Trump ou Harris, peu d'espoir d'embellie entre Washington et Ankara
Les partisans de l'ancien président américain et candidat républicain à la présidentielle Donald Trump arrivent à un rassemblement de campagne à l'arène Santander à Reading, en Pennsylvanie, le 4 novembre 2024. ©Ed JONES/AFP

À peu près d'accord sur rien, divisés sur le conflit au Moyen-Orient et sur les Kurdes malgré leur appartenance commune à l'Otan, les États-Unis et la Turquie entretiennent une relation distendue sur laquelle le résultat du scrutin de mardi pèsera peu.

Il est loin le temps des relations étroites des années 1990, quand Washington et Ankara se considéraient comme des alliés indispensables, relèvent les experts.

La dernière visite dans le pays d'un chef d'État américain, Barack Obama, remonte à 2009. Depuis, ni Donald Trump ni Joe Biden n'ont fait le déplacement, même si Trump a reçu son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à la Maison-Blanche par deux fois en 2017 et 2019.

Pour Soner Cagaptay, de l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, les deux pays ont fait le constat de leurs désaccords et s'appliquent à "chercher des domaines de coopération".

Il cite notamment l'Afrique, "où la Turquie a construit son influence", et l'Asie centrale, majoritairement musulmane, "où elle possède une influence historique et où les deux pays pourraient travailler ensemble", explique-t-il à l'AFP.

Les relations entre les deux pays ont déraillé quand Washington a privé Ankara du programme d'avions F-35 en représailles à l'acquisition par la Turquie du système de défense antimissile russe S-400.

De son côté, la Turquie remâche sa rancœur à l'égard de l'alliance des États-Unis avec des combattants kurdes, qu'elle accuse de terrorisme, face aux jihadistes du groupe État islamique en Syrie.

"Pas la peine"

Dans une analyse pour le groupe de réflexion Brookings Institution, à Washington, Rich Outzen relève que les relations entre les deux pays ont toujours connu des difficultés. Elles se seraient encore détériorées depuis le début de la guerre à Gaza.

À Washington "s'est répandue l'idée que les tensions avec la Turquie ne valent peut-être pas la peine d'être résolues" et qu'il n'y a "pas grand-chose à gagner à répondre aux préoccupations turques (...), Ankara ayant adopté des positions inconciliables avec les intérêts américains et occidentaux".

La réticence du président sortant Biden à s'entretenir avec Erdogan, qu'il a qualifié d'"autocrate" dans le New York Times en 2020, avant son élection, n'a pas aidé.

Le seul rendez-vous prévu avec M. Erdogan à la Maison-Blanche en mai a été ajourné sine die.

L'embellie escomptée quand ce dernier a levé son veto à l'adhésion de la Suède à l'Otan, fin janvier, a fait long feu. Washington a approuvé la vente d'avions de guerre F-16 à Ankara mais les deux capitales étaient déjà divisées sur la situation à Gaza et l'attitude d'Israël.

"Périlleuse"

Officiellement, les responsables turcs n'ont pas de préférence, mais certains analystes suggèrent qu'elle irait à Donald Trump compte tenu de ses relations personnelles avec Erdogan.

Serkan Demirtas, spécialiste de politique étrangère, juge que certains responsables à Ankara penchent pour les démocrates. "Les partisans d'une administration dirigée par Kamala Harris arguent que l'ère Trump (2016-2020) n'a pas laissé de bons souvenirs", explique-t-il à l'AFP en rappelant les "crises profondes et les attaques de Trump contre l'économie turque".

En 2018, le Trésor américain a imposé des sanctions aux ministres turcs de la Justice et de l'Intérieur en raison de la détention d'un pasteur américain, provoquant un effondrement de la livre turque, toujours sensible six ans plus tard.

En outre, une victoire de Donald Trump, soutien d'Israël et proche du Premier ministre Benjamin Netanyahou, "est vue comme périlleuse par Ankara alors que le risque d'un conflit entre Israël et l'Iran ne cesse de croître", ajoute M. Demirtas.

Dimanche dans le quotidien Hürriyet, le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a d'ailleurs jugé que "la stratégie expansionniste de Netanyahou dans la région pourrait s'intensifier en fonction du résultat des élections américaines", faisant apparemment allusion à une victoire de M. Trump.

Avec AFP

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