À travers le témoignage bouleversant de Nayla, une survivante de la violence conjugale, nous explorons les sombres réalités de ces abus. Cet article propose un décryptage des mécanismes psychologiques complexes qui se cachent derrière ces actes de violence, offrant un éclairage sur les raisons pour lesquelles ces femmes se retrouvent souvent prises au piège dans des relations toxiques.
«Je m’appelle Nayla, j’ai 37 ans. À 17 ans, j’ai rencontré celui qui deviendrait mon bourreau. Ce qui a commencé comme un coup de foudre s’est rapidement transformé en un enfer de jalousie et de violence. Un soir, marqué par la brutalité, il a déversé une bouteille de vin sur ma tête parce qu’un ami m’avait parlé à une soirée. Puis, il m’a enfermée sur la terrasse dans le froid glacial. Lorsque je suis enfin rentrée, en suppliant, il a répondu à mes cris par une cigarette écrasée sur mon palais et des coups portés à ma bouche, me laissant cracher du sang. Pendant trois ans, j’étais prisonnière de sa colère et de sa cruauté. Il rentrait ivre, me forçant à avoir des rapports sexuels avec lui, surveillait mes moindres faits et gestes, même allant jusqu’à enregistrer mes conversations. Quand je suis tombée enceinte, il m’a frappée au ventre, niant être le père. J’ai perdu l’enfant. La peur était si profonde que, plus d’une fois, je me suis enfuie dans la nuit, seulement pour être traînée de force par les cheveux. Je passais mon temps dans les urgences des hôpitaux prétextant toujours que je m’étais cognée. Cela a duré des années. Je ne racontais rien de ce que j’endurais à ma famille et encore moins à mes amies. D’ailleurs, je m’étais isolée progressivement. Je passais mon temps à camoufler mes bleus pour aller travailler. Je me suis séparée de lui et j’ai demandé le divorce, mais j’ai rechuté dans cette spirale de violence, en revenant chez lui. Ce n’est qu’à 27 ans que j’ai trouvé la force de le quitter, après des coups de trop qui ont failli me tuer. Je suis en thérapie. J’espère pouvoir me libérer de lui définitivement. Mon histoire est celle de la survie, un rappel brutal de la réalité terrifiante de la violence conjugale.»
L’histoire que nous communique Nayla n’est malheureusement pas une rare situation conjugale. Nombreuses sont, en effet, les femmes qui subissent les mêmes tourments.
La violence qu’elle endure n’est pas seulement physique. Elle s’accompagne très souvent, comme elle nous le laisse entendre, de violences verbales, psychologiques, sexuelles ou peut-être même financières. Nayla a pu heureusement prendre la décision de rompre ce funeste enchaînement, sinon elle aurait pu connaître le sort d’autres victimes acculées au suicide.
Elle ne nous parle pas des conséquences de ces violences sur l’ensemble de sa personne. Leur objectif dissimulé est d’abord de briser son élan vital, d’anéantir toute velléité de révolte. Leurs effets sont graves et nombreux: des lésions corporelles que l’on cherche à dissimuler, des symptômes psychologiques qui apparaissent comme la dépression, la perte de la confiance en soi, des crises d’angoisse, des troubles du sommeil et de l’alimentation, le recours à des substances addictives, des troubles psychosomatiques et même une altération des capacités intellectuelles et mentales. Les signes de traumatisme psychologique apparaissent ainsi fréquemment. Des symptômes d’ordre gynécologique peuvent également s’accompagner de troubles obstétricaux comme nous le signale Nayla avec la perte de son enfant. Lorsque les violences deviennent cycliques, ces pathologies s’installent dans une chronicité et leur soulagement médical ou psychique s’avère plus difficile.
Nayla nous dit qu’elle a eu le coup de foudre pour son futur mari. C’est une expression qui apparait très séduisante pour une grande majorité de personnes. Mais sa logique relève du mystère: le coup de foudre échappe à toute explication, il est irrationnel tout comme l’est tout amour. Ce «coup» provient de la perception inconsciente d’un élément décelé chez l’autre qui renvoie le sujet à une vie archaïque, celle de la prime enfance, imprimée dans sa mémoire inconsciente. Nayla a-t-elle perçu ce trait chez son futur mari? À quel membre de sa famille appartient-il? Qu’a-t-elle espéré retrouver chez cet homme qui aurait comblé un désir destiné à n’être jamais assouvi?
Qu’est devenu, par la suite, cet amour? Il s’est mué en déception, en échec, nous dit-elle. Au lieu d’une relation amoureuse désirée par Nayla, son partenaire l’a éliminée en tant que sujet désirant. Elle a été réduite à un simple objet sur lequel se déversent toutes les pulsions destructrices d’un homme jouissant de la passivité de sa victime.
Quelles peuvent être les causes de la soumission première de Nayla à la violence de son mari? En l’absence d’informations plus complètes, nous pouvons nous hasarder à émettre un ensemble d’interrogations:
A-t-elle connu des parents défaillants dans leur rôle? C’est-à-dire qu’il ne lui a pas été possible, au cours de son développement, de déployer le féminin en elle (qui est très différent de la féminité). A-t-elle eu un père n’ayant pu agir pour instituer une loi symbolique à laquelle tous les membres doivent se soumettre?
A-t-elle eu une mère elle-même soumise à des violences conjugales à laquelle elle s’est identifiée par une sorte de mimétisme?
Toujours est-il que des femmes avec leur histoire subjective, à l’instar de Nayla peut-être, sont parvenues à l’âge adulte sans pouvoir épanouir le féminin en elles parce que cela leur a été dénié. Elles développent une grande fragilité affective et espèrent plutôt inconsciemment trouver, chez un autre, celui qui les soignera, qui saura, par son regard, son amour et sa parole, leur permettre de (re)construire un féminin morcelé, dans le respect de la différence et de la subjectivité. La déception de Nayla fut probablement à la hauteur de ses espérances: son statut de sujet autre lui a été refusé. Elle s’est transformée en bouc émissaire d’un être immature et pulsionnel.
Une question récurrente est souvent posée dans ces situations tragiques: «Mais pourquoi restent-elles? Pourquoi ne quittent-elles pas leur agresseur?» Et pourquoi Nayla, après avoir quitté son mari, lui est-elle revenue?
La psychanalyste Marie-France Hirigoyen nous explique que la transformation de la femme en objet de satisfaction annihile sa pensée, la fait douter d’elle-même et des interventions de son entourage qui veut la voir réagir. Elle se soumet à la pulsion d’emprise de son mari, cherchant même à justifier sa conduite violente.
Les mécanismes que celui-ci utilise sont les suivants: attaquer son identité pour casser sa capacité de résistance, l’isoler de son entourage afin qu’il continue d’exercer son emprise sur elle, la soumettre à des frustrations permanentes pour accroître son sentiment d’insécurité, exercer une intimidation constante, la surveiller infatigablement pour empêcher des velléités d’indépendance, la harceler et la menacer continuellement pour la réduire au silence. L’ensemble de ce processus aboutit alors à un phénomène paradoxal: l’inversion de la culpabilité, c’est-à-dire que ces victimes sont induites à penser qu’elles sont elles-mêmes responsables de la mésentente du couple, n’ayant su agir pour renforcer le lien amoureux et satisfaire le conjoint.
Nayla a eu le courage de mettre fin à ses souffrances. Il lui reste à entreprendre une thérapie psychanalytique afin de mieux comprendre ce qui, dans son passé, a été à l’origine de son funeste choix et cela afin, d’une part, de réorganiser l’ensemble de son développement affectif et sexuel et, d’autre part, de ne pas retomber dans la répétition des mêmes toxiques attirances.
Vous pourrez, à l’instar de Nayla, nous envoyer votre histoire qui sera soumise à une analyse et une réflexion de nature psychanalytique. Veillez à nous fournir tous les détails dont vous disposez en envoyant un mail à belibrahim@icibeyrouth.com
«Je m’appelle Nayla, j’ai 37 ans. À 17 ans, j’ai rencontré celui qui deviendrait mon bourreau. Ce qui a commencé comme un coup de foudre s’est rapidement transformé en un enfer de jalousie et de violence. Un soir, marqué par la brutalité, il a déversé une bouteille de vin sur ma tête parce qu’un ami m’avait parlé à une soirée. Puis, il m’a enfermée sur la terrasse dans le froid glacial. Lorsque je suis enfin rentrée, en suppliant, il a répondu à mes cris par une cigarette écrasée sur mon palais et des coups portés à ma bouche, me laissant cracher du sang. Pendant trois ans, j’étais prisonnière de sa colère et de sa cruauté. Il rentrait ivre, me forçant à avoir des rapports sexuels avec lui, surveillait mes moindres faits et gestes, même allant jusqu’à enregistrer mes conversations. Quand je suis tombée enceinte, il m’a frappée au ventre, niant être le père. J’ai perdu l’enfant. La peur était si profonde que, plus d’une fois, je me suis enfuie dans la nuit, seulement pour être traînée de force par les cheveux. Je passais mon temps dans les urgences des hôpitaux prétextant toujours que je m’étais cognée. Cela a duré des années. Je ne racontais rien de ce que j’endurais à ma famille et encore moins à mes amies. D’ailleurs, je m’étais isolée progressivement. Je passais mon temps à camoufler mes bleus pour aller travailler. Je me suis séparée de lui et j’ai demandé le divorce, mais j’ai rechuté dans cette spirale de violence, en revenant chez lui. Ce n’est qu’à 27 ans que j’ai trouvé la force de le quitter, après des coups de trop qui ont failli me tuer. Je suis en thérapie. J’espère pouvoir me libérer de lui définitivement. Mon histoire est celle de la survie, un rappel brutal de la réalité terrifiante de la violence conjugale.»
L’histoire que nous communique Nayla n’est malheureusement pas une rare situation conjugale. Nombreuses sont, en effet, les femmes qui subissent les mêmes tourments.
La violence qu’elle endure n’est pas seulement physique. Elle s’accompagne très souvent, comme elle nous le laisse entendre, de violences verbales, psychologiques, sexuelles ou peut-être même financières. Nayla a pu heureusement prendre la décision de rompre ce funeste enchaînement, sinon elle aurait pu connaître le sort d’autres victimes acculées au suicide.
Elle ne nous parle pas des conséquences de ces violences sur l’ensemble de sa personne. Leur objectif dissimulé est d’abord de briser son élan vital, d’anéantir toute velléité de révolte. Leurs effets sont graves et nombreux: des lésions corporelles que l’on cherche à dissimuler, des symptômes psychologiques qui apparaissent comme la dépression, la perte de la confiance en soi, des crises d’angoisse, des troubles du sommeil et de l’alimentation, le recours à des substances addictives, des troubles psychosomatiques et même une altération des capacités intellectuelles et mentales. Les signes de traumatisme psychologique apparaissent ainsi fréquemment. Des symptômes d’ordre gynécologique peuvent également s’accompagner de troubles obstétricaux comme nous le signale Nayla avec la perte de son enfant. Lorsque les violences deviennent cycliques, ces pathologies s’installent dans une chronicité et leur soulagement médical ou psychique s’avère plus difficile.
Nayla nous dit qu’elle a eu le coup de foudre pour son futur mari. C’est une expression qui apparait très séduisante pour une grande majorité de personnes. Mais sa logique relève du mystère: le coup de foudre échappe à toute explication, il est irrationnel tout comme l’est tout amour. Ce «coup» provient de la perception inconsciente d’un élément décelé chez l’autre qui renvoie le sujet à une vie archaïque, celle de la prime enfance, imprimée dans sa mémoire inconsciente. Nayla a-t-elle perçu ce trait chez son futur mari? À quel membre de sa famille appartient-il? Qu’a-t-elle espéré retrouver chez cet homme qui aurait comblé un désir destiné à n’être jamais assouvi?
Qu’est devenu, par la suite, cet amour? Il s’est mué en déception, en échec, nous dit-elle. Au lieu d’une relation amoureuse désirée par Nayla, son partenaire l’a éliminée en tant que sujet désirant. Elle a été réduite à un simple objet sur lequel se déversent toutes les pulsions destructrices d’un homme jouissant de la passivité de sa victime.
Quelles peuvent être les causes de la soumission première de Nayla à la violence de son mari? En l’absence d’informations plus complètes, nous pouvons nous hasarder à émettre un ensemble d’interrogations:
A-t-elle connu des parents défaillants dans leur rôle? C’est-à-dire qu’il ne lui a pas été possible, au cours de son développement, de déployer le féminin en elle (qui est très différent de la féminité). A-t-elle eu un père n’ayant pu agir pour instituer une loi symbolique à laquelle tous les membres doivent se soumettre?
A-t-elle eu une mère elle-même soumise à des violences conjugales à laquelle elle s’est identifiée par une sorte de mimétisme?
Toujours est-il que des femmes avec leur histoire subjective, à l’instar de Nayla peut-être, sont parvenues à l’âge adulte sans pouvoir épanouir le féminin en elles parce que cela leur a été dénié. Elles développent une grande fragilité affective et espèrent plutôt inconsciemment trouver, chez un autre, celui qui les soignera, qui saura, par son regard, son amour et sa parole, leur permettre de (re)construire un féminin morcelé, dans le respect de la différence et de la subjectivité. La déception de Nayla fut probablement à la hauteur de ses espérances: son statut de sujet autre lui a été refusé. Elle s’est transformée en bouc émissaire d’un être immature et pulsionnel.
Une question récurrente est souvent posée dans ces situations tragiques: «Mais pourquoi restent-elles? Pourquoi ne quittent-elles pas leur agresseur?» Et pourquoi Nayla, après avoir quitté son mari, lui est-elle revenue?
La psychanalyste Marie-France Hirigoyen nous explique que la transformation de la femme en objet de satisfaction annihile sa pensée, la fait douter d’elle-même et des interventions de son entourage qui veut la voir réagir. Elle se soumet à la pulsion d’emprise de son mari, cherchant même à justifier sa conduite violente.
Les mécanismes que celui-ci utilise sont les suivants: attaquer son identité pour casser sa capacité de résistance, l’isoler de son entourage afin qu’il continue d’exercer son emprise sur elle, la soumettre à des frustrations permanentes pour accroître son sentiment d’insécurité, exercer une intimidation constante, la surveiller infatigablement pour empêcher des velléités d’indépendance, la harceler et la menacer continuellement pour la réduire au silence. L’ensemble de ce processus aboutit alors à un phénomène paradoxal: l’inversion de la culpabilité, c’est-à-dire que ces victimes sont induites à penser qu’elles sont elles-mêmes responsables de la mésentente du couple, n’ayant su agir pour renforcer le lien amoureux et satisfaire le conjoint.
Nayla a eu le courage de mettre fin à ses souffrances. Il lui reste à entreprendre une thérapie psychanalytique afin de mieux comprendre ce qui, dans son passé, a été à l’origine de son funeste choix et cela afin, d’une part, de réorganiser l’ensemble de son développement affectif et sexuel et, d’autre part, de ne pas retomber dans la répétition des mêmes toxiques attirances.
Vous pourrez, à l’instar de Nayla, nous envoyer votre histoire qui sera soumise à une analyse et une réflexion de nature psychanalytique. Veillez à nous fournir tous les détails dont vous disposez en envoyant un mail à belibrahim@icibeyrouth.com
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