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Diamand Abou Abboud et Betty Taoutel jouent deux soeurs dans "Arzé". ©Compte Instagram officiel du film "Arzé".

Le Liban célèbre la nomination d'Arzé, un film de Mira Shaib, aux Oscars. Le comité libanais de présélection aux Oscars a choisi ce long-métrage pour représenter le Liban dans la catégorie du meilleur film étranger. 

Le Liban a récemment accueilli avec fierté la nouvelle de la nomination du film libanais Arzé de Mira Shaib aux Oscars, qui auront lieu le 3 mars prochain. Les acteurs du film ont célébré cette nomination sur les réseaux sociaux, la considérant comme une victoire de la vie, du cinéma et de l'art face au chaos que traverse actuellement le pays. Unis par un sentiment de fierté et de résilience en ces temps difficiles, ils ont partagé avec émotion leurs réactions et leur bonheur de voir le cinéma libanais ainsi mis à l'honneur malgré le contexte. Cette nomination apparaît comme un rayon d'espoir et un message fort envoyé depuis le Liban, soulignant la vitalité de sa création artistique en dépit de la crise profonde qui secoue la nation.

"Le rôle de Layla m'avait été proposé en décembre 2019", affirme Betty Taoutel. "J'ai été la première à dire oui et à me joindre au projet dès la lecture du premier brouillon. J'étais très heureuse et flattée de la confiance que m'ont accordée les scénaristes Louay Kraish et Sam Faysal Shaib, ainsi que la réalisatrice Mira Shaib." Quant à son ressenti face à la nomination aux Oscars, elle ajoute: "C'est la plus belle, pour ne pas dire l'unique bonne nouvelle que j'ai reçue récemment. Depuis la mi-septembre, j'ai vu tous mes projets s'effondrer, notamment ma présence prévue au Festival du monde arabe de Montréal pour la projection du film, pour une conférence et surtout pour jouer ma dernière création théâtrale Mono-Pause dans le cadre de cette 25e édition. J'avais également manqué la projection de Arzé à l'IMA, en ouverture du Festival du film libanais à Paris. Depuis des semaines, comme tous les Libanais épuisés, j'éprouvais une immense tristesse... Alors, quand j'ai ouvert les yeux il y a deux jours sur un flot de messages et de "Mabrouks" concernant les Oscars, j'ai enfin affiché un sourire ! Beaucoup de fierté... et une grande joie en ces temps sombres", confie-t-elle.

Dans une scène émotionnellement bouleversante, Betty Taoutel laisse libre cours à ses émotions sous l'œil omniscient de la caméra. Elle confirme que cette scène est très proche de son vécu personnel: "J'avoue que lors du tournage, je traversais une période extrêmement difficile sur le plan personnel, exacerbée par tout ce que nous avions enduré: l'effondrement économique, le vol de nos économies, et l'explosion du 4 août, où j'ai littéralement vu ma maison et mon bureau en ruines... J'avais l'impression, et c'était malheureusement la réalité, qu'on m'avait tout pris... surtout mes rêves."

Une autre scène marquante met en avant l’affrontement de deux sœurs incarnées par Betty Taoutel et Diamand Abou Abboud. Elles se confrontent en tant que femmes déchirées, masquant leurs hontes respectives et libérant leurs émotions dans un moment intense. "Cette scène, comme celle devant la maison en ruines, a été tournée en une seule prise. La charge émotionnelle était telle qu'à la fin, un silence total régnait sur le plateau… La réalisatrice Mira Shaib n'a même pas prononcé le mot "coupez". Nous étions dans un état second. Diamand et moi avions bien évidemment répété le texte en fonction du mouvement de la caméra avant le fameux "action"... mais la douleur et la colère des personnages ne se sont exorcisées qu'au moment même. Nous n'aurions pas été capables de refaire cette scène, je pense."

Pour Katy Younes, qui joue la compagne de Kinan, l'annonce que le film représenterait le Liban aux Oscars est la cerise sur le gâteau – un message puissant pour montrer au monde que, envers et contre tout, l’art continue de prévaloir et de servir de voix authentique à sa communauté. "Je suis incroyablement fière de faire partie de la famille Arzé".

Elle évoque la scène qui lui tient le plus à cœur: "Ce film occupe une place spéciale dans mon cœur, car il reflète véritablement qui nous sommes. Cependant, la scène dans laquelle Yasmine annonce à Kinan son départ du pays résonne profondément en moi et fait écho à ma génération. Elle capte la manière dont ce pays nous a forcés à perdre des êtres chers et des opportunités, à nous endurcir tout en continuant à survivre, car nous sommes responsables des choix qui nous façonnent. Nous avons perdu notre sens de la stabilité et de l'engagement dans un endroit dont partir semble souvent être la seule option. J'aime les fins tristes – j'y trouve de l'espoir et de la magie. Elles révèlent les gens tels qu'ils sont: authentiques et complexes, vulnérables, mais résilients."

Hagop Derghougassian interprète le rôle d’un bijoutier arménien, reflet typique de la mosaïque libanaise. "Le film présente une véritable mosaïque libanaise. Je me suis beaucoup amusé dans mon rôle", dit-il, surtout qu’il connaissait bien l’équipe d’acteurs et d'étudiants. "J'étais perplexe quant au cadrage et je me demandais comment on réussirait le montage, mais le résultat final est superbe. Mira Shaib est talentueuse." Il nourrit l'espoir qu'à l'occasion des Oscars, ce film libanais retienne l'attention des " grands" de ce monde.

Arzé, pour toutes les femmes libanaises, porte le nom du cèdre

Arzé, nom évocateur du cèdre libanais, représente toutes les femmes libanaises. Femme parmi les femmes, symbole de résilience, Arzé incarne la force dans la vulnérabilité. Diamand Abou Abboud interprète ce rôle avec la force de la vulnérabilité, comme une bénédiction ou un sacrilège. Elle se plie aux lois divines, des religions et des hommes, parlant leur langage. Comme toutes les mères et sœurs libanaises, Arzé porte son bouclier et affronte les défis de la vie avec persévérance. Ses mains, résilientes, pétrissent la pâte, saisissent des bijoux, tiennent son fils, enlacent sa sœur. Le temps se suspend dans le film lors des adieux, de l’attente éternelle, face à la maison en ruines, et dans l’étreinte des deux sœurs… Arzé marche. Elle marche au nom de celles qui ont rebroussé chemin, de celles qui ont emprunté le même trajet avant elle et qui ne sont plus. Arzé est la résistance incarnée en une femme, au nom du cèdre.

Interrogée par Ici Beyrouth à Paris, lors du lancement du FFLF à l’IMA, Diamand Abou Abboud avait confié: "En incarnant Arzé, j’ai puisé au plus profond de moi. Chaque Libanais ayant vécu au Liban porte en lui une partie de cette femme. Je la respecte profondément. C’est la première fois, avec les circonstances actuelles au pays, que je me suis sentie aussi triste, incapable de retrouver la force de ce personnage. Je me suis sentie vulnérable et abattue. Mais je devais retrouver sa puissance et regarder vers la lumière et la vie. Arzé incarne toute mère et toute femme libanaise. Tout au long de mon interprétation, j’ai surtout veillé à la protéger."

 

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