Georges Naccache avait raison. Deux négations ne font pas une nation. La preuve! Et plusieurs négations ne l’auraient pas fait non plus. Pour être nation, il fallait au Liban plusieurs affirmations, et d’abord, une affirmation chrétienne authentique.
Une journée d’écoute et de discernement vient d’être organisée par l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL) pour une action plus participative au sein de l’assemblée.
Le besoin d’une coordination entre les différentes commissions de cet organisme, aussi bien qu’entre l’APECL et les différents synodes de chaque Église, a été ressenti. Fort heureusement, les Églises catholiques au Liban se réveillent au besoin de travailler ensemble à être le «bon levain» dans la pâte.
Cette prise de conscience se manifeste à l’heure où le patriarche maronite lui-même exprime une vive inquiétude pour «l’effondrement moral» de la communauté maronite, au sein de laquelle les demandes d’annulation de mariage explosent. La famille est en danger. Le patriarche y voit une facette d’un effondrement moral plus vaste. «Les maronites sont-ils chrétiens?», s’interroge, excédé par leur conduite publique, un évêque en contact avec la réalité politique. Sommes-nous capables de pardonner? De nous parler? De nous oublier pour servir l’intérêt général?
Le «divorce» mental que vivent aujourd’hui certains groupes politiques devrait alerter sur les conséquences d’actes qui seraient irréparables. Bien sûr, il n’est pas question de renvoyer les protagonistes de la crise dos à dos, ni leur attribuer une égale responsabilité dans ce qui nous accable. Le Hezbollah, notamment, doit bien mesurer non seulement ce que ses armes lui assurent, mais ce dont ses armes le privent. Que chacun calcule bien les conséquences de son action, que nous n’en venions pas à mettre en danger notre volonté de vivre en commun et, avec elle, le Liban tout entier.
En grand spécialiste de l’argumentation, Paul Ricœur parle dans son ouvrage Philosophie, éthique et politique (Seuil) de la volonté de vivre en commun et du compromis en des termes qui doivent nous parler à nous autres. «Aucun système constitutionnel ne se prolonge sans être soutenu par une volonté de vivre ensemble qui est en acte de chaque jour, même si on l’oublie. Lorsque ce vouloir s’effondre, toute l’organisation politique se défait, très vite (…). Jamais la Cité n’existe par la seule inertie de son système institutionnel (…). La continuité et la rénovation de ce vouloir font l’objet de notre responsabilité», dit-il dans son ouvrage.
«Le compromis, poursuit Ricœur, loin d’être une idée faible, est une idée au contraire extrêmement forte (…). Nous n’atteignons le bien commun que par le compromis entre des références fortes, mais rivales.» Il ajoute que «le compromis est une barrière entre l’accord et la violence. (…) Nous pourrions même dire que le compromis est notre seule réplique à la violence, en l’absence d’un ordre reconnu par tous, et en quelque sorte unique dans ses références.»
Certains se plaisent à envisager, pour le Liban aussi, une «solution à deux États». Le fédéralisme est le dernier fantasme des chrétiens du Liban qui ne veulent plus être à la merci du Hezbollah. Tout bien réfléchi, et compte tenu de la présence au Liban d’un embryon de Syrie, il faut bien le comprendre: les Libanais doivent rester unis, ou ils ne seront pas.
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