Si l’économie a l’air de vouloir redémarrer, comme on le constate dans les rares chiffres disponibles et dans les observations empiriques, cela ne veut pas dire que l’essor est assuré.
La Banque mondiale et le FMI, qui adorent jouer les hiboux ululant, l’ont déjà dit: ‘’Ces manifestations d’un regain de la vie économique sont trompeuses et ne constituent pas une base solide pour l’avenir.’’ Ils n’ont pas totalement tort. D’abord, on n’a rien fait au niveau des trous monétaires, des réformes et de la dette.
Puis il y a deux pans indispensables de la vie économique qui manquent toujours à l’appel, l’État et le secteur bancaire. Un pays ne peut survivre longtemps sans.
Pourtant, on aurait bien aimé, l’État a toujours été un peu virtuel au Liban. Mais il avait le mérite d’existoyer, avant de péricliter petit à petit. Et quand on croit qu’il a atteint le fond, on ne sait pas comment, mais il trouve toujours le moyen de s’enfoncer encore plus dans la bouse. C’est d’une créativité étonnante.
Quant au secteur bancaire, il est ce qu’il est devenu. On ne va pas revenir sur le pourquoi du qui, du comment. Ce n’est pas notre propos. N’empêche qu’on le regrette car lui, au moins, a été fort utile pendant des décennies.
Que faire donc en attendant le retour du secteur bancaire sur la scène économique? Car pour bien relancer l’activité économique, il faut encore deux impératifs liés: avoir des sources de crédit, et investir. Pour le premier, on n’a pas de solution pour le moment, à moins d’aller vous polluer avec Al-Qard-Al-Hassan; vous aurez alors en bonus une colonoscopie au Rassoul-Al-Aazam...
Faute de crédit, le seul moyen pour investir reste donc de puiser dans vos fonds propres. Beaucoup l’ont fait, mais cela reste risqué, d’autres n’ont pas assez de moyens. En même temps, plus de 200 000 comptes en dollars frais, soit deux milliards de dollars, dorment dans les banques en ne rapportant rien du tout. À part les milliards qui sommeillent dans les coffres-forts domestiques, alors que vous avez décelé déjà des signes de moisissure sur une petite liasse. Comment assortir ces deux catégories, pour le bénéfice des deux?
Dans un pays normal, il y a la bourse qui constitue cette fenêtre d’opportunité pour financer les entreprises et pour monsieur madame tout le monde pour faire fructifier leur argent. Or notre bourse est comateuse depuis longtemps, pour des raisons qu’on élaborera un jour.
On va donc aller vers une autre fenêtre, plutôt un vasistas (la petite lucarne vers le ciel…). Ce sont les ‘fonds d’investissement’. De quoi s’agit-il? Prenons un groupe de financiers ou de gestionnaires, flanqués d’un MBA de Harvard, qui décide d’investir dans un domaine donné, mais dont les moyens financiers propres sont limités.
Il crée alors un ‘Fonds d’investissement’, auquel tout un chacun peut contribuer en mettant sur le tapis 1000 dollars, ou 10.000, ou plus, ou moins, c’est selon. Le Fonds, géré de la façon la plus professionnelle possible par un comité crédible, va investir dans des projets au Liban, gagner de l’argent, et vous donner votre part du gain.
Ça, c'est le principe général. Dans les détails et les nuances, on peut varier ces fonds à l’infini. On peut créer des fonds immobiliers, spécialisés donc dans ce secteur: acheter des terrains, aménager des maisons, des magasins, les louer, les revendre…
Puis des fonds touristiques si vous êtes aussi excités que le ministre qui arpente tous les matins les dalles de l’aéroport pour compter les bagages. Des fonds qui exploitent donc des hôtels, inaugurent des restos et des rooftops, créent des guest houses, rachètent des parcs d’attraction, etc.
Ou alors des fonds industriels, maintenant que l’industrie locale commence à supplanter quelques importations, et a un avantage concurrentiel pour l’export. Ainsi de suite.
Et puis vous pouvez varier le plaisir en panachant vos placements, un peu sur chaque fonds. On peut même imaginer un fonds multi-pays, qui investit 50% au Liban, 20% à Chypre et 30% en France. Ça c’est au cas où vous êtes un chat échaudé et sentez encore la brûlure du 4 août sur votre peau dans votre échoppe de Gemmayzé.
Un fonds peut aussi être permanent, ou être créé juste pour un projet; disons, ériger un centre commercial. Et même s’il est permanent, les fonds d’investissement ont toujours une porte de sortie possible pour ceux qui ont besoin de nouveau de leur cash. Leur part aura peut-être aussi gagné en valeur.
Une telle idée est d’ailleurs un classique dans d’autres pays. Et même ici, il y a eu des cas pareils, mais c’était pour les super richards. Il semble d’ailleurs que la législation existe déjà, mais elle aurait besoin d’être dépoussiérée.
Il manque juste, donc, un instigateur, un déclencheur. On aurait pu penser aux vice-gouverneurs pour bien démarrer leur mandat – sauf qu’ils en sont encore à hésiter sur la couleur de leur cravate.
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
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