La telenovela malienne se poursuit: la junte au pouvoir aurait déjoué un coup d'État soutenu par un "État occidental". Ce "dessein malsain" a fait des vagues dans un pays déjà troublé par les attaques djihadistes, d'autant qu'un proche de la junte dirigeante a été cité parmi les comploteurs. D'aucuns pensent que le pays occidental cité est la France, dont la junte s'est détournée avec fracas pour se rapprocher de la Russie.
Les Maliens pris de court
S'il a eu lieu, ce ténébreux coup de main est passé totalement inaperçu jusqu'au journal de 20H00 (locales et GMT), ce rendez-vous des communications fracassantes qui faisaient dire au spécialiste du Sahel Yvan Guichaoua sur Twitter que "la mise en récit du régime malien est une vraie telenovela", série télé à rebondissements.
Devenu un visage et un uniforme familiers des téléspectateurs, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, n'a fourni aucun détail sur le déroulé des évènements ni sur les protagonistes, se contentant d'annoncer des interpellations.
Le colonel Assimi Goïta - à ne pas confondre avec le colonel Amadou Keïta qui a été arrêté en tant que putschiste - qui dirige la junte militaire au Mali. (AFP)
Quel "État occidental" ?
Il n'a pas spécifié quel était "l'État occidental" qui aurait concouru à ce "dessein malsain", et dans lequel une majorité de Maliens voyait la France. Mardi, les autorités n'avaient produit aucun élément donnant corps aux informations de la veille. Les organisations soutenant la junte ont néanmoins condamné les agissements rapportés et appelé au ralliement derrière les autorités.
Mais les spéculations allaient bon train sur la réalité de ce putsch avorté, dernier en date des coups de force ou tentatives depuis moins de deux ans et sur l'analyse qu'il fallait en faire pour ce pays au cœur de la crise sahélienne. D'autant que la mystérieuse tentative de putsch intervient en pleine confrontation d'intérêts entre Français et Occidentaux d'une part, Russes de l'autre.
"Le colonel (Amadou) Keïta est parmi les putschistes arrêtés", a déclaré mardi un responsable du ministère de la Défense sous le couvert de l'anonymat en raison de la sensibilité de cette affaire. Le colonel Keïta, bien que présumé avoir fait partie des putschistes de la première heure en 2020, n'est pas un visage connu parmi les officiers qui ont pris le pouvoir il y a bientôt deux ans.
D'un coup d'État à un autre
Il fait partie des quelque 120 membres du Conseil national de la transition (CNT), qui fait office de parlement. Il est réputé proche du président du CNT, le colonel Malick Diaw, qui passe pour le numéro 2 ou 3 de la junte. Son nom apparaît avec six autres sur une liste qui a commencé à tourner comme étant celles des personnes arrêtées en lien avec l'affaire. Mais l'une d'elles a en fait été interpellée une semaine avant le 11 mai, a dit son mouvement.
Pour ajouter à la confusion, malgré l'absence de lien apparent avec le 11 mai, le général Moussa Bemba Keita, dernier ministre de la Sécurité du président renversé en 2020 par les militaires, a été écroué avec d'autres officiers soupçonnés de malversations financières, a révélé mardi un magistrat sous couvert d'anonymat.
Ce sont les dernières personnes en date envoyées derrière les barreaux au nom du combat proclamé contre la corruption. Une grande discrétion caractérise par ailleurs l'exercice des responsabilités par une junte qui tient toutes les commandes du pouvoir sans quasiment aucune opposition.
La justice avait révélé a posteriori en novembre 2021 l'existence de ce qu'elle avait présenté comme une tentative de coup d'État menée par six hommes les semaines précédentes. Parmi les conspirateurs présumés figurait le colonel-major Kassoum Goïta, qui faisait partie des officiers putschistes d'août 2020, encore au pouvoir aujourd'hui.
Le colonel Goïta, investi président quelques semaines avant, était quant à lui sorti indemne en juillet 2021 d'une attaque au couteau. Son agresseur était décédé quelques jours après dans des conditions obscures.
Avec AFP
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