L’ancien chef spirituel de la communauté chiite libanaise, l’imam Moussa Sadr, a laissé une empreinte indélébile au Liban. Porte-étendard de la lutte en faveur de la dignité des chiites libanais «déshérités», il a institué, en 1963, une fondation qui, malgré les tumultes de la guerre du Liban, déclenchée en 1975, a mis sur pied plusieurs institutions éducatives et projets sociaux.
L’imam Moussa Sadr, ancien chef spirituel de la communauté chiite libanaise, mystérieusement disparu au cours d’une visite en Libye en 1978, est resté dans la mémoire des Libanais comme la principale personnalité qui a porté l’étendard de la lutte en faveur de la dignité des chiites libanais. Né en 1928 à Qom, en Iran, ce religieux chiite, qui avait le titre de Sayyed (porté par les descendants du Prophète Mohammed), a suivi des études de théologie à la hawza (sorte d’école religieuse) de Najaf, en Irak. En 1959, il s’installe au Liban et initie des projets sociaux et éducatifs, grâce au soutien du président Fouad Chéhab, préoccupé par le développement des régions chiites du sud du pays.
Pour la dignité humaine
L’imam Moussa Sadr est surtout connu pour sa contribution à la création du Conseil supérieur chiite, en 1967, et du «Mouvement des déshérités», en 1974, lequel a donné naissance au mouvement (politique) Amal. Sa disparition en Libye a conduit sa sœur, Rabab Sadr Charafeddine, à reprendre le flambeau de la Fondation de l’imam Sadr.
Un sermon prononcé en février 1975 à l’église des Capucins de Beyrouth révèle les valeurs humanistes prônées par Moussa Sadr: «Il faut préserver et développer toutes les énergies de l’homme et celles de tout homme. C’est pourquoi nous retrouvons le principe de perfectibilité depuis les premières encycliques et jusqu’à la dernière selon laquelle ‘pour être authentique, il [le développement] doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme’, dans ses différentes dimensions.»
Ce dernier point, par ailleurs commun à feu Grégoire Haddad, ancien évêque grec-catholique de Beyrouth, fondateur du Mouvement social avec lequel l’imam a collaboré durant un certain temps, place la dignité humaine au cœur de la pensée et de l’action de Moussa Sadr. La Fondation de l’imam Sadr perpétue dans les faits cet idéal qui se répercute sur les projets mis en place depuis plus de six décennies.
Dar el-Fatat
Rabab Sadr Charafeddine, présidente de la Fondation de l’imam Sadr, nous accueille dans son bureau et rappelle avec sérénité et humilité, presque sans mentionner son propre rôle précurseur, que la mission de la fondation était d’«ouvrir des écoles et des centres de formation». La fondation a débuté avec la formation de jeunes filles en 1963, parallèlement à un centre pour garçons dirigé par l’imam. «Le centre pour filles, c’est moi qui en étais responsable sur le plan administratif», se souvient Rabab Sadr. Depuis, la fondation a continué de croître, particulièrement à Tyr, où l’imam s’était installé quatre ans après son arrivée au Liban, en 1959. Un projet majeur était le Dar el-Fatat, "la maison pour filles", qui mettait en relief l’importance accordée à l’émancipation des femmes par l’éducation, permettant ainsi leur indépendance financière.
La philosophie qui sous-tend l’action de la fondation est d’éduquer l’homme pour qu’il devienne «un citoyen modèle», indépendamment de sa religion. Rabab Sadr insiste sur l’importance «des valeurs morales, de l’éthique, de l’humanisme, et de la citoyenneté».

Le sud
Les années 1980 ont été marquées par des déplacements massifs de civils, à la suite d’opérations militaires et de l’invasion israélienne de 1982. Malgré les dommages subis pendant l’invasion, la Fondation Sadr a persisté dans son engagement en faveur du bien-être et de l’éducation, démontrant une résilience inébranlable. Les difficultés n’ont pas ébranlé la détermination des responsables à assurer l’éducation des filles, rendue possible grâce à la reprise rapide des cours dans des installations temporaires à Borj Chémali, près de Tyr.
Des activités humanitaires et médicales ont été lancées, et malgré les obstacles, une école élémentaire a vu le jour en 1981, offrant à travers l’école Rihab al-Zahra un refuge éducatif aux jeunes filles orphelines ou issues de milieux défavorisés. En 1985, le retrait des forces israéliennes a permis la pose de la première pierre du complexe culturel de Tyr, symbolisant un renouveau dans les initiatives de la fondation. Ainsi, malgré les défis, la Fondation Sadr persiste dans sa mission, tel un phare qui entretient l’espoir en un avenir meilleur, fondé sur un constant progrès au Liban-Sud.
Au fil des décennies, la Fondation de l’imam Sadr a prospéré, louant un terrain côtier de 30.000 mètres carrés à Tyr et lançant des programmes de Formation professionnelle initiale (FPI), en 1998. Ces programmes, axés sur l’autonomisation des femmes, offrent une formation professionnelle dans divers domaines. Ainsi, malgré les défis, la Fondation Sadr continue d’éclairer le chemin du progrès et de l’espoir au bénéfice de la population du Liban-Sud.
Un tel message d’espoir est présent dans les paroles de Rabab Sadr Charafeddine : «Dieu a créé l’Homme en lui accordant beaucoup d’atouts, de capacités et de grâces. L’Homme peut être actif dans la vie, coopérer avec les autres et entretenir des relations amicales, car, en définitive, nous sommes les fils d’un même Dieu, que nous soyons chrétiens ou musulmans. Nous sommes tous frères, c’est ce qui nous pousse à coopérer avec les autres et à aimer les autres. Lorsque l’amour nous unit, la société devient différente. Tout individu peut se distinguer par son éthique, sa foi, sa citoyenneté et sa religion, en plus d’être actif dans sa société.»

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