Les méthodes de guérilla face à l’armée israélienne
Un drapeau du Hezbollah flotte sur les décombres d'un bâtiment où vivait Cheikh Naïm Kassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah, dans le périmètre de sécurité du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, le 15 août 2006. ©Patrick Baz / AFP

Alors que l’armée israélienne peine toujours, après un an de guerre, à “détruire” le Hamas et s’est lancée dans une offensive terrestre au Liban, la “victoire totale”, annoncée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, semble incertaine.

Pourtant, l’armée israélienne dispose de technologies de pointe ainsi que d’un soutien financier et militaire continu de la part de la première puissance mondiale, les États-Unis. En face, le Hezbollah et le Hamas possèdent des moyens militaires et financiers plus limités et sont sous le feu permanent des bombardements israéliens, mais réussissent dans une certaine mesure à tenir en échec l’armée israélienne, comme en témoigne notamment la soixantaine d’otages toujours retenus à Gaza.

Comme de nombreux groupes armés avant eux, ils appliquent un modèle bien connu: la guérilla.

Une stratégie de harcèlement

Une guerre asymétrique, comme c’est le cas au Liban et à Gaza, oppose une armée étatique bien formée et plus puissante à des groupes de combattants plus faibles et souvent peu équipés. Ces derniers sont fréquemment animés par des idéaux politiques ou religieux, comme dans le cadre d’une guerre d’indépendance ou de résistance à une occupation militaire.

Face à une armée professionnelle supérieure en nombre et en armements, ils appliquent les méthodes de la guérilla, c’est-à-dire la formation de petites unités mobiles qui harcèlent les unités ennemies et recourent à des embuscades, des sabotages et des éliminations ciblées tout en évitant de tenir une ligne de front claire. Cela leur permet de se glisser à travers les lignes ennemies et les rend moins repérables. Ils mettent ainsi leur environnement à profit, qu’il soit urbain comme à Gaza ou rural comme au sud du Liban, près de la frontière.

La connaissance parfaite du terrain est l’un des avantages de la guérilla, qui se base également sur l’appui de la population locale, particulièrement lorsque cette dernière partage une vision commune avec le groupe. Dans un décor urbain, la guérilla peut donc se fondre dans la population et rendre sa détection difficile.

Selon un expert interrogé par Ici Beyrouth, la guérilla urbaine permet d’atténuer les avantages technologiques d’une armée régulière et augmente le risque de victimes civiles. Bien qu’elle soit plus difficile à coordonner, elle paraît plus efficace que la guérilla rurale. En effet, avec les moyens modernes de détection et d’identification, il est plus difficile de se camoufler dans la végétation, même si la présence de montagnes et de forêts denses sur certains terrains facilite la dissimulation.

La technologie, un rempart à la guérilla?

En face, une armée dite régulière, insuffisamment formée au combat contre la guérilla ou, dans le cas du Liban, la milice, rencontrera des difficultés. En effet, elle dispose de capacités de feu plus adaptées à des menaces “traditionnelles” comme des chars et de l’artillerie, qu’à des petits groupes très mobiles, souligne l’expert.

De plus, dans le cas d’un terrain à forte densité urbaine, l’armée risque de multiplier les victimes civiles, ce qui cause de nombreux problèmes tant sur le plan éthique que politique. Le droit international humanitaire issu des conventions de Genève repose sur des principes de distinction entre civils et militaires, et appelle à “veiller constamment à épargner la population civile”. L’article 51 du protocole interdit de mener des attaques sans discrimination, notamment les attaques qui peuvent causer “incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu”. Ainsi, les bombardements israéliens massifs et incessants à Gaza et au Liban, s’ils limitent le risque de pertes dans l’armée israélienne, ne respectent aucun des cinq principes du droit international humanitaire.

Sur le plan technologique, l’emploi massif de drones ainsi que de techniques d’espionnage et de cyberespionnage augmente drastiquement l’efficacité des armées face à la guérilla, comme en témoigne, par exemple, l’explosion des bipeurs au Liban. De même, la modernisation constante des systèmes de défense, comme le Dôme de fer israélien, et des capacités offensives peut démoraliser les combattants de la guérilla.

En revanche, le côté insaisissable des petites unités de la guérilla peut affecter le moral des troupes. À ce titre, de nombreux soldats israéliens ont évoqué l’impression de "combattre des fantômes" lors de leurs affrontements anciens ou récents face avec le Hamas et le Hezbollah. Cette sensation est renforcée par l’utilisation extensive de tunnels par ces groupes, qui les protègent des drones et leur permettent de mener des opérations furtives et rapides, avant de disparaître dans les réseaux souterrains.

En dépit des grands moyens technologiques et des bombes pouvant frapper en profondeur, il est très difficile de lutter contre un tel réseau sans une intervention au sol. À titre d’exemple, les forces américaines au Vietnam n’ont jamais réussi à neutraliser les tunnels de Củ Chi du FNL.

Des stratégies de "contre-insurrection"

Face à la guérilla, des stratégies de "contre-insurrection" (COIN) ont été développées par les armées régulières. Elles sont fondées, explique l’expert, sur une surveillance et des actions de renseignement permanentes afin de conduire des opérations ciblées permettant de démanteler les réseaux de guérilla et leurs soutiens.

Des unités spéciales ont également été créées pour adopter les tactiques et le mode de vie des guérilleros, dans le but d'inciter leurs adversaires à commettre des erreurs. Ce fut notamment l'une des stratégies mises en œuvre par l'armée française pendant la guerre d'Algérie avec les commandos de chasse.

Parallèlement, l’armée peut tenter de gagner le soutien des populations locales afin de les détourner de la guérilla. Cette stratégie a été mise en œuvre à plusieurs reprises par l’armée française, que ce soit en Algérie ou en Afghanistan. L’idée est de fournir une aide aux habitants et de répondre à leurs besoins, comme la création de puits ou l'envoi de médecins.

Bien que ces stratégies de "contre-insurrection" aient démontré leur efficacité, notamment en Colombie dans la lutte contre les FARC, elles sont également controversées, en particulier en raison de l'utilisation de la torture, comme cela a été le cas avec l'armée française en Algérie ou plus récemment avec l'armée américaine à la prison d'Abou Ghraib en Irak entre 2003 et 2004.

Après un an de guerre et le début de l’offensive terrestre israélienne au Liban, l’issue reste incertaine. Si, à court terme, les bombardements et les déplacements forcés de populations ont permis aux Israéliens de prendre le contrôle de la bande de Gaza, le Hamas continue d’évoluer dans les souterrains, et le ressentiment croissant ainsi que le désespoir de la population civile peut lui permettre de recruter de nouveaux membres. Au Liban, une offensive terrestre prolongée, même si elle utilise les mêmes méthodes que celles appliquées à Gaza, pourrait s'avérer extrêmement coûteuse pour les Israéliens. Avec l'implication de nombreux acteurs internationaux, le conflit risque de s'étendre dans le temps sans qu'aucun véritable vainqueur ne se dégage, toujours au détriment des populations civiles.

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