Nous sommes au carrefour, ballotés entre des choix qui laissent peu de place à des solutions équivoques, alors que le nouveau contexte suppose des choix bien arrêtés qui nous aident à nous extraire des impasses qui se sont installées dans la durée. Le Liban n’est plus en mesure de s’accommoder des verrouillages imposés par les fascismes chiites et de les sceller après la défaite du Hezbollah et la chute de la dictature en Syrie. Les deux ailes du fascisme chiite s’emploient à regagner par la politique ce qu’elles ont perdu par la guerre et à poursuivre leur démarche politique aux dépens des autres composantes libanaises en faisant fi de leurs droits et de la communauté citoyenne.
Il est incompréhensible, après la débâcle militaire et la trêve négociée par les États-Unis, de se retrouver dans la manœuvre dilatoire, le déni des réalités et les discussions futiles sur la stratégie militaire et l’inaptitude de l’armée libanaise, comme si la performance du Hezbollah s’imposait comme une évidence et que les enjeux du passé récent étaient renouvelés. Autrement dit, ils essayent de se renflouer en instrumentalisant la plateforme islamiste qu’ils avaient mise au point il y a quarante ans (Union des oulémas musulmans, al-Jama’a al-Islamiya), en s’en servant comme passerelle pour se réconcilier avec HTC et occulter leur criminalité durant la guerre civile en Syrie. Toutes ces manœuvres sont dictées par le régime iranien qui estime, une fois de plus, que les territoires libanais peuvent lui servir de plateformes opérationnelles qu’il peut instrumenter au gré de ses intérêts mutants. Nous sommes confrontés à des dilemmes qui ne cessent de se répéter et dont la trame est de reconduire la politique de domination, alors que les encadrements et les données stratégiques ont été entièrement bouleversés.
Le Hezbollah et ses suppôts font l’impasse devant les mutations géostratégiques au Liban, en Syrie et à Gaza; ils persistent dans leur politique obstructionniste et leur volonté de mainmise sur les échéances constitutionnelles comme ultimes recours qui leur permettraient de poursuivre la politique de domination et de déjouer les conséquences de leur défaite militaire dont ils assument l’entière responsabilité. L’usurpation des prérogatives constitutionnelles est un fait bien établi qui s’étend sur l’ensemble de leur parcours politique sans discontinuer. Ils n’ont jamais fait mystère de leur volonté de domination et n’ont pas l’intention de le faire. Leurs objectifs militaires à l’endroit d’Israël ont été réduits à néant et pourtant leur conduite n’a pas dévié d’un iota, car les subterfuges dont ils se sont réclamés doivent être récompensés par des compensations internes, à défaut des aspirations régionales qui sont désormais hors de portée.
Les inconnues de cette équation imaginaire sont prépondérantes: la trêve à laquelle le gouvernement illégitime a souscrit est loin d’atteindre ses objectifs; le Hezbollah refuse de désarmer, s’arroge des prérogatives constitutionnelles usurpées et se recommande de nouveau de la devise ternaire du “peuple, État, résistance”, alors que la majorité des Libanais s’en sont démarqués. La politique de satellisation du parlement, orchestrée par Nabih Berry, bénéficie de la léthargie et de la complicité d’un parlement croupion et met en relief les hypothèques oligarchiques qui ont discrédité l’Assemblée nationale et l’ont réduite au statut d’auxiliarité et de dépendance qui l’a caractérisée tout au long des trente-quatre dernières années. Ceci est d’autant plus grave que la défaite militaire a mis à nu la fiction juridique qu’est l’État libanais et les ressorts de la politique de domination chiite et ses articulations internes et externes.
Les aléas de cette politique de désengagement délibéré des stipulations de la trêve remettent le pays sur le croisement de la guerre civile et des guerres régionales. Il est inconcevable de parler de scénarios de normalisation alors que le narratif de départ et ses implications politiques demeurent inchangés. Le respect inconditionnel des mandats internationaux stipulés dans la trêve et la volonté d’accommodement qui devraient encadrer l’échéance présidentielle sont doublement subvertis. Les partenaires internationaux et le reste de la communauté nationale libanaise doivent faire valoir leur opposition afin de préempter l’effondrement de la dynamique de paix et ses relais institutionnels. Il n’est plus question d’arrangements bâclés ou de recours à des faux-fuyants, la fausseté de la vie politique libanaise est désormais révolue.
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