Tout commence par une question essentielle entre toutes: à quelles conditions un président à Baabda serait-il utile économiquement? Puis quel genre de président? Et s’il était préférable de garder le vide dans certains cas?
La fièvre bubonique se poursuit autour de l’élection présidentielle, deux ans après le vacuum. Cela a commencé avec la proposition aberrante de Nabih Berry: sept jours de dialogue, suivis d’une série ininterrompue de sessions électorales.
Aberrante et bizarre, car d’abord qu’est-ce qu’on va bien pouvoir pérorer pendant sept jours? Surtout que l’initiateur a montré, lors des séances parlementaires, une capacité d’écoute et de concentration de 15 minutes max pour tout sujet, avant d’admonester les récalcitrant.e.s de la boucler, suite à quoi le marteau tombe, «Approuvé», sans que personne ne sache qui a approuvé quoi. Ce qui, entre nous, n’est pas bien grave puisque le texte qui vient d’être voté a toutes les chances de ne pas être appliqué.
Depuis, des propositions d’autres groupes parlementaires tentent de trouver des variantes soft à la proposition initiale: deux jours de dialogue puis session ouverte; trois heures de dialogue suivies d’une récréation avec collation et Bonjus, puis sessions assidues, etc.
Mais on a rarement entendu des conditions et des «programmes économiques» liés à cette élection: quel profil est le plus utile économiquement, puisque notre crise est économique, sinon par la cause, du moins par les manifestations? On va broder donc autour de ce labyrinthe dans une série de scénarios:
1er scénario: un président proche du Hezb. Il y en a plein à l’origine, plus ceux qui, tout excités par la perspective, pourraient s’y ajouter en promettant, non seulement de «ne pas poignarder le Hezb dans le dos», mais de le caresser dans le sens du poil pendant six ans d’affilée.
Économiquement, on aura les résultats suivants: une plus grande mainmise de la moumanaa sur l’administration, accompagnée d’un braquage continu; un relâchement du contrôle sur l’économie informelle cannibalisée par les mêmes; une frilosité accrue des investisseurs; un œil plus scrutateur des organismes financiers internationaux; des relations encore plus détestables avec les pays du Golfe… Le nirvana quoi.
2e scénario: un président plutôt proche de l’opposition. On pourra espérer regagner alors la confiance des Arabes et de la communauté internationale. La masse des expatriés devrait se montrer plus engagée pour apporter son argent et son savoir-faire à ce qu’elle pourrait considérer comme un espoir de renouveau. Le ciel devient plus clair.
3e scénario: un président économique. Même si les prérogatives présidentielles sont limitées, un tel président pourra, lui au moins pour changer, comprendre ce que ses conseillers lui expliquent. Il aura une idée étendue des causes, effets et solutions de la crise. Et il pourra faire la différence, à condition qu’un groupe de députés se rallient à lui, pour faire le poids dans l’adoption des lois nécessaires. Il sera en tout cas un interlocuteur crédible pour la communauté internationale.
4e scénario: un président incolore, inodore, juste un pouls qui bat normalement, fruit d’un compromis à l’arraché. On aura alors toutes les chances de perpétuer le brassage de vent et la médiocrité actuels, mais en pire. Car un leader médiocre ne supporte pas avoir dans son équipe des éléments plus brillants que lui, ou un Premier ministre qui lui fasse de l’ombre. On risque alors d’avoir une équipe d’incompétents pour que tout le monde soit au même ground zero. En somme la médiocratie au pouvoir, dont on a l’habitude, depuis le temps…
5e scénario: la prolongation du vide. Par extension de la tendance actuelle, il y a des chances qu’on ait les ingrédients suivants: une adaptation supplémentaire forcée du monde des affaires et des individus; une émigration continue, mais modérée; une économie qui fonctionne en dehors de toute logique, mais qui fonctionne quand même tant bien que mal; un secteur bancaire un peu plus actif; un traitement très partiel des anciens dépôts. Ce n’est pas l’euphorie, plutôt une forme de survie un peu chaotique.
Par ordre de préférence économique, on pourrait placer ce dernier scénario après le 2e et le 3e scénario, mais avant le 1er et le 4e. Ceci est juste pour répondre à ceux qui affirment que tout est mieux que le vide. Il suffit de rappeler que ce même argument a été utilisé lors de l’élection unanime de Michel Aoun. Et on a bien vu ce que ce non-vide a entraîné comme infortunes.
Reste à mentionner un avantage caché du vide (à défaut d’un bon président): actuellement, les acteurs économiques nourrissent l’espoir d’un avenir meilleur qui viendrait un jour remplacer le vide. Avec un Tartempion au pouvoir, c’est cet espoir qui sera mis en veilleuse pendant six longues années.
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
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