Le régime Assad est tombé, laissant derrière lui le plus grand empire du Captagon au monde.
Pendant des années, le régime du président Bachar el-Assad a compté sur le marché du Captagon, estimé à plusieurs milliards de dollars, pour financer ses efforts de guerre, soutenir des milices alliées, comme le Hezbollah, et contourner les sanctions économiques internationales, dont notamment la loi César.
Les récentes saisies de fabriques de Captagon et du nombre impressionnant de comprimés dans d'anciens bastions du régime montrent à quel point le commerce de la drogue s'est enraciné sous le régime Assad. D'importantes quantités ont été trouvées dans des zones désormais contrôlées par des factions rebelles.
L'ascension du Captagon en Syrie
Les origines de ce trafic remontent aux années 1960, en Allemagne, où il était initialement fabriqué pour traiter la narcolepsie et la dépression.
Dans les années 1990, la production de cette drogue a été lancée dans la vallée de la Békaa, au Liban, par des réseaux liés au Hezbollah.
Lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie, en 2011, le régime Assad, profitant du chaos généralisé, a pris le contrôle des usines de production de Captagon, gérées par les groupes pro-iraniens pour les besoins de financement de leurs opérations.
En 2020, la Syrie était devenue le plus grand producteur et exportateur mondial de Captagon, un commerce estimé à environ 5,7 milliards de dollars par an, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
Entre 2020 et 2022, le commerce du Captagon a généré environ 2,4 milliards de dollars par an pour le régime Assad, soit environ un quart du PIB syrien.
Ces revenus ont financé non seulement les opérations militaires du régime, mais aussi celles des groupes soutenus par l'Iran tels que le Hezbollah, leur permettant d'acheter des armes et de maintenir leurs activités.
La quatrième division, dirigée par Maher al-Assad, frère de Bachar al-Assad, a joué un rôle crucial dans la supervision du commerce de la drogue, de la production à la distribution. L’appareil militaire était ainsi associé à l'économie illicite.
Les unités militaires d'élite syriennes étaient fortement impliquées dans les opérations de trafic, ancrant profondément le commerce de la drogue dans la structure du pouvoir du pays, selon Human Rights Watch.
Comment le commerce du Captagon a alimenté la machine de guerre
Comme les sources de revenus traditionnelles de la Syrie se tarissaient à cause des sanctions internationales et des ravages de la guerre civile, le Captagon a comblé le vide économique.
La production s'est de plus en plus industrialisée, avec d'immenses usines de fabrication opérant sous la surveillance de l'armée du régime.
Les profits du commerce de la drogue ont permis au gouvernement syrien de financer son effort de guerre en cours, y compris l'achat d'armes et le financement des opérations de milices soutenues par l'Iran dans la région.
Le Captagon est ainsi devenu un des piliers de survie du régime, alors même que l'infrastructure du pays s'effondrait.
L'impact mondial du commerce du Captagon
En 2023, cette drogue était devenue une marchandise illicite majeure à travers le Moyen-Orient, notamment en Arabie saoudite, en Irak et en Jordanie, où il est introduit en contrebande en grandes quantités.
La Jordanie et le Liban étaient devenues une plaque tournante pour le trafic de Captagon vers les pays arabes.
Cette même année, la Jordanie avait saisi près de 10 millions de comprimés – d'une valeur de plus de 200 millions de dollars – destinés au Golfe, selon le Département jordanien de lutte contre les stupéfiants. Au Liban, ce trafic a alimenté la crise diplomatique entre le Liban et l'Arabie saoudite en 2021.
Dans le même temps, la dimension mondiale du Captagon prenait de plus en plus d’envergure. D'importantes saisies de drogue ont eu lieu en Europe, notamment dans les ports d’Italie et de Grèce. Des laboratoires de fabrication de cette drogue ont parallèlement été découverts en Allemagne et aux Pays-Bas, confirmant l’importance de la production de cette drogue sur les marchés européens.
Selon divers médias, la Syrie fournissait jusqu'à 80% du Captagon qui circulait au Moyen-Orient. Cette drogue était devenue une menace transnationale, selon Europol.
Le commerce du Captagon a été non seulement une bouée de sauvetage pour le régime de Bachar el-Assad, mais aussi un moteur clé de l'instabilité régionale, grâce auquel des groupes armés étaient financés.
Avec la chute du régime de Bachar el-Assad, le sort de cet empire reste flou. Restera-t-il une force déstabilisatrice majeure dans la région?
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