La guerre de Gaza: le point de la question

Le déroulement des combats, depuis le 7 octobre dernier, a mis en relief un fait tragique: la transformation de Gaza en plate-forme de subversion qui remet en question la sécurité des populations civiles des deux côtés de la frontière, en accord tacite avec le bailleur de fonds qatari, le maître d’ouvrage iranien et le cynisme du gouvernement Netanyahou qui regardait de l’autre côté, alors qu’il relayait les fonds qataris au Hamas.
La prise du pouvoir par le Hamas en 2007, la guerre civile qui a suivi avec l’Autorité nationale palestinienne, la poursuite des opérations terroristes en territoire israélien et les représailles qu’elles entraînaient dans leur sillage ont servi de prélude à cet effondrement brutal. Néanmoins, les évolutions, aussi bien politiques que stratégiques, nous placent face à des réalités qu’on ne peut pas écarter d’un revers de main:
1/ Le caractère inéluctable de la destruction de la plate-forme opérationnelle du Hamas et les remaniements géostratégiques qu’elle va induire.
2/ La synergie entre le Hezbollah et le Hamas et l’impossibilité de dissocier les enjeux militaires et stratégiques sur ce plan.
3/ L’internationalisation du conflit en cours et sa restructuration au croisement des clivages et des agencements du nouvel ordre international.
4/ L’instrumentalisation de la politique de sabotage initiée par l’Iran au bénéfice de la politique des conflits gelés de Poutine et d’une Chine inexpérimentée et incohérente qui fait son entrée en scène avec des interventions inconsistantes et sans suite.
5/ Les États-Unis et les pays de l’Otan ont judicieusement tracé les lignes de partage autour des axes suivants: le droit d’Israël à l’autodéfense, la défaite militaire du Hamas, les pauses humanitaires et le troc entre la libération des otages israéliens et les couloirs humanitaires en vue de sauvegarder les droits des civils palestiniens et de casser la stratégie des boucliers humains du Hamas.

6/ La destruction des plates-formes opérationnelles du Hamas débouche sur la question des nouvelles frontières, des périmètres de sécurité et de la gouvernance de Gaza, qui remettent sur la table des négociations la question de la solution d’ensemble du conflit.
7/ La destruction du Hamas redonne à l’Autorité palestinienne tout son rôle et sa légitimité en vue de relancer les négociations sur la base des accords antérieurs (ONU, 1947, Camp David 1978, Madrid 1991, Oslo 1993-1995, Wadi ‘Araba 1994, Abraham 2020) et remet en question la vision de la droite ultranationaliste et messianique en Israël qui a non seulement échoué en matière sécuritaire, mais s’érige en obstacle à toute solution négociée et au désenclavement politique et diplomatique d’Israël dans le monde arabe.
8/ La politique génocidaire du Hamas est sans équivoque et étroitement corrélée aux idéologies islamistes (Al Qaïda, État islamique, Frères musulmans, Régime islamique en Iran…). L’endiguement de cette embardée stratégique devrait remonter à la source qu’est la politique iranienne qui a réussi à dérailler la politique de normalisation avec l’Arabie saoudite et enrayer en amont les négociations israélo-palestiniennes.
Les scénarios catastrophe sont à écarter car la stratégie iranienne a été court-circuitée par l’ampleur de la menace existentielle, le sursaut nationaliste en Israël et dans les diasporas juives, ainsi que le ralliement des démocraties occidentales. Celles-ci ont pris la mesure de ce défi qui visait la sécurité de l’État d’Israël, ressuscitait les démons d’un antisémitisme génocidaire et se servait de ce conflit ethno-national conventionnel comme catalyseur des ressentiments d’une modernité islamique et arabe entièrement échouée, des réfractions pathologiques de la haine de soi comme revers de la haine de l’autre (juif et occidental en l’occurrence) et des enfermements psychotiques qui structurent les idéologies de gauche depuis la fin de l’ère communiste et ses dystopies meurtrières (wokisme et élucubrations des idéologies post-coloniales).
Ce n’est pas un hasard de constater le brouillage idéologique qui avance sans discernement, sans registres conceptuels précis et sans métrique de quelque ordre que ce soit. Paradoxalement, les massacres d’Israéliens en tant que juifs sont entièrement occultés et salués. L’instrumentalisation des habitants de Gaza comme boucliers humains est loin de susciter l’indignation, le droit d’Israël à l’autodéfense est dénié alors que la déclaration de guerre du Hamas, du Hezbollah et de leurs commanditaires iraniens est légitimée. Les crimes de guerre ne sont pas le fruit du hasard. Ils constituent des crimes intentionnels et dûment planifiés. L’épisode du 7 octobre et ses suites en font partie.
La déclaration de guerre du Hamas est la source des tragédies auxquelles on a assisté, de part et d’autre, et qui ne pourraient s’achever qu’avec la fin de la dynamique de subversion iranienne et de l’instrumentalisation des blocages pérennes du conflit israélo-palestinien dans le cadre d’un Proche-Orient stabilisé. Les délires idéologiques de la nouvelle guerre froide et ses supplétifs au sein des mouvances marxiste et wokiste, ainsi que la démagogie populiste de Netanyahou et de sa coalition ne peuvent, sous aucun rapport, aider à la désescalade et redonner à la diplomatie l’élan et les encadrements requis.
L’affrontement avec le régime iranien est impératif et la fin du Hamas est une opportunité dont il faudrait se saisir pour relancer les négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens dans le cadre d’une conférence internationale, où l’Autorité palestinienne et une coalition gouvernementale israélienne pour la paix poseraient les jalons des deux États et leurs encadrements stratégiques et sécuritaires. Cette sortie par effraction des verrouillages d’un conflit délétère et qui tourne à vide démontre la futilité d’une politique chinoise inopportune et sans narratif cohérent, ainsi que les impasses d’une dictature russe qui n’a d’autre apport que d’impulser des conflits ouverts et d’entretenir d’autres dans la durée.
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