Comment l'engagement du Hezbollah en Syrie a ouvert la porte au renseignement israélien
Combinaison de photos montrant Hassan Nasrallah (à gauche), chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, et le président syrien, Bachar al-Assad ©PHOTO AFP/HO/SANA

L'assassinat de hauts responsables du Hezbollah et l'attaque spectaculaire aux bipeurs illustrent les failles sécuritaires au sein de la formation pro-irannienne, que les services de renseignement israéliens ont réussi à exploiter. Mais comment le Mossad a-t-il réussi à rassembler autant d’informations précises sur les mouvements et les opérations logistiques du Hezb? Qu’est-ce qui a changé entre 2006 et 2024? Un événement crucial: l’engagement du Hezbollah dans la guerre en Syrie.

Après des décennies d’hostilités militaires, sans issue décisive, Israël semble avoir pris l'avantage sur le Hezbollah depuis le 1er septembre. L’assassinat des principales figures du commandement de la milice pro-iranienne, dont le plus retentissant a été celui de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, témoigne d'un changement significatif dans la stratégie israélienne et dans l'équilibre des forces. Ces opérations ciblées ont été rendues possibles grâce à une amélioration notable des capacités du renseignement israélien.

Lors de la guerre de 2006, Israël avait tenté à plusieurs reprises d'éliminer Hassan Nasrallah sans succès. Cependant, le vendredi 27 septembre, au soir, l'armée israélienne a réussi à localiser le chef du Hezbollah dans un bunker situé sous un complexe d'appartements dans la banlieue sud de Beyrouth.

Selon les médias israéliens, quelque 80 bombes ont été larguées sur le site pour s’assurer qu’il n’en sortirait pas vivant.

“Nous atteindrons tout le monde, partout”, avait déclaré avec assurance le pilote de l'avion de chasse F-15 impliqué dans l'opération, dont les propos ont été repris par les médias israéliens.

Le bourbier syrien

La participation du Hezbollah au conflit syrien aux côtés du régime de Bachar al-Assad a été un facteur clé dans la collecte de renseignements par Israël.

En s'engageant en Syrie, le Hezbollah a dû étendre ses opérations, ce qui a élargi sa structure organisationnelle et a potentiellement conduit à des failles dans sa sécurité interne. Les services de renseignement israéliens ont profité de cette expansion transfrontalière pour infiltrer le groupe et recueillir des informations précieuses.

Des responsables israéliens ont récemment révélé que la guerre en Syrie a généré une quantité massive de données accessibles au public. Les “portraits de martyrs” affichés par le Hezbollah pour honorer ses hommes tombés au combat auraient fourni des détails sur les origines des combattants, le lieu de leur mort et leurs cercles d’interactions sur les réseaux sociaux.

De plus, les funérailles des membres du Hezbollah attirent généralement de hauts responsables, offrant ainsi aux services de renseignement des occasions d'observation inédites.

Un ancien haut responsable libanais, cité par le Financial Times, a déclaré que le prix du soutien du Hezbollah à Assad a été une vulnérabilité accrue face aux services de renseignement étrangers. “Ils (le Hezbollah) ont dû se dévoiler en Syrie”, a-t-il affirmé, soulignant que le groupe a dû coopérer avec les services de renseignement syriens et russes, souvent infiltrés ou surveillés par des agences occidentales.

La technologie au service du renseignement

Israël a parallèlement bénéficié de sa supériorité technologique croissante. Avec des satellites espions, des drones sophistiqués et des capacités de cyberespionnage avancées, les services israéliens ont pu surveiller et analyser les mouvements du Hezbollah avec une précision sans précédent.

L'Unité 8200, spécialisée dans le renseignement électronique et numérique, a joué un rôle crucial en interceptant des communications et en infiltrant divers dispositifs de communication.

Les algorithmes développés par l'Unité 9900 ont, de leur côté, permis de traiter des téraoctets d'images et de données pour détecter les moindres changements, tels que l'apparition d'une nouvelle structure ou des modifications dans les routines des membres du Hezbollah. En surveillant les schémas de déplacement et les communications des combattants du Hezbollah, Israël a pu identifier et cibler efficacement les hauts responsables du groupe.

L'attaque aux bipeurs est un exemple frappant de cette sophistication technologique. En piégeant des milliers de bipeurs utilisés par les membres du Hezbollah, Israël a réussi à infliger des blessures massives et des handicaps à vie aux combattants de la formation pro-iranienne, et à semer la confusion en son sein.

Un avenir incertain

L'élimination de ses principaux dirigeants place le Hezbollah dans une position précaire. Bien que le groupe conserve une capacité militaire significative, la perte de figures centrales, face à l’importance dévoilée des capacités du renseignement israélien, affecterait son efficacité opérationnelle et le moral de ses combattants.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a clairement fait savoir que les opérations contre le Hezbollah se poursuivraient. “Nous avons endommagé et affaibli le Hezbollah, mais il reste une menace sérieuse”, a-t-il déclaré.

Pour la formation pro-iranienne décapitée, le défi sera de se réorganiser et de recomposer son directoire, tout en faisant face à une pression internationale croissante pour le désarmer et aux opérations terrestres de l’armée israélienne au Liban-Sud.

Son implication dans le conflit militaire syrien, qui visait initialement à renforcer sa position régionale, a paradoxalement exposé le groupe à des vulnérabilités qui lui ont été fatales.

Après des décennies de confrontations sans issue décisive, Israël semble avoir pris l'avantage sur le Hezbollah.
Commentaires
  • Aucun commentaire