©Scène de guerre à Roubaix.
Confirmant les craintes des autorités, la nuit de jeudi 29 à vendredi 30 juin a été émaillée de violences sur l'ensemble du territoire français. Ces émeutes, provoquées par la mort d'un adolescent tué par un policier à bout portant à Nanterre, ravivent le souvenir des troubles ayant secoué le pays en 2005.
Bâtiments publics dégradés, magasins pillés, véhicules incendiés... De nombreuses villes de région parisienne et de province se sont réveillées vendredi avec les stigmates d'une nouvelle nuit de violences, mettant sous pression l'exécutif qui se réunit à 13h00 à Paris.
Pour la deuxième fois en deux jours, Emmanuel Macron, qui a quitté le sommet européen à Bruxelles, va présider une cellule interministérielle de crise en début d'après-midi.
C'est tout ce qui reste du terminal de bus de Fort d'Aubervilliers situé en face du centre de natation des JO de 2024, au nord de Paris.
Évocation du recours à l'état d'urgence
Interrogée lors d'un déplacement à Evry-Courcouronnes (Essonne) sur l'éventualité d'un recours à l'état d'urgence, Elisabeth Borne a répondu que "toutes les hypothèses" étaient "envisagées avec une priorité: le retour de l'ordre républicain", quand l'Elysée a assuré qu'Emmanuel Macron était prêt à adapter le dispositif de maintient de l'ordre "sans tabou".
L'instauration de l'état d'urgence, comme lors des émeutes urbaines de 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, "c’est évidemment une question qui se pose", a estimé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, vendredi matin sur Sud radio. Son homologue chargé de la Ville, Olivier Klein, a jugé sur France Inter qu'une telle mesure serait "un aveu d'échec", sans l'exclure formellement.
La Première ministre française Elisabeth Borne avec des policiers devant le commissariat d'Evry-Courcouronnes au sud de Paris.
L'état d'urgence permet notamment aux autorités administratives de prendre des mesures d'exception comme une interdiction de circuler. Il a également été déclenché après les attentats de 2015.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces de l'ordre ont procédé à 667 interpellations, a annoncé dans un tweet Gérald Darmanin, évoquant "une rare violence".
Côté forces de l'ordre, au total, 249 policiers et gendarmes ont été blessés dans la nuit.
Saisi par une vidéo amateur, le tir à bout portant d'un motard de la police mardi matin sur un jeune homme de 17 ans, lors d'un contrôle routier à Nanterre, continue à embraser de nombreux quartiers populaires du pays.
Pour endiguer une "généralisation" des violences urbaines, les autorités avaient mobilisé dans la nuit de jeudi à vendredi 40.000 policiers et gendarmes, ainsi que des unités d'intervention d'élite comme la BRI, le Raid (police) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
Le siège du groupe Tessi à Roubaix.
L'engrenage de la violence s'empare de la France
Malgré ce déploiement massif, des violences et des dégradations ont eu lieu dans de multiples villes: 119 bâtiments publics attaqués selon l'Intérieur.
"Il n'y a pas d'affrontement très violent en contact direct avec les forces de l'ordre, mais il y a un certain nombre de magasins vandalisés, de commerces pillés voire incendiés", a détaillé un haut-gradé de la police nationale.
Selon le parquet de Paris, 150 personnes ont été placées en garde à vue en lien avec les événements de la nuit et une quarantaine de magasins dégradés.
Cela a été le cas dans le cœur de Paris, aux Halles et dans la rue de Rivoli qui mène au Louvre, mais aussi en banlieue parisienne, dans l'agglomération de Rouen, à Nantes et à Brest, où le sous-préfet Jean-Philippe Setbon a décrit à l'AFP "beaucoup d'affrontements entre policiers et petits groupes très mobiles".
Pillage d'un supermarché à Lille.
Cocktail Molotov, fusées d’artifice et pillages
En Seine-Saint-Denis, "quasiment toutes les communes" ont été impactées, a constaté une source policière. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Epinay-sur-Seine.
Comme la veille, les forces de l'ordre ont également été visées, des poubelles, des voitures et des bus brûlés, notamment à Villeurbanne (Rhône) ou à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
A nouveau, des bâtiments publics ont été pris pour cibles, comme à Amiens où une école maternelle a été en partie incendiée rendant l'accueil des enfants impossible vendredi.
Les brasiers se sont multipliés à Roubaix (Nord) sous les sirènes des pompiers et le projecteur d'un hélicoptère de la police. "En deux jours, ils ont fait ce que les Gilets Jaunes ont fait en deux ans", a commenté un passant, qui refuse de donner son nom.
A Marseille, la devanture de la bibliothèque municipale de l'Alcazar a été endommagée. Sur le Vieux-Port, des échauffourées ont opposé les forces de l'ordre à un groupe de 100 à 150 personnes qui auraient tenté de monter des barricades.
A la cité Pablo-Picasso à Nanterre, dont Nahel était originaire, des voitures ont été incendiées, des mortiers d'artifice et autres grenades artisanales ont été tirés, a constaté une journaliste de l'AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée.
Un jeune Lyonnais devant les carcasses de véhicules brûlés.
L'ONU monte au créneau
Depuis la mort de Nahel mardi, des écoles et des édifices publics ont été la cible de la colère de jeunes habitants des quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient embrasé la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, un mineur connu pour des refus d'obtempérer.
Le parquet considère que "les conditions légales d'usage de l'arme" par le policier auteur du tir "ne sont pas réunies", a déclaré jeudi le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.
Ce policier de 38 ans a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi.
Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré que ce motard de la police nationale positionné le long de sa voiture tenait Nahel en joue après une course-poursuite puis a tiré à bout portant.
La porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme s'est dite préoccupée par les violences qui ont éclaté après la mort de Nahel, tout en demandant à la France de se pencher "sérieusement" sur les "problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l'ordre".
Malo Pinatel, avec AFP
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