Gaza, le bilan d’une guerre désastreuse 

La reprise des hostilités à Gaza était inévitable car la dynamique propulsée par le pogrom du 7 octobre n’est pas venue à terme, Israël ne pouvant, en aucun cas, entériner l’état de fait et composer avec le contrôle de Gaza par le Hamas et les extrémistes palestiniens, avaliser la démarche génocidaire et l’argumentaire judéophobe qui leur sont associés, et se débattre, de manière cyclique, avec les menaces sécuritaires posées par la transformation de Gaza en plateforme de guerre permanente.
Il est cependant impossible de dissocier les théâtres opérationnels de Gaza, du Liban-Sud et des zones syriennes frontalières du Golan, car ils servent consécutivement de relais à la stratégie de déstabilisation du régime iranien. Les hostilités sur ces trois axes se sont muées en menaces existentielles dont les Israéliens ne peuvent plus s’accommoder. La nature des enjeux en question conduisent à des reconsidérations géostratégiques impératives qui ne peuvent plus être renvoyées aux calendes grecques: le changement de la donne géostratégique est impératif. Les Palestiniens, de leur côté, se démènent dans des impasses statutaires dues à l’absence de leur autonomie politique et morale, leur instrumentalisation par les politiques de puissance arabe et musulmane, leurs guerres civiles continues et les inconséquences de leurs stratégies politiques et militaires.
La prédominance de la droite ultranationaliste et messianique, l’état d’hibernation prolongé des accords de paix et l’absence d’échanges entre les parties du conflit, sont relayés, du côté palestinien, par l’islamisation de la question nationale, les échecs de l’Autorité nationale palestinienne et le retour en force des extrémistes palestiniens pilotés par la politique de puissance iranienne. La mise à mort de la dynamique de paix, de part et d’autre, a été scandée par la relance du terrorisme palestinien, l’assassinat d’Itzhak Rabin par les extrémistes israéliens et la prolifération des colonies, la construction du mur, la réhabilitation de la rhétorique maximaliste (la mort de la solution des deux États, la destruction de l’État d’Israël, la dérive nihiliste…) et la mise au rancart de la diplomatie et des juridictions internationales d’arbitrage.

Cette radicalisation s’est traduite par la remise en question de l’État de droit en Israël, illustrée par la crise constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, l’émergence de la guerre culturelle entre Israéliens et le désaccord sur la sempiternelle question de l’identité de l’État d’Israël, et l’approche du problème palestinien, alors que les Palestiniens se sont rabattus sur la doxa "pas de paix, pas de réconciliation, pas de reconnaissance" et se sont départis de la dynamique des accords de paix au profit de la radicalisation, des politiques d’instrumentalisation et de la violence nihiliste. Le recours au terrorisme par les mouvances extrémistes palestiniennes, la politique israélienne de représailles et l’instrumentalisation des civils palestiniens comme boucliers humains rendent compte des tragédies du 7 octobre 2023 et de l’âpreté de la guerre urbaine à Gaza.
Cette guerre délibérée déclenchée par le Hamas et ses commanditaires iraniens est une guerre de nécessité pour les Israéliens qui doit être remportée en vue de contenir les cycles symétriques de violence en Syrie et au Liban. Ce qui, en d’autres termes, veut dire casser la dynamique iranienne et ses relais et s’engager dans une voie alternative tant sur le plan militaire que politique. L’opposition frontale à l’Iran, la défaite militaire du Hamas et la neutralisation des théâtres opérationnels au Liban et en Syrie sont les conditions préjudicielles au retour à la table des négociations, en vue de mettre fin aux crises cycliques qui se réinventent au gré des circonstances. Les Israéliens ne peuvent gagner la guerre à moins de la relier à une politique alternative de paix, et les Palestiniens ne sont pas à même de mettre fin à leurs ambiguïtés statutaire, stratégique et opérationnelle, à moins de se doter d’une autonomie morale et politique, de se défaire des instrumentalisations alternées et de réengager les Israéliens dans le cadre d’une conférence internationale de paix.
Le jeu cynique et criminel de l’Iran et de ses relais palestiniens est à l’origine de cette guerre tragique et de ses dynamiques multiples, et il n’y a d’autre issue que de défaire le Hamas et ses consorts libanais et syriens afin de redonner à la communauté internationale les chances d’un règlement diplomatique. Après 75 ans de conflits alternés, de médiations continues, d’accords aboutis et de coexistence entre Israéliens et Palestiniens, il est déjà temps de mettre en rail une solution aux problèmes sui generis et d'en finir avec les instrumentalisations qui se succèdent. L’approche de ce conflit comme s’il s’agissait d’un événement récent et aux contours imprécis est un paralogisme et une erreur méthodologique. Les récupérations multiples de ce conflit ainsi que les surdéterminations idéologiques qui lui sont associées font partie des obstacles épistémologiques et opérationnels qu’il faudrait baliser afin de rendre possible la recherche d’une solution négociée.
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