côté réclame la levée du blocus de Gaza, auquel Israël refuse de mettre fin depuis 17 ans.

"Une pression constante" des médiateurs, "en particulier de Donald Trump", sera essentielle pour "préserver les phases restantes" de "cette trêve fragile qui n'est pas un arrêt du conflit", écrit Sanam Vakil de Chatham House.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque du Hamas qui a entraîné la mort de 1.210 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur 251 personnes enlevées ce jour-là, 91 sont encore otages à Gaza, dont 34 sont mortes selon l'armée.

En représailles, Israël a lancé une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza assiégée, qui a fait au moins 47.107 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU, et a provoqué un désastre humanitaire.

"A court terme, la trêve pourrait durer car les deux camps ont besoin de répit", souligne Colin Clarke du Soufan Center.

La diplomatie qatarie assure que les médiateurs veillent au bon déroulement de la trêve: depuis une "salle d'opération" au Caire, ils "contrôlent quotidiennement" les opérations d'échange, les communications entre Israël et le Hamas, le retrait de l'armée israélienne, le retour des déplacés, la réouverture des infrastructures essentielles (hôpitaux, boulangeries).

"Tester les limites"

Dès son premier jour, la trêve, entrée en vigueur avec trois heures de retard, a montré ses limites: le Hamas a tardé à fournir la liste des trois otages à libérer le jour-même, invoquant des "complications sur le terrain" et "la poursuite des bombardements".

C'était "soit une volonté de tester les limites de l'accord, soit un manque de contrôle sur les otages", décrypte le chercheur Michael Horowitz.

Durant les trois mêmes heures, des frappes israéliennes ont coûté la vie à huit Palestiniens, selon la Défense civile à Gaza.

Puis, Israël a libéré les prisonniers palestiniens plus tard que prévu.

De quoi doucher tout espoir d'une mise en œuvre fluide de l'accord de trêve.

D'autre part, chacun des deux camps peut l'interpréter à sa façon, les détails de la trêve n'ayant pas été rendus publics, affirme M. Hiltermann pour qui "le manque de clarté ou d'accord pourrait être fatal".

Pour M. Horowitz, le Premier ministre israélien pourrait exploiter cette opacité pour "affirmer que ce cessez-le-feu n'est pas permanent" et reprendre la guerre, afin de rassurer ses alliés extrémistes et d'éviter un effondrement de la coalition gouvernementale, qu'un ministre a déjà quitté et un autre menace de le faire.

"La question qui se pose est de savoir si Netanyahou respectera encore la trêve après la libération des otages", affirme Hussein Haridi, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères égyptien.

Et à long terme, "sans plan viable pour un État palestinien", prévient M. Clarke, nous verrons éclater "de nouveaux conflits à répétition".

Par Sofiane ALSAAR, AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire