Opérations militaires israéliennes: l'Etat hébreu aurait-il avancé dans l'atteinte de ses objectifs de guerre?
Des chars de l'armée israélienne déployés en Haute Galilée le 29 septembre 2024. ©Menahem Kahana / AFP

Sur le territoire libanais, les opérations militaires israéliennes se diversifient, sans qu’il soit possible de déterminer s’il y a eu une véritable percée stratégique pour l’État hébreu, malgré les annonces du chef du commandement du Nord de l’armée israélienne, Ori Gordin.

Lundi, ce dernier avait affirmé que les habitants du nord d’Israël pourraient commencer à rentrer chez eux d’ici à “quelques semaines”. Sont concernés par cette déclaration les quelque 68.000 personnes ayant fui leurs maisons en raison de l’intensification des affrontements entre le Hezbollah et l’État hébreu. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, leur avait promis un retour chez eux en toute sécurité, dans le cadre de ses objectifs de guerre.

Par ailleurs, quatre “zones militaires fermées” dans le nord-ouest du pays (celles de Rosh Hanikra, Shlomi, Hanita et Arab el-Aramche) ont été établies, comme signalé, lundi soir, par les forces israéliennes. Ces zones viennent s’ajouter à trois autres (Metoula, Misgav Am et Kfar Giladi), dont l’accès a été bloqué le 30 septembre dernier.

Bien que surprenante, l’annonce faite par le général Gordin semble indiquer qu’Israël anticipe une réduction significative de la menace immédiate que représente, selon lui, le Hezbollah. Une prévision optimiste qui s’expliquerait, selon un expert militaire interrogé par Ici Beyrouth (IB), par ce qui suit: d’abord, cela pourrait refléter une “avancée rapide et décisive de l’armée israélienne dans les opérations au sol, notamment dans la destruction des infrastructures de lancement de missiles et des tunnels souterrains du Hezbollah”, signale-t-il.

La neutralisation de ces capacités offensives permettrait, pour les Israéliens, de restaurer une certaine sécurité dans les zones frontalières. De plus, “Israël mise peut-être sur une désescalade régionale ou sur des pressions diplomatiques qui pourraient contraindre le Hezbollah à suspendre ses attaques”, poursuit-il.

C’est dans ce sens qu’on peut comprendre le déploiement de la 146e division de l’armée israélienne (une division de réservistes de l'infanterie israélienne), chargée de mener des opérations “limitées, localisées et ciblées”, en renfort des divisions 36 et 91.

Cela signifierait-il que les Israéliens ont réussi à éliminer une bonne partie de la menace que constitue, pour eux, la formation pro-iranienne à leur frontière nord? “Rien de moins sûr”, assure-t-on de source militaire bien informée. “Comment peut-il prédire une chose pareille alors que les Israéliens peinent à avancer sur le territoire libanais dans le cadre de leur opération terrestre?”, s’interroge-t-on.

Il convient de rappeler, à cet égard, le communiqué de l’armée libanaise, datant du 3 octobre dernier, selon lequel des patrouilles de l’armée israélienne, entrées en territoire libanais sur une distance d’environ 400 mètres, avaient été repoussées peu de temps après.

Cette incursion avait été menée aux niveaux de Kherbet Yaroun, près Maroun el-Rass, et de Adaïssé. “C’est la distance maximale qu’ils aient pu franchir depuis le début de l’offensive terrestre menée notamment au moyen d’opérations de reconnaissance”, explique-t-on de même source.

De quoi s’agit-il? En termes de guerre, la reconnaissance signifie le fait d’explorer le terrain “ennemi” pour établir un rapport et tenter de découvrir où sont positionnées les forces armées adverses. Or, pour ce faire, il existe deux méthodes, selon la source susmentionnée: la reconnaissance par le feu et la reconnaissance par la force. La première est une méthode selon laquelle “on effectue des tirs sur une position ennemie pour amener l’adversaire à révéler sa présence par un mouvement ou par un tir de riposte”. La seconde consiste à envoyer des troupes d’infanterie pour tâter le terrain et faire état, à la suite d’affrontements physiques, des positions ennemies. “C’est à cette dernière qu’a recours actuellement l’armée israélienne, contrairement à ce qu’avancent certains observateurs”, précise-t-on, avant d’ajouter: “Les rapports militaires le confirment d’ailleurs”.

L’opération militaire terrestre d’Israël au Liban, telle que menée aujourd’hui, est une extension des tentatives israéliennes de garantir la sécurité des habitants des régions proches de la frontière nord avec le Liban.

Ces opérations, souvent appuyées par des bombardements aériens, ont donc deux objectifs principaux: affaiblir la structure militaire du Hezbollah, en détruisant ses infrastructures souterraines et les sites de lancement de missiles, et rétablir une zone tampon pour en finir avec les attaques contre le territoire israélien.

Sur terre comme en mer

Parallèlement aux opérations terrestres, Israël semble avoir adopté une nouvelle stratégie maritime pour cibler le Hezbollah.

Lundi, en début de soirée, un avertissement “urgent” a été lancé par l’armée israélienne, adressé à toutes les personnes présentes sur le littoral libanais, depuis le sud du fleuve Awali jusqu’au nord de Saïda.  Cet avertissement les mettait en garde contre des frappes menées à partir de navires israéliens, dans les eaux libanaises, contre des cibles du Hezbollah.

L’idée de frapper depuis la mer s’inscrirait ainsi dans une volonté d’ouvrir plusieurs fronts contre la milice libanaise tout en limitant les pertes du côté israélien. “Utiliser la marine pour frapper des cibles du Hezbollah serait donc avantageux dans le cadre d’une guerre asymétrique; d’une part, pour infliger des dommages à leurs infrastructures militaires et leurs caches d’armes et, d’autre part, pour couper l’accès du Hezbollah à des voies d’approvisionnement maritimes”, note l’expert militaire susmentionné.

“Peu envisageable et complexe à mettre en œuvre, un blocus complet empêcherait toutes les importations et exportations maritimes libanaises, ce qui pourrait avoir des répercussions humanitaires importantes et une montée des tensions diplomatiques sur le plan international”, signale l’expert militaire.

De son côté, le responsable militaire dont il est question plus haut s’interroge: “Pensez-vous que les Israéliens auraient réellement besoin de mener des attaques par voie maritime, alors qu’ils ont fait preuve, au fil des mois, d’un potentiel militaire aérien et technologique considérable?”

Potentiel dont témoignent les récentes attaques contre des dirigeants et hauts cadres du Hezbollah, dont son secrétaire général, Hassan Nasrallah, tué le 27 septembre dernier par une attaque aux missiles anti-bunkers contre le quartier général de la formation; mais aussi, plus récemment, le chef d’une de ses principales unités de logistique, Souheil Hussein Husseini, tué dans une frappe ciblée à Beyrouth, comme l’a annoncé mardi matin le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee.  

Toujours selon cette source, aborder la question des attaques maritimes s’inscrit dans le cadre d’une “guerre psychologique”, menée par Israël pour mettre la pression sur ses opposants et sur l’opinion publique libanaise qui craint qu’un blocus maritime ne soit imposé sur tout le territoire libanais, “mais aussi sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) qui déploie ses navires dans les eaux libanaises”, insiste-t-on.

Le responsable militaire considère que “les Israéliens tenteraient, comme ils le font au niveau de la Ligne bleue, de forcer la Finul à se replier pour pouvoir mener à bien leurs opérations”.

On rappelle que des obus et des missiles israéliens sont tombés près de patrouilles de la Finul, depuis le début des affrontements à la frontière libano-israélienne. On rappelle aussi que le 26 avril 2023, “la signature électronique du radar de conduite de tir verrouillé d’un avion F-16 (israélien, ndlr) avait été détectée par un navire du Groupe d’intervention navale de la Finul”, pour reprendre les termes de la résolution 2695 du Conseil de sécurité des Nations unies, datant 31 août 2023, ce qui avait préoccupé l’organisme en question. Il avait alors appelé “toutes les parties à honorer l’obligation qu’elles ont de respecter la sécurité du personnel de la Finul et de l’ensemble du personnel des Nations unies”.

Si une nouvelle stratégie israélienne maritime est associée aujourd’hui à l’opération terrestre dans une tentative d’affaiblir le Hezbollah sur plusieurs fronts, il n’en demeure pas moins que le scénario d’une guerre généralisée reste, du moins pour le moment, peu envisageable, en dépit de la volatilité du contexte libanais et régional et de l’imprévisibilité des dynamiques belliqueuses.

 

 

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