«Zombis»:  du vaudou haïtien à la distorsion hollywoodienne
Exposition «Zombis: La mort n'est-elle pas une fin?», Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, du 8 octobre 2024 au 16 février 2025 ©www.cometoparis.com

L'exposition Zombis. La mort n'est-elle pas une fin? au Quai Branly explore les origines haïtiennes du zombi, révélant ses liens avec le vaudou et l'esclavage, loin des représentations hollywoodiennes. Une plongée dans l'histoire et les croyances d'Haïti.

Oubliez The Walking Dead, Thriller et La Nuit des morts-vivants. Les zombis dévoilent leur vrai visage au Quai Branly dans une exposition qui explore leurs racines haïtiennes et leurs liens avec l'esclavage, bien loin de l'imagerie hollywoodienne.

Reconstituant un lieu de culte et un cimetière, mêlant iconographie moderne, photos et objets, Zombis. La mort n'est pas une fin? montre comment cette figure centrale de la religion vaudou en Haïti a été transformée en Occident en une créature revenue d'entre les morts, dont la morsure est synonyme de trépas.

«Nous avons une véritable fascination pour le zombi en Occident car nous avons peur de la mort, et surtout d'une mort contagieuse, mais cela ne correspond à aucune réalité ethnographique», explique Philippe Charlier, commissaire de l'exposition, médecin légiste, archéologue et anthropologue.

En Haïti, premier pays noir à s'affranchir de la colonisation en 1804, le zombi n'est pas un propagateur de mort. Encore aujourd'hui, il désigne une personne coupable d'un crime qui subit, après sa condamnation par une société secrète liée au vaudou, un châtiment «pire que la mort», selon M. Charlier. 

Conscient mais paralysé par un poison neurotoxique, le coupable est enterré vivant dans un cercueil. Il en est ensuite extrait quelques heures plus tard par un prêtre vaudou, qui peut le maintenir sous son emprise pendant plusieurs années, grâce à des drogues et une sujétion mentale.

Cet asservissement fait écho au sort des Africains envoyés de force vers l'Amérique pendant la traite négrière. «L'esclavage, c'est de la zombification», souligne Erol Josué, commissaire associé de l'exposition et directeur du Bureau national d'ethnologie à Port-au-Prince.

Instrument de la dictature

Avec ce châtiment, prononcé au terme de sept jugements successifs, «on te fait ressentir ce qu'était l'esclavage, ce que nos ancêtres ont enduré, comment des milliers d'hommes et de femmes ont été déshumanisés», explique-t-il à l'AFP.

L'exposition, ouverte jusqu'au 16 février, montre à quel point le zombi reste une figure centrale dans la société haïtienne, où il peut également désigner des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Philippe Charlier, qui a mené plusieurs missions en Haïti, estime leur nombre à «plusieurs dizaines de milliers». Le destin de quelques-uns d'entre eux est raconté au Quai Branly.

Déclaré mort en 1962, Clairvius Narcisse, dont la photo en noir et blanc orne un mur de l'exposition, est réapparu dix-huit ans plus tard auprès de sa sœur, à qui il a avoué avoir été «zombifié» pour avoir vendu un terrain qui ne lui appartenait pas.

Le dictateur François Duvalier («Papa Doc») et son fils Jean-Claude («Bébé Doc»), qui ont régné sur l’île entre 1957 et 1986, ont entretenu la terreur en laissant croire que leurs miliciens, les redoutés Tontons Macoutes, comptaient parmi eux des zombis dotés de «pouvoirs surnaturels», comme le souligne l’exposition.

Migration vers Hollywood

C’est durant l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934) que le zombi, dont le nom renvoie en Afrique au «fantôme de l’enfant mort», commence à entrer dans l’imaginaire hollywoodien. Le film White Zombie de Victor Halperin, sorti en 1932, ouvre la voie à une série de films qui transforment cette figure en créature horrifique.

Le zombi hollywoodien devient ainsi une sorte de «vampire tropical», selon Philippe Charlier. En 1968, La Nuit des morts-vivants de George Romero mélange le mythe du zombi avec la réalité de la ségrégation raciale aux États-Unis, en confiant le rôle principal à l’acteur afro-américain Duane Jones (et non Sidney Poitier), qui doit affronter à la fois les zombies et le racisme.

Des affiches exposées au Quai Branly témoignent du penchant kitsch de nombreux films, tout en montrant que le mythe du zombi a prospéré jusqu’en Russie et en Corée du Sud, en jouant sur les «peurs universelles», selon M. Charlier.

Pour Erol Josué, la relecture hollywoodienne de la zombification a contribué à «stigmatiser Haïti» en occultant ses dimensions religieuses et sociales. «C’est révoltant, et c’est pour cela que nous voulons, à travers cette exposition, redonner à Haïti, à cette culture, le respect qu’elle mérite.»

Avec AFP

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