Le 25 octobre dernier, le Liban a été officiellement inscrit sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI), se retrouvant désormais sous “surveillance renforcée”. Dans son rapport, le GAFI a souligné les lacunes persistantes du Liban en matière de renforcement de ses dispositifs de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
L’un des points notables du rapport final du GAFI est la reconnaissance des efforts déployés par le secteur bancaire libanais et la Banque du Liban (BDL) pour respecter les normes du GAFI. Depuis plusieurs années, les banques libanaises ont initié des réformes importantes pour se conformer aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le respect des régulations relatives aux sanctions internationales, témoignant de leur engagement à coopérer avec les institutions financières mondiales.
Les principales mesures incluent l'adoption de systèmes technologiques modernes, la mise en œuvre de politiques rigoureuses pour superviser et contrôler les transactions financières ainsi que la formation continue du personnel et la création de départements spécialisés en conformité. Les banques libanaises ont également réaffirmé leur engagement à moderniser et à développer leurs outils, en adéquation avec l'évolution des exigences du GAFI, notamment en adoptant des technologies avancées pour automatiser la conformité et renforcer la transparence.
Le rapport du GAFI met une nouvelle fois en lumière les efforts déployés par la BDL pour instaurer des normes de transparence monétaire et financière avec les banques, tout en renforçant les mécanismes de conformité au sein de la BDL et du secteur bancaire. Le groupe a salué les progrès significatifs accomplis par le Liban depuis l’adoption du rapport d’évaluation mutuelle en mai 2023. Parmi les mesures notables, figurent la publication d’une circulaire obligeant les banques et institutions financières de créer des unités spécialisées dans la lutte contre les crimes liés à la corruption et à la fraude, ainsi que l’adoption de mesures contre les activités financières non autorisées.
Cependant, malgré ces progrès, le GAFI souligne que des réformes supplémentaires sont nécessaires pour combler les failles persistantes dans les dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Pour accélérer la mise en œuvre des réformes et permettre au Liban de sortir de la liste grise, tout en évitant son inscription sur la liste noire, un comité ministériel a été constitué sous la présidence du Premier ministre sortant, Najib Mikati. Ce comité regroupe des figures clés, notamment, les ministres sortant de la Justice, Henry Khoury; de la Défense, Maurice Slim; des Finances, Youssef el-Khalil; de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui; le procureur général par intérim près de la Cour de cassation, le juge Jamal Hajjar; le gouverneur par intérim de la BDL, Wassim Mansouri; le secrétaire général du Conseil des ministres, le juge Mahmoud Makkiyé; le directeur général des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osman; et la juge Rana Akoum.
L'objectif principal de ce comité est de veiller à la mise en œuvre des recommandations formulées par le GAFI à l’égard du Liban, tout en remédiant aux lacunes et faiblesses qui ont conduit à son inscription sur la liste grise. Les ministres et les responsables des secteurs sécuritaire et judiciaire membres de ce comité seront chargés de traiter les dysfonctionnements spécifiques aux institutions qu’ils dirigent ou supervisent.
Le GAFI souligne que les poursuites judiciaires au Liban demeurent inadéquates face aux menaces et risques actuels, notamment en matière d’enquêtes douanières, de lutte contre la contrebande, d’évasion fiscale, ainsi que de trafic de drogues et d’êtres humains. Le rapport met également en lumière l’absence de mécanismes clairs pour identifier les sources de la criminalité financière ainsi que pour geler et saisir les profits qui en découlent.
Les autorités judiciaires libanaises n’ont pas encore instauré les dispositifs nécessaires pour assurer la confiscation des produits issus de ces activités criminelles. En outre, le GAFI pointe une forme de corruption persistante au sein de l’administration libanaise, attribuée à l’absence de procédures transparentes pour la restitution des actifs saisis ou leur transfert vers d’autres juridictions, compromettant ainsi l’efficacité des mesures de lutte contre la criminalité financière.
Le GAFI estime également que le Liban n’a pas réalisé de progrès suffisants dans les enquêtes sur les menaces potentielles liées aux activités d’un groupe paramilitaire local majeur, désigné comme “organisation paramilitaire locale de premier plan”, une référence implicite au Hezbollah. Pour espérer sortir de cette liste, le Liban doit mettre en œuvre plusieurs mesures clés, parmi lesquelles:
- Effectuer des évaluations spécifiques sur les menaces liées au financement du terrorisme et au blanchiment d'argent, telles qu’identifiées dans le rapport d'évaluation, et mettre en place des politiques et des mesures pour y remédier.
- Renforcer les mécanismes permettant une réponse rapide et efficace aux demandes d'entraide judiciaire, d'extradition et de récupération d'actifs criminels.
- Améliorer la compréhension des risques associés aux entités non financières agréées (DNFBP) et appliquer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives en cas non-conformité.
- Mettre à jour des informations sur les bénéficiaires effectifs, appliquer des sanctions adéquates et instaurer des mesures pour atténuer les risques liés aux personnes morales.
- Renforcer l'utilisation par les autorités compétentes des informations fournies par la Cellule de renseignement financier (CRF).
- Démontrer une augmentation significative et soutenue des enquêtes, des poursuites judiciaires et des condamnations pour les différents types de blanchiment d'argent, en fonction des risques identifiés.
- Améliorer l'approche en matière de recouvrement des actifs et de détection, saisie et confiscation des transferts illégaux de devises, de métaux et de pierres précieuses à travers les frontières.
- Intensifier les enquêtes liées au financement du terrorisme et partager les informations pertinentes avec les partenaires étrangers, comme l'exige le rapport d'évaluation.
- Appliquer sans délai des sanctions financières ciblées, en particulier à l'encontre des institutions non financières licenciées et de certaines institutions financières non bancaires.
- Mettre en place une surveillance ciblée et basée sur l’analyse des risques des organisations à but non lucratif présentant un haut niveau de risque, tout en garantissant que leurs activités légitimes ne soient ni entravées ni découragées.
Le Liban dispose d'environ un an pour entreprendre les réformes indispensables à sa sortie de la liste grise et éviter une éventuelle inscription sur la liste noire. Aujourd'hui, plus d'un mois après cette inscription, aucun impact significatif n'a été observé sur les relations avec les banques correspondantes. Cela s'explique en grande partie par les efforts entrepris par M. Mansouri, qui a su préserver le secteur bancaire des répercussions négatives de cette décision, en rassurant les banques correspondantes quant aux actions entreprises par la BDL et les établissements bancaires pour se conformer aux normes internationales en matière de flux financiers, de transferts, de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que de surveillance des opérations bancaires.
En appliquant rigoureusement ces standards internationaux, les banques libanaises et la Banque du Liban ont su préserver des liens solides avec les banques correspondantes étrangères, qui jouent un rôle essentiel en connectant le marché libanais à l’économie mondiale. Ces relations témoignent de décennies de coopération continue et d’un engagement constant envers les réglementations internationales. Les banques correspondantes reconnaissent et apprécient pleinement l’engagement des établissements bancaires libanais en matière d’adoption et de renforcement des mesures préventives nécessaires, consolidant ainsi leur crédibilité et leur fiabilité sur la scène internationale.
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